RGPD : Facebook et Google lui disent merci


Le RGPD qui entre en vigueur le 25 mai va renforcer encore plus Google et Facebook. Loin de l’affaiblir, il va rendre le duopole encore plus puissant en le protégeant encore mieux de ses concurrents actuels et futurs. C’est ce que présente Jean-Paul Crenn, fondateur du cabinet conseil Vuca Strategy.

La raison du renforcement de Google et Facebook est simple. Se mettre en conformité avec le RGPD, particulièrement complexe, coûte beaucoup d’argent et de temps. C’est un fardeau proportionnellement bien plus élevé pour les petits acteurs ou pour les porteurs de projets que pour les gros.


Google et Facebook déjà conformes

Google et Facebook ont des armées de lobbyistes, d’avocats et de développeurs pour gérer le RGPD, avec énormément d’argent disponible pour investir dans les programmes de mise en conformité. Google et Facebook sont déjà conformes et cela leur a été indolore.



Tant pis pour les petits

Tant pis pour vous si vous gérez un petit réseau publicitaire, un réseau social ou un moteur de recherche. Non seulement les coûts de mise en conformité risquent d’être ruineux. Mais, pire encore, le RGPD peut donner envie à vos clients annonceurs d’aller voir les joueurs dominants. Car dans un environnement d’incertitude juridique les entreprises cherchent la sécurité et la sécurité se trouve chez les gros joueurs.

Mark Zuckerberg le savait bien quand il a annoncé au Congrès Américain qu’il était en faveur de plus de régulation. Je ne milite pas contre le RGPD. Il pourra sans doute protéger le public d’abus ou, du moins, lui procurer une vue plus claire de ce qui se passe avec ses données personnelles.


Les Cnil européennes traînent  

Ce je regrette c’est que la réalité des TPE-PME et même des ETI, n’ait pas été prise en compte par le RGPD. Pas plus que la réalité du marché de la publicité digitale. Voyez le G29, l’organisme fédérant les Cnil européennes, qui n’a pas encore terminé de publier ses guides de bonnes pratiques alors qu’il a eu 2 ans pour les réaliser.

Une bureaucratie loin du réel

Ce que je dis c’est que le RGPD, imposé à partir d’une tour d’ivoire par une bureaucratie pour qui la réalité des entreprises et des entrepreneurs n’a aucune sorte d’importance, a comme effet « inattendu » de réduire encore plus la concurrence sur le marché de la publicité digitale et donc de renforcer ce duopole. Quand Madame Falque-Pierrotin, présidente de la Cnil et ancienne présidente du G29 affirme que « le RGPD remet les acteurs européens et internationaux à égalité de concurrence » je ne peux que me dire que Mark Zuckerberg lui dit merci.

L’application du Règlement Général sur la Protection des Données au 25 mai 2018 entre en résonnance avec la récente déposition de Mark Zuckerberg auprès du Congrès Américain selon laquelle il est favorable à plus de régulation quant à la collecte et à l’exploitation des données personnelles.

La moitié des budgets publicitaires au moins 

Google et Facebook se nourrissent de nos données. Google et Facebook reçoivent entre la moitié et les trois-quarts des dépenses de publicité digitale dans le monde et cette part de marché incroyable semble devoir croître. Du fait de l’échec de Google à développer une réelle plateforme de media social, ces deux entreprises ne sont pas en concurrence frontale. Elles peuvent ainsi continuer de croître sans risquer de se confronter.

Un duopole qui concentre le pouvoir

Une telle concentration de puissance sur un marché ne peut qu’inquiéter car elle mène, fatalement, à des abus. Tout autant inquiétant est le contrôle exercé par ce duopole sur les informations personnelles de la majorité de la population connectée. Car, si les données personnelles sont le carburant de la publicité digitale, cette dernière vient à son tour les enrichir, les rendant encore plus précieuses pour optimiser de nouvelles publicités digitales qui à leur tour, etc.

La mainmise sur le marché de la publicité digitale et l’exploitation des données personnelles sont plus que liées – ce sont les deux faces d’une même pièce. Ceux que la mainmise de Google et de Facebook inquiète – j’en fais partie – tendaient à penser qu’une régulation plus forte, tant au niveau des données personnelles que de l’anticartel aiderait à atténuer le pouvoir grandissant de ces entreprises. Le raisonnement était que si les législateurs et les juges ne brisaient pas ces nouveaux titans, quelques contraintes apportées à leur capacité à collecter et à exploiter les informations personnelles limiteraient quelque peu leur expansion.

A côté de la plaque

Hélas, avec le nouveau règlement prenant effet le 25 mai, il devient soudain clair que la réalité va être très différente de ce qui avait été anticipé.

Un monde devenu VUCA (Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu)

Jean-Paul Crenn, fondateur de Vuca Strategy

Jean-Paul Crenn est le fondateur de Vuca Strategy, cabinet conseil spécialisé en e-commerce et en transformation digitale. Diplômé de l’ISG, détenteur d’un MBA HEC, il a été dirigeant d’entreprises de e-Commerce. Il possède plus de 25 ans d’expérience dans le digital, et dispense des cours auprès de l’ESCP Europe, l’IAE Toulouse Capitole et de la Toulouse Business School. Il est le co-auteur de l’ouvrage de référence sur le e-Commerce, “le VADOR”, qui en est à sa 2ème édition.
Il est par ailleurs l’auteur d’ouvrages sur le thème du monde devenu VUCA (Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu) : “Ce monde est-il fou ? Non, il est VUCA” ou encore “Quel Prix dans un monde devenu VUCA ? Optimiser le levier N°1 de la rentabilité”. Plus récemment, Jean-Paul Crenn a publié un ouvrage aux Editions Kawa intitulé “L’Internet des Objets : La 3ème révolution Informatique”. Son site de curation sur le thème de l’environnement VUCA : www.scoop.it/t/vuca-by-jean-paul-crenn

Une réaction sur “RGPD : Facebook et Google lui disent merci” :

  1. Xavier G

    Je partage ce qui est dit ici, et j’aimerai rajouter deux choses :

    – pour les TPE/PME/ETI francaises, EN GÉNÉRAL, la transition et l’adaptation ne va pas être aussi ruineuse que ce que l’on voudrait nous faire croire, d’autant moins si elles respectaient déjà les lois en vigueur. Pour la publicité digitale, c’est certes plus compliqué, mais pas impossible et tout de même souhaitable.

    – là on l’on peut enfoncer le clou sur le rôle du RGPD face aux grands de ce monde, c’est vis à vis du CLOUD Act étatsunien, ou Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act, qui autorisera notamment toute organisation gouvernementale étrangère chargée de faire appliquer la loi (forces de l’ordre, agences de renseignement…) à accéder aux informations détenues par des compagnies étatsuniennes directement auprès de celles-ci, même si les données en question sont hébergées sur des serveurs situés aux US, et ce sans nécessiter d’autorisation judiciaire ou de mandat d’un juge américain ni même sans prévenir la personne concernée… Si Trump signe ca, ca entérine la collaboration entre les agences de renseignements et les GAFA sur une base désormais légale !

    Rien n’est jamais gagné d’avance !

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