Société Générale : l’IA pour créer de la valeur pour les métiers de manière responsable

Noémie Ellezam-Danielo, Group Head of AI, Société Générale

Noémie Ellezam-Danielo est responsable de l’intelligence artificielle au sein d’un des plus grands groupes bancaires européens. Elle livre sa vision de l’usage de l’IA tant pour la banque, que pour ses collaborateurs et ses clients. Et comment l’IA générative change encore plus la donne. La responsable interviendra lors de l’événement IN BANQUE 2024 le 20 juin à Paris dans le cadre du débat inaugural « Stratégies digitales & Innovations numériques ».

Question : quelle place occupe l’intelligence artificielle au sein de votre groupe ?
Noémie Ellezam-Danielo :
 l’IA est plus que jamais au cœur de notre stratégie digitale avec l’actualité en matière d’innovation technologique, la généralisation des usages par le grand public et également la régulation.
Si la dynamique s’accélère, notre boussole reste la création de valeur pour nos métiers, avec notre objectif d’avoir en portefeuille un potentiel de 500 millions d’euros de création de valeur d’ici 2026 grâce à l’utilisation avancée de la donnée couplée à l’intelligence artificielle.


Question : où en êtes vous dans l’usage de l’IA ?
Noémie Ellezam-Danielo :
 nos premiers cas d’usage d’IA remontent à 2016 et nous avons bâti depuis un portefeuille solide de plusieurs centaines de cas d’usage au service de l’efficacité opérationnelle et commerciale, la réduction des risques et l’amélioration de la satisfaction client. Tous nos métiers sont concernés, dans nos 3 piliers stratégiques, c’est à dire la banque de détail, la banque de grande clientèle, et la mobilité, ainsi que dans toutes nos directions centrales.
Ce socle nous permet d’aborder avec confiance l’émergence de l’IA générative qui marque un double-tournant : la possibilité de traiter des cas qui étaient difficiles à opérer jusqu’alors notamment à partir de données non-structurées et la projection beaucoup plus forte de nos collaborateurs à utiliser ces technologies, depuis que, grâce à ChatGPT, chacun a pu se familiariser avec le potentiel de l’IA dans sa sphère personnelle.

Question : quel regard portez-vous plus globalement sur l’évolution du digital dans la relation aux clients ?
Noémie Ellezam-Danielo : le digital est depuis 15 ans environ un vecteur clé de la transformation de notre modèle d’affaires. Il permet d’améliorer l’interaction au quotidien avec nos clients pour une banque plus accessible, d’accroître l’efficacité et la résilience de nos processus internes pour une banque toujours plus solide et sans couture, et enfin d’élever la qualité de nos offres pour une banque plus personnalisée. Nous avons déjà atteint un niveau de digitalisation élevé sur nos marchés.

BoursoBank est aujourd’hui le leader de la banque en ligne en France avec plus de six millions de clients

Avec plus de six millions de clients, BoursoBank est aujourd’hui le leader de la banque en ligne en France. Classée banque la moins chère depuis seize ans (1), elle présente pour la cinquième année consécutive le meilleur score du secteur bancaire français en termes de satisfaction clients (2) . Dans nos banques de réseau, toutes géographies confondues, 70% de nos clients individuels sont digitaux. Ils se connectent plus d’une fois par jour sur nos applications et sites Internet.



Sur toutes nos activités de banque de grande clientèle, nous nous appuyons aussi sur une plateforme très compétitive (SG Markets) qui sert aussi bien nos clients que nos collaborateurs. Ces interactions plus digitales et plus fréquentes sont le point de départ d’un cercle vertueux. En générant de la donnée de qualité, elles nous permettent de mieux connaître nos clients, qu’ils soient particuliers ou entreprises. Nous sommes alors plus à même de prendre des décisions éclairées pour optimiser nos processus ou pour enrichir notre offre, en combinant mieux nos propres expertises et en nous appuyant sur les offres de nos partenaires.

Question : revenons à l’IA, quels usages en avez-vous ? Et qu’attendez-vous de son déploiement ?
Noémie Ellezam-Danielo : fort de cette trajectoire digitale, notre portefeuille compte environ 600 cas d’usage avancés de la donnée, dont la moitié s’appuie sur de l’IA. Au-delà du nombre, ce qui est plus important pour nous c’est la valeur créée. Cela signifie que nos cas d’usages doivent être au maximum déployés à grande échelle et optimiser en profondeur nos principaux processus métier.


L’IA nous permet de détecter une fraude au paiement en moins d’une demi-seconde. 80% des fraudes sont automatiquement évitées


Côté expérience client, le callbot de Boursobank, disponible 24/24, 7 jours sur 7, gère environ 4 millions de conversations par an avec les clients – ce qui représente environ 200 000 appels par mois avec un taux de 80% de réponse. Sur la gestion des risques, l’IA nous permet de détecter une fraude au paiement en moins d’une demi-seconde. Ce sont 80% des fraudes qui sont automatiquement évitées sans même solliciter le client. Sur l’analyse de crédit des clients grandes entreprises, tout n’est pas automatisé mais l’IA nous permet de faciliter le traitement des nombreux documents fournis par nos clients. Ce sont des centaines de collaborateurs qui gagnent en efficacité et des milliers de clients qui bénéficient de réponses plus rapides.

