Le site de e-commerce Zalando est sous pression en Allemagne à la suite d’un reportage sur les conditions de travail dans son plus gros entrepôt situé à Erfurt. Le reportage « undercover » a été diffusé sur RTL le 14 avril et montre les conditions difficiles faites aux employés.
Les conditions de travail sont dures dans le plus gros entrepôt de la marque de e-commerce Zalando, spécialiste de la vente de chaussures et de mode en Europe. C’est ce qu’a révélé une jeune journaliste allemande, Caro Lobig, qui s’est faite embauchée comme manutentionnaire durant trois mois. Son reportage a été diffusé sur la chaîne allemande RTL lors de la soirée du 14 avril dernier.
Arpenter de longs couloirs
Elle a travaillé au centre de logistique de la marque à Erfurt, en Allemagne. Caro Lobig, rebaptisée Julia pour l’occasion, a travaillé dans le « Pick Tour ». Les responsabilités d’une « Pickerin » consistent à arpenter de longs couloirs pour recueillir un par un les articles commandés, parmi 7 millions de produits sur plus de 1000 rangées d’étagères sur quatre niveaux.
Afin de mesurer les distances parcourues, Caro Lobig a pris un podomètre, et a mesuré 18 km, 20 km et même 27 km les jours de pointe sur ses huit heures de travail. Tout cela a des conséquences sur la santé des travailleurs. Certains indiquent « Zalando m’a rendu malade. » Presque chaque jour, une ambulance est nécessaire pour prendre en charge un employé arrivé à ses limites. Le tout dans un climat de surveillance.
Reportage accompagné par Günter Wallraff
La journaliste indique que la pression au rendement est permanente. Elle a été accompagnée et soutenue lors de son opération « undercover » par Günter Wallraff, spécialiste de ce type d’opérations. Ce dernier avait vécu l’existence d’un travailleur immigré turc, une épreuve qu’il avait racontée dans son livre « Tête de turc. »
L’entrepôt est situé au milieu d’un champ verdoyant avec une zone de stockage de la taille de 18 terrains de football. Environ 2000 employés y travaillent. Le salaire est de 8,79 € de l’heure, c’est-à-dire juste au dessus du salaire minimum légal. Un faible salaire qui s’explique car l’emploi manque à Erfurt qui subit un taux de chômage élevé de 8,7%, soit de 2% de plus que la moyenne nationale.
Zalando toujours pas rentable
Zalando vit une forte croissance et a réalisé un chiffre d’affaires de 1,8 milliard d’euros en 2013, pour une perte de 100 millions d’euros. Zalando a donné une réponse argumentée sur son site. « Le reportage nous a fortement ébranlé » indique la firme, « car il a critiqué la façon dont nous travaillons dans notre centre d’Erfurt et la façon dont nous traitons nos employés sur place. » La société regrette de ne pas avoir été sollicitée par RTL afin de réagir.
Zalando estime que le reportage ne correspond en rien à la culture de l’entreprise ni au moral des employés dans les centres de logistique. « Notre objectif et notre mission sont d’être un bon employeur et responsable » insiste Zalando. La société cite un sondage positif réalisé en Octobre 2013 auprès de 1000 des salariés d’Erfurt qui montre que 88% des employés prennent du plaisir à travailler.
Nouveau contrôle demandé
Zalando annonce qu’il fera à nouveau contrôler les conditions de travail et les normes sociales par une institution indépendante. « Ces rapports nous ont toujours trouvé de très bonnes conditions de travail ces dernières années, avec un score total de 1,3, sachant que 1 est très bon, et 4 est non acceptable. »Zalendo indique qu’il prend très au sérieux ces allégations et qu’il fera son auto critique.
En ce qui concerne le décès d’un employé comme étant une conséquence directe de la surcharge de travail, Zalando se déclare choqué, et rappelle qu’il n’y a pas eu de décès dans le centre d’Erfurt. Le décès ayant eu lieu au domicile, Zalando indique avoir fait respecter 1 mn de silence et déposé une couronne lors des funérailles.
Nous mesurons les performances comme dans toutes les usines
Zalando considère comme inappropriée et ne correspondant pas aux faits la comparaison avec les méthodes de la Stasi, pour ce qui concerne la surveillance systématique, l’espionnage ou le suivi des employés présentés par le reportage. « Comme il est courant dans les usines, nous mesurons la performance des processus, des équipes et des employés, pour améliorer les processus » se défend Zalendo qui entend toutefois continuer à travailler afin d’améliorer les conditions de ses employés.
Le point de vue du syndicat Ver.di, par la bouche de son porte parole Stefan Najda est tout autre. Selon ses propos, publiés par l’agence Reuters, Jeudi dernier, le syndicat essaye de s’implanter chez Zalando mais cela est difficile car beaucoup des employés sont en contrat à durée déterminée. Il n’y a pas eu d’élection d’un comité d’entreprise.
80% de contrats à durée déterminée
Pour les salariés, il s’agit de contrat d’une durée de 1 an pour 80% des gens dans le centre d’Erfurt. « Il est donc difficile pour les employés de s’organiser. » Ne serait-ce que côté salaire, chez le concurrent Amazon, le salaire horaire moyen débute à 9,55 € de l’heure contre 8,79 € chez Zalando.
Un porte parole de Zalando explique que ce taux de contrats à durée déterminée s’explique également par la nouveauté du centre d’Erfut. Dans le centre de Brieselang, qui a ouvert en 2011, un tiers des employés ont un CDI. Ce centre emploie 1000 personnes. Zalando dispose d’un troisième entre en Allemagne, à Mönchengladbach, avec 800 employés.
Photo, la journaliste Caro Lobig avec Günther Wallraff à l’occasion de la réalisation de son reportage.