Renault mobilise l’IA générative pour améliorer sa réactivité face aux constructeurs chinois

R4 Fl4wer Power Concept présenté lors du Mondial de l'Auto 2024 (Photo Joris Clerc)

L’industrie automobile européenne est dans la tourmente. Outre une électrification rapide des véhicules à mener d’ici 2035, les Européens sont confrontés à la montée en puissance des constructeurs chinois. L’IA générative aura un rôle à jouer dans la révolution interne menée sur le vieux continent, en particulier chez Renault.

Les constructeurs européens doivent mettre le turbo ! Alors qu’ils conçoivent leurs véhicules en 4 à 5 ans, il en faut seulement 2 pour les constructeurs de voitures électriques chinois. Les européens doivent concevoir et industrialiser leurs nouveaux véhicules beaucoup plus rapidement, mais aussi prendre des décisions stratégiques beaucoup plus vite.


Renault a présenté ses nouveautés en matière de véhicules électriques sur le mondial de l’Auto 2024

Maîtriser la Data fait partie de la solution

La maîtrise de la Data est bien évidemment une partie de la solution. « C’est un peu comme pour la météo. Dans une masse d’information considérable, il faut être capable de détecter les signaux faibles, identifier les tendances et suivre les avancées technologiques et réagir vite » expose Marco Borreca, Residual Value Expert Leader and Business Director chez Renault afin d’expliquer la problématique qui se pose aujourd’hui aux marques.

« Nous disposons déjà d’énormément de données, mais il reste encore un gros travail à mener pour la raffiner, la rendre qualitative »

« Dans le même temps, il faut faire en sorte que nos produits qui sont dans la rue puissent être mis à jour et s’aligner sur ces tendances » ajoute-t-il. La Data n’est pas une thématique nouvelle pour Renault. Le constructeur dispose déjà d’énormément de données et a créé une infrastructure pour collecter, stocker et exploiter cette donnée. « Nous disposons déjà d’énormément de données, mais il reste encore un gros travail à mener pour la raffiner, la rendre qualitative » modère Anne Bretonniere, Head of Data Science & A.I. Transversal Program du Groupe Renault.


Soixante ans après, la 4L revient en 100% électrique et connectée à Google (Cliquer pour lire l’article)

L’acculturation à la donnée des équipes internes est également nécessaire. « Il y a un gros travail de vulgarisation à mener du côté des équipes internes pour qu’elles comprennent les enjeux et la valeur que l’on peut générer à partir de ces nouveaux outils » reconnaît-elle. Il faut aussi mener cette vulgarisation auprès des utilisