Transformation Data : Carrefour nomme une centaine de Data Translators

Les Data Translators partagent leur temps à égalité entre les métiers et les équipes projets

En 2018, Carrefour signait un vaste partenariat avec Google afin de doper ses usages de la Data. Une cinquantaine d’applications ont été développées depuis. Mais pour passer sa stratégie à l’échelle, il faut rapprocher les métiers des Data Sciences. C’est la mission des Data Translators.


Le géant de la grande distribution dispose d’une colossale masse de données, dont un historique de 10 milliards de transactions sur 3 ans. Mais exploiter un tel atout à l’échelle reste un véritable challenge.



Deux cent experts Data chez Carrefour


Le pôle d’expertise Data de Carrefour compte plus de 200 experts, des Data Scientists, des Data Engineers,  et un nouveau profil, les Data Translators. Cette équipe fait évoluer et maintient une cinquantaine de modèles en production qui viennent créer de la valeur pour les clients et les collaborateurs du distributeur.

En 2019, seuls quelques Data Scientists travaillaient sur des modèles de recommandation

Tout démarre réellement en 2019, au lancement du nouveau plan stratégique de Carrefour. A l’époque, les initiatives Data sont dispersées dans l’organisation et seuls quelques Data Scientists travaillaient sur des modèles de recommandation sur le e-Commerce. « A l’occasion de l’annonce du partenariat avec Google, nous avons créé le Carrefour Google Lab afin d’explorer la donnée avec deux objectifs » rappelle Arnaud Grojean, European Chief Data et Analytics Officer chez Carrefour. « Il fallait identifier les verticales métiers sur lesquelles il y avait un potentiel de création de valeur » présente-t-il.  Il a pris la parole à l’occasion de l’événement Data & AI for business organisé par le Hub Institute, les 4 et 5 juin derniers à Paris.

Montrer la valeur des cas d’usage métiers

Démontrer la création de valeur était indispensable. « Le deuxième point était de commencer l’acculturation et de montrer à nos interlocuteurs via ces cas d’usage métiers qu’il y avait un potentiel a à développer la donnée chez Carrefour car ce n’était clairement pas la culture d’entreprise à cette époque. La valeur était alors ‘d’aller sur le carrelage’ et d’optimiser les opérations » précise-t-il.  

Ces projets limités ont permis à l’équipe de montrer au top management qu’il est possible de faire bouger les choses

Les premiers cas d’usage sont rapidement lancés, sur l’optimisation des assortiments des magasins, par exemple, effectuer de la prévision de vente à petite échelle sur la boulangerie/pâtisserie, etc. Ces projets limités ont permis à l’équipe de montrer au top management qu’il est possible de faire bouger les choses.

Les projets ont alors une portée limitée. « Nous étions incapables de passer à l’échelle. La structure en place ne permettait pas de générer un impact visible dans le compte de résultat du groupe » admet-il.

La stratégie Data de Carrefour change d’échelle

Cinq ans plus tard, la réalité est toute autre. Les équipes sont en place et l’Analytics Factory déploie des solutions de Data Science, d’IA et analytiques à l’échelle. Les cas d’usage chez un distributeur de la taille de Carrefour sont nombreux : assortiments, optimisation de la logistique, gaspillage alimentaire, promotions, gestion des opérations dans les magasins et e-commerce.

« Quand un internaute vient sur notre site de e-commerce, 80% des produits sont ajoutés au panier sur recommandation d’un algorithme »

« Quand un internaute vient sur notre site de e-commerce, 80% des produits sont ajoutés au panier sur recommandation d’un algorithme. L’impact est massif et dans tous ces cas d’usage, l’impact est massif » annonce-t-il. Néanmoins, pour instiller la culture Data dans tous les process de Carrefour, l’enseigne doit acculturer ses collaborateurs sur les usages de la donnée, leur fournir les outils qui viennent faciliter leur quotidien et les aider à prendre de meilleures décisions. « Nous avons cherché à adresser ce challenge avec différents dispositifs » résume Arnaud Grojean. 

