L’IA générative va alléger la manière dont on interagit avec une marque en ligne, via un chatbot, ou lors de l’interrogation d’outils d’analytics. Mais l’IA générative ne résoudra pas tout et l’IA classique répondra à de nombreux cas. Dans le même temps, on évolue vers une IA gérée par agent et des IA conversationnelles dans le commerce avec l’usage de la voix plutôt que du clavier.
Thomas Husson analyste chez Forrester Research s’attend en 2025 à un retour au pragmatisme sur l’IA générative. « Cela fait 2 ans que l’on nous dit tous les jours que l’IA va tout révolutionner avec des gains de productivité de 50 %, de 100 % » débute-t-il.
Mais au fil du temps, on est rattrapé par la réalité. « On se rend compte que oui, il y a des gains de productivité, mais ils ne se génèrent pas aussi rapidement que ce qu’on nous a raconté et ils vont s’étaler sur plusieurs années » pointe-t-il. Il s’exprimait lors de l’événement CX Circle 2024 organisé par l’éditeur Contentsquare à Paris, le 7 novembre.
L’IA générative va changer la manière d’interagir avec une marque
Si tout n’ira pas aussi vite qu’attendu, l’IA est bien une technologie de rupture et elle constituera dans le marketing en ligne un vrai changement de paradigme et va changer la manière dont chacun interagit avec les marques. « On va arrêter de faire porter la charge mentale au consommateur » prédit Thomas Husson.
« Demain, le consommateur parlera en langage naturel pour avoir l’information qu’il souhaite«
Le marché n’en est pas encore à cette phase de la disparition des parcours clients. Mais, en 2025 les entreprises vont devoir adopter une approche beaucoup plus pragmatique vis-à-vis des IA. « Beaucoup d’entreprises ont imaginé des centaines de cas d’usage dans tous les domaines. Beaucoup tournent autour de la productivité des collaborateurs, beaucoup portent sur l’expérience client et le service client » présente Thomas Husson.
Il est temps de passer en production pour l’IA générative et à l’échelle
Il faut passer de ces listes de cas d’usage à leur usage réel à grande échelle. « Il faut passer à l’échelle et basculer ces cas d’usage en production. La France est un peu en retard sur ce dernier point » considère-t-il. Autre point important dans cette maturation vis-à-vis de l’IA générative, on commence à comprendre que celle-ci ne va pas tout régler. « Il va y avoir un retour de bascule en 2025. Dans plus de 50 % des cas, l’IA générative fonctionne très bien, mais parfois les IA classiques des outils Analytics fonctionnent aussi très bien et on n’a pas besoin d’IA générative » prévient-il.
Walmart a revu l’expérience délivrée par son site Web et son moteur de recherche pour s’adapter au contexte des requêtes
Pour les cas d’usage « B to B », Pierre Casanova Head of Corporate Development de l’éditeur Contentsquare, abonde en faveur de cette vision pragmatique de l’IA. « En tant qu’éditeur de logiciels en SaaS, la tendance que nous voyons arriver pour 2025, c’est l’IA pratique. Ce sera du 50/50 entre l’IA générative d’un côté et l’IA prédictive de l’autre » annonce-t-il. « Sur le volet IA générative, on voit arriver des éléments extrêmement simples qui participeront à la diminution de la complexité dans l’utilisation des technologies » dit-il.
Le responsable estime que la courbe d’adoption des technologies sera beaucoup plus rapide que par le passé grâce à l’intégration de fonctions de type Copilot dans l’ensemble des interfaces. « Cela permet d’avoir une interface conversationnelle autour des outils d’Analytics, par exemple. Cela va complètement changer la manière dont on utilise ces outils. C’est déjà une réalité en 2024 et cela va se déployer de manière extrêmement vaste en 2025 » pense-t-il.
Le commerce conversationnel arrive en version 2
Si le thème du commerce conversationnel est apparu en 2010 avec le lancement de Siri par Apple et des assistants vocaux qui ont suivi, l’essor de l’IA générative va clairement remettre ce thème d’actualité en 2025. « L’idée est que nous allons disposer d’un agent qui va interagir avec les algorithmes des marques pour faire des recommandations, des prédictions, voire effectuer des transactions en votre nom » poursuit-il.
« l’IA ‘agentique’ ne va pas arriver en France en 2025 sur la partie ‘B to C’«
Sur la partie grand public, Forrester Research estime pour sa part que le commerce conversationnel « classique » va bénéficier des LLM (grands modèles de langages) avec des chatbots de 2ième génération. « 20 % des marques vont se lancer dans ce type d’approche. Cela peut paraître peu, car l’appétence des consommateurs est bien plus importante, de l’ordre de 30 à 40 % selon les pays, et ils interagissent déjà avec du conversationnel, du WhatsApp, des chatbots et d’autres outils. Cette dimension va changer l’expérience et la satisfaction du client et ça marche ! » présente Thomas Husson.
Progrès sensibles chez CDiscount grâce à un chatbot de 2ème génération
L’analyste prend exemple de CDiscount en France qui a mis en ligne un chatbot de deuxième génération non plus basé sur un arbre de décision, mais sur une IA générative. La satisfaction client est très forte et le taux de conversion est plus élevé, de l’ordre de 20 à 25 % de plus pour les clients qui le mettent en œuvre. « Quand vous avez des millions de produits et que vous abaissez le coût de traitement de la demande client sur des produits particulièrement complexes, le ROI est évident. Il s’agit une nouvelle fois d’une IA pragmatique. »
Il faut se préparer en 2025 à l’arrivée des IA conversationnelles en retravaillant les parcours client
Le responsable considère que le clavier sera une parenthèse dans l’histoire et que la transformation des parcours au travers du conversationnel sera une tendance de fond. « Nous faire aller vers une interface autour de la voix, ce sera un projet majeur de l’IA. Mais comme toute transformation majeure, celle-ci aura un coût. Comme pour chaque nouvelle innovation, il faudra évaluer le rapport coût/bénéfice. »
Un coût écologique élevé de l’IA générative
Si le bénéfice est clair avec une transformation des interactions digitales grâce à la voix et la simplification des parcours clients, le coût écologique et économique d’une telle transformation risque d’être prohibitif. « Nous sommes déjà dans un monde où le transport aérien représente 3 % des émissions carbone et le digital est déjà à 4 %. Quand vous augmentez le trafic sur votre site Web, à chaque million de pages vues supplémentaire, cela correspond à un aller Paris-New York en avion. Donc oui à un trafic digital, mais responsable. »
Pierre Casanova ajoute que lorsqu’une requête Google vaut 1, une interaction ChatGPT pèse entre 10 et 20 pour une seule réponse et non pas un dialogue complet ! « Au moment où l’on veut tous réduire nos émissions carbone, il va falloir mesurer ce rapport coût/bénéfice et n’utiliser l’IA que de manière responsable, car son coût influe très directement sur la température de notre planète. Soyons tous responsables. »