Question : quelles ressources RH avez-vous mobilisées sur ces sujets ?
Noémie Ellezam-Danielo :
 la diffusion de l’IA au sein de nos activités nécessite des compétences spécifiques et évolutives. Aujourd’hui, nous avons plusieurs centaines de Data scientists et d’experts de l’IA au sein du groupe. Au-delà du nombre qui est souvent l’indicateur le plus communiqué, l’enjeu porte aussi sur le maintien d’un niveau de compétence élevé dans un monde où les technologies évoluent très vite et où l’on doit se former continuellement. Pour cela, nos spécialistes de la data et de l’IA travaillent ensemble pour construire des capacités communes sur les technologies les plus émergentes.

La culture de l’Open Source est très importante sur ces populations

La culture de l’Open Source sur ces populations est très importante, et nous restons aussi très en lien avec l’écosystème qu’il s’agisse de partenaires technologiques ou du monde académique. Nous collaborons notamment avec Hub France IA sur les risques liés à l’IA, ainsi qu’avec des laboratoires de recherche comme celui d’Artefact par exemple sur l’explicabilité des modèles.

Enfin, pour que l’IA soit massivement adoptée, nous formons depuis longtemps toutes nos équipes, depuis le top management jusqu’aux porteurs de projets et aux utilisateurs finaux. Nos programmes de re-skilling avec les Mines de Paris et Dauphine ont permis à nos collaborateurs de se positionner sur de nouveaux métiers. Nous proposons des programmes certifiants de leadership IA avec l’Université d’Harvard et formons également nos équipes en ligne avec plus de 5 000 formations certifiantes sur la Data science.

Question : quels sont les cas d’usage identifiés de l’intelligence artificielle générative dans la banque ?
Noémie Ellezam-Danielo : quand l’IA générative a émergé, parmi la centaine de cas d’usages collectés rapidement auprès de nos métiers, nous nous sommes concentrés sur les usages qui nous paraissaient non seulement créateurs de valeur, mais aussi vraiment différenciant par rapport aux autres IA déjà disponibles.

4 zones d’impact ont été identifiées : Content Intelligence, Content generation, Client assistance et Coding & Software

Ainsi, quatre zones d’impacts baptisés les « 4C » ont été identifiées : Content intelligence, pour consulter des documents complexes et trouver une information plus rapidement ; Content generation, pour générer du contenu dans un format standardisé et normalisé ; Client assistance, pour tirer profit des dernières capacités d’interaction en langage naturel ; et Coding & Software pour accélérer la production de code informatique, mais aussi pour le documenter ou le traduire d’un langage à l’autre.

Il ne s’agit pas de multiplier les tests, mais de passer à l’échelle des cas représentatifs des usages jusqu’à la production pour expérimenter les réelles possibilités techniques et engager les évolutions nécessaires à leur généralisation, le cadre normatif, les contrôles, le choix d’architecture, les partenaires, la formation des collaborateurs, etc.

Question : et quels sont les premiers apprentissages que vous avez tiré de ces cas d’usages ?
L’IA générative apporte plusieurs changements de paradigme. D’abord, là où nous avions un modèle pour un usage, nous avons désormais plusieurs usages possibles face à un modèle génératif. C’est un changement profond notamment d’un point de vue économique, et un grand avantage pour le passage à l’échelle à coût maitrisé.

On ne peut pas encadrer ces modèles d’IA génératives exactement de la même manière que les IA prédictives

L’autre enseignement concerne la gouvernance requise pour opérer de façon responsable et sécurisée ces technologies encore peu matures. Même si nous avons une longue expérience de supervision des modèles sur laquelle nous appuyer, la régulation sur les IA notamment génératives n’est pas encore stabilisée. Il y a également des risques spécifiques, qui font qu’on ne peut pas encadrer ces modèles exactement de la même manière que les IA prédictives. Nous avons donc très vite évolué d’un modèle fédéré vers un modèle plus global, pour accélérer les apprentissages. La prochaine étape sera le passage à l’échelle des premiers pilotes dans les conditions techniques et de responsabilité que nous avons établies.


Enfin, l’IA générative ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Lorsque l’on cherche à optimiser une expérience client ou un processus interne, c’est très souvent une combinaison de technologies digitales, data, IA prédictive et IA générative qui va nous permettre d’atteindre la valeur attendue. On parle de « smart automation ». Les priorités stratégiques de nos métiers doivent donc plus que jamais rester notre guide pour prioriser les usages et tirer tout le bénéfice de cette nouvelle génération d’IA en complément de technologies plus matures.

Noémie Ellezam-Danielo interviendra lors de l’événement IN BANQUE 2024 le 20 juin à Paris dans le cadre du débat inaugural « Stratégies digitales & Innovations numériques ».

Découvrir le programme IN BANQUE 2024

(1) Sur les profils « Jeune actif », « Cadre », « Cadre supérieur » et « Employé » et exæquo sur les profils « Jeune inactif », et « L’adepte du 100% mobile », selon une enquête réalisée par Le Monde / Panorabanques.com – publiée le 12/12/2023.
(2) d’après l’étude Bain et Company 2023.

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