Comment un constructeur automobile challenger peut-il réussir en France ? La marque Skoda mise sur le digital, le Cloud et l’intelligence artificielle. C’est un pari dans un secteur qui est particulièrement gourmand en publicité TV et où les grandes marques dépensent massivement.
Cinq constructeurs auto pèsent la moitié des dépenses publicitaires
Les dépenses en publicité pour promouvoir de nouveaux véhicules ont atteint 2,7 milliards d’euros en France en 2023 dont la moitié en télévision. Cinq leaders arrivent en tête de ces dépenses, Renault, Peugeot, Citroën, Volkswagen et Fiat. Ils pèsent environ 60 % des budgets publicitaires en digital et en TV du secteur dans l’hexagone.
Skoda mise sur les microconversions pour transformer les leads en vente
Si Skoda est la 4ème marque automobile en Europe, elle reste un challenger en France avec une place de douzième et 3% de parts de marché. La marque d’origine tchèque souffre d’un manque de notoriété évident. « Un point clé en marketing automobile, c’est de mettre les gens dans les voitures et leur faire essayer. Une fois l’essai réalisé, la vente est faite » pointe Sébastien Toussaint, Data & Digital Customer Experience Manager chez Skoda.
Arriver à se démarquer malgré des budgets limités
Face aux cinq premiers annonceurs automobiles, Skoda doit faire avec ses contraintes budgétaires. « Nous ne nous battons absolument pas avec les mêmes armes et les mêmes budgets. Nous devons nous démarquer » résume le responsable. Dans de telles conditions, tous les parcours digitaux doivent générer des leads pour les concessionnaires. Charge à eux à les transformer en clients.
L’équipe marketing de Skoda travaillait au mois par mois, en fonction des véhicules qui allaient être disponibles
Une nouvelle roadmap Data Marketing devenait nécessaire. « Quand on parle de plan médias, d’investissements et de communication, cela chamboulait toutes nos pratiques. Nous devons être beaucoup plus tactiques et précis dans nos opérations » poursuit Sébastien Toussaint. Dans cette recherche de précision et de ROI (Retour sur investissement) de ses actions, Skoda a travaillé avec la société de conseils Axys Consultants sur une nouvelle roadmap Data Marketing avec plusieurs initiatives.
Améliorer la connaissance des visiteurs du site web
L’une de ces initiatives porte sur l’amélioration de la connaissance en particulier des visiteurs du site Web de la marque. L’objectif est d’augmenter le nombre et la qualité des leads générés, et surtout de repérer les vrais intentionnistes dans la masse des visiteurs des dispositifs digitaux de la marque.
« Ce qui est en jeu, c’est d’identifier les bons signaux qui vont nous permettre de repérer les bonnes microconversions«
Pour atteindre cet objectif, il faut parvenir à calculer un score de propension à générer un lead pour chaque visiteur du site. Un modèle de Machine Learning a été entraîné afin de calculer un score pour chaque visiteur du site en fonction de son comportement. « Une fois ce score calculé sur l’ensemble des comportements, nous avons analysé le modèle entraîné et extrait ses variables explicatives » explique-t-il.
Des événements clés amènent à une microconversion
« Ce sont des événements clés qui font que le visiteur va générer une microconversion. L’idée est ensuite de pousser ces événements dans les outils de pilotage publicitaire, tel que Search Ads 360. Cela permet un pilotage optimisé des campagnes » précise-t-il.
Skoda s’appuie sur les outils de Google, un choix « corporate » du groupe Volkswagen
Autre source de donnée clé, le logiciel de CRM ou plutôt le PRM (Partner Relationship Management) propre au secteur automobile qui passe par les concessionnaires afin de commercialiser ses véhicules. Tous les leads générés sont déversés dans cet outil, tant le trafic « owned » provenant de Skoda.fr que du trafic « paid » en provenance de Facebook et les brokers de Data.
Les concessionnaires font remonter l’information
L’accès à cet outil est partagé avec les concessionnaires car ces derniers font remonter l’information lorsqu’un lead a généré un rendez-vous, s’il a reçu un devis, et, au final, acheté un véhicule. L’ensemble de ces données sont déversées sur le Cloud Google où les algorithmes sont exécutés.
« On peut déverser les données de GA 4 vers BigQuery, brancher des modules d’entraînement de modèles de Machine Learning »
De plus, l’implémentation précoce de Google Analytics 4 chez Skoda permet aujourd’hui au constructeur de bénéficier d’un historique de 22 mois d’activité sur son site. A partir des 6,6 millions de visiteurs non dédupliqués, 4,8 millions d’identifiants uniques ont pu être réconciliés à partir des comportements de navigation sur le site. Cela représentait 3 millions de conversions, c’est-à-dire de personnes qui ont complété un questionnaire pour télécharger une brochure. Puis 23 000 personnes ont généré des leads « bruts » et au final 6 600 leads identifiés.
L’algorithme à contre courant des présupposés du secteur
L’analyse des variables explicatives du modèle d’IA va alors remettre en cause quelques certitudes du service marketing. C’est notamment le cas du configurateur de véhicule, ce fameux outil où le prospect choisit la couleur et les nombreuses options de son modèle.
« Nous imaginions jusque-là que le visiteur surfait sur le site, puis allait sur le configurateur«
Or l’analyse des événements qui sont distingués par l’algorithme de Machine Learning va prouver que le configurateur n’est absolument par un outil clé dans la prise de décision de l’acheteur. « L’algorithme a placé notre configurateur à la 96ème place de la liste des événements importants dans la propension à convertir. C’est donc tout en bas de la liste ! » s’étonne encore Sébastien Toussaint.
Adoption d’une approche plus globale
L’important en fait est le temps passé dans l’environnement Skoda. « En première position figure le temps global passé sur l’écosystème. De ce fait, nous n’avons plus une approche mono KPI, mais plus globale. » De plus, l’analyse montre aussi que le clic sur certaines pages compte beaucoup plus que sur d’autres. Par exemple, sur la page des modèles de la marque, l’internaute qui fait défiler les photos a beaucoup plus de chances de convertir que celui qui configure un véhicule.
« On a donné beaucoup plus d’importance au comportement des visiteurs sur notre site »
« Nous avons mis en œuvre le VBB, Value-Based Bidding de Google pour investir sur les visiteurs qui correspondent à ces nouveaux signaux » explique-t-on côté projet. « Testé uniquement sur le Search, en 1 mois le nombre de leads a été multiplié par 3 et le coût par lead réduit de 53% » poursuivent les responsables. « Cela montre que ces signaux sont importants dans le parcours et nous permettent d’aller chercher plus de gens et pour moins cher ! »
Implémenter cette logique de microconversion chez Meta
Désormais, le dispositif doit être étendu à d’autres leviers, les services Google dans un premier temps, puis d’autres par la suite, notamment pour implémenter cette logique de microconversion dans l’écosystème de Meta (Facebook, Instagram). A plus long terme, ce seront les données de ventes elles-mêmes qui seront prises en compte par l’algorithme.
« Nous avons été à la fois surpris mais aussi contents des résultats car on a donné beaucoup plus d’importance au comportement des visiteurs sur notre site. Cela a changé notre façon de piloter nos actions » conclut Sébastien Toussaint, Data & Digital Customer Experience Manager chez Skoda.