Peu à peu, malgré les difficultés techniques et les craintes sociétales, les données de santé des Français sont numérisées. Après la mise en place du passe vaccinal et du passe sanitaire sous la pression de la pandémie de la Covid-19, le lancement de « Mon espace santé » et la remise en question de la plateforme du Health Data Hub, replacent plus que jamais l’enjeu du stockage et du partage des données de santé personnelles dans l’actualité cette année.
Des sociétés françaises pour héberger le carnet de santé des Français
Depuis le 3 février et jusqu’au 28 mars 2022, les millions d’assurés de la Sécurité sociale recevront un courrier ou un e-mail. Chacun sera informé que, sauf refus de sa part, un espace numérique personnel nommé « Mon espace santé » lui est désormais attribué.
Chaque assuré aura à remplir son profil médical qui s’ajoutera aux documents déposés automatiquement par les médecins, les laboratoires et les hôpitaux. « Mon espace santé » a la responsabilité de succéder au dossier médical partagé (DMP) lancé en 2018. Ce dernier avait été un échec en ne rassemblant finalement que 10 millions de Français.
Une pléthore de données sensibles centralisées
Ce nouveau carnet de santé numérique sera pléthorique en termes de données sensibles. Il contiendra les ordonnances, les résultats d’examens et d’analyses, les comptes-rendus d’hospitalisation, les imageries médicales, les antécédents familiaux, les maladies, les allergies, les vaccinations et les traitements en cours. Toutes ces informations ne seront accessibles qu’au patient et aux professionnels de santé avec qui il pourra communiquer via une messagerie sécurisée.
L’ensemble de ces données personnelles sont hébergées en France sur des serveurs certifiés « hébergeur des données de santé ». Les sociétés françaises Wordline via sa filiale Santeos pour les données du DMP et Atos pour celles de « Mon espace santé » ont été retenues.
Deux ans pour rendre interopérables les logiciels métiers et les applications tierces
Avec le lancement de « Mon espace santé » le gouvernement et l’Assurance Maladie souhaitent regrouper des données éparpillées, les conserver de manière sécurisée et les partager avec les professionnels de santé. Pour autant, la route est encore longue pour atteindre une plateforme pleinement opérationnelle. Il faut rendre interopérables les logiciels métiers via une procédure de labellisation. L’objectif est permettre à tous les professionnels de santé de déposer leurs documents.
« Nous nous donnons deux ans pour que tous les logiciels des professionnels et des établissements de santé soient modifiés afin d’alimenter automatiquement cet espace » précise Dominique Pon, responsable du pilotage du projet. Le dirigeant atypique est responsable de la délégation ministérielle du numérique en santé au Ministère des solidarités et de la santé, et par ailleurs directeur général de la Clinique Pasteur à Toulouse. Il est ingénieur diplômé de Télécoms Paris Sud en 1992.
Collecte des données issues des objets connectés
L’interopérabilité visée concernera aussi les applications tierces dûment référencées et fournissant des données personnelles émises par les objets connectés de santé. L’enjeu technologique de traitement et de partage de ces données personnelles prend d’autant plus de sens au moment du coup de frein concernant le Health Data Hub. Lancé en 2019 ce projet de plateforme des données médicales françaises à des fins de recherche est controversé en raison de son hébergement chez Microsoft.
Début janvier 2022, le gouvernement a retiré sa demande d’autorisation à la Cnil et lancera un appel d’offre pour l’hébergement de cette plateforme en France. Il devra faire vite et mieux car les besoins en données pour les établissements de recherche et les laboratoires pharmaceutiques sont gigantesques et urgents. Si les acteurs de la Tech se posent moins de questions éthiques, l’enjeu pour le secteur médical sera d’intégrer une culture data sans se perdre dans les sables mouvants de l’administration.
La campagne publicitaire gouvernementale afin de promouvoir l’Espace Santé numérique est actuellement diffusée sur les écrans.