« Le premier d’entre eux, c’est la culture produit. Pour construire des solutions qui ont du sens, on ne peut gérer un projet Tech au sens large et plus particulièrement Analytics comme on le faisait il y a quelques années. Il faut adopter une vraie logique produit. » Le responsable évoque le besoin de construire des solutions avec une vision à long terme et sur lesquelles il faut investir pendant deux ou trois ans. « Ces solutions sont construites en réunissant dans les équipes projet l’ensemble des disciplines et des compétences nécessaires : analytique, design, fonctions métier spécifiques. Nous mettons en œuvre l’approche « 4-in-the-box ». »

La formation, un pan indispensable de la conduite du changement

La formation du personnel et en particulier des utilisateurs métiers aux usages de la donnée est clé pour élargir les usages et faire naître de nouveaux cas d’usage, des « Use cases ». Un programme à plusieurs niveaux à été mis en place avec, comme au judo, une couleur par niveau atteint.

« Le Top Management doit comprendre les enjeux autour de la donnée, de l’analytique et de l’intelligence artificielle »

La ceinture verte est ainsi décernée à ceux qui reçoivent une formation leur expliquant ce qu’est un Data Lake, comment récupérer des données avec BigQuery, faire de la DataViz et en quoi consiste le travail du Data Scientist. Un autre dispositif a visé le Top Management de Carrefour, la sensibilisation Data4Exec. « Le constat est que pour que les choses changent, l’impulsion doit partir du haut. Pour cela, le Top Management doit comprendre les enjeux autour de la donnée, de l’analytique et de l’intelligence artificielle » insiste-t-il.

Dans ce but, les 200 top managers de Carrefour ont été réunis à HEC afin de leur expliquer le contexte, ce qu’ils peuvent espérer de la donnée, de l’analytique et de l’IA, et à l’inverse ce qu’on ne doit pas en attendre. « L’objectif est que l’information redescende ensuite vers les équipes métiers et qu’il y ait une volonté de changement issue du management. »

Une organisation “Hub and Spoke” pour donner de l’autonomie aux métiers

Outre cet effort d’acculturation, Carrefour a dû revoir son organisation pour que cette démocratisation de l’accès à la donnée ne se traduise pas en un chaos où chacun développerait ses indicateurs KPI et ses tableaux analytiques à partir de données erronées.

« Le modèle organisationnel mis en place par Carrefour est de type Hub and Spoke »

Même si l’équipe Data représente déjà plus de 200 personnes, impossible d’être derrière l’épaule des 3 000 collaborateurs du siège de Carrefour en France. « Même avec 200 experts Data, il est compliqué de répondre aux attentes de tous » relève Arnaud Grojean. « Nous devions donner de l’autonomie pour que chacun puisse avoir un premier niveau de résolution grâce à l’analytique. Dans le même temps, nous ne voulons pas perdre en niveau d’exigence sur l’Analytics et pour y parvenir le modèle organisationnel mis en place par Carrefour est de type « Hub and Spoke ». »

L’équipe Analytics Factory où sont concentrés les experts Data est au service des métiers. Des postes ont été créés afin de faciliter les échanges avec les verticales métiers. Ce sont les Data Translators. « Les postes de Data Translator constituent le trait d’union entre la compréhension des métiers, ils sont au contact des métiers au quotidien, et d’autre part l’expertise Data et amener le bon niveau d’exigence aux métiers sur ces sujets Data. »

Les Data Translators passent la moitié du temps auprès des métiers

Ces profils, à la fois d’experts Data et de Product Owner Data passent la moitié de leur temps auprès des métiers et l’autre moitié dans les équipes projets qui bâtissent les solutions. « En discutant avec les Data Scientists, le Data Translator peut amener la bonne vision du besoin métier, la bonne manière de le traduire en ‘features’. Cela amène de la pertinence dans les applications et la capacité d’expliquer aux métiers comment l’application a été bâtie et faire de la pédagogie. »

Cette approche est en train d’être répliquée à l’échelle du groupe et une centaine de Data Translator devront permettre à Carrefour de diffuser sa stratégie Data auprès des métiers. « Les équipes sont en place et nous déployons à l’échelle des solutions de Data Science et d’IA qui vont changer de manière radicale pour certaines la manière dont l’entreprise va fonctionner » conclut Arnaud Grojean, European Chief Data et Analytics Officer chez Carrefour.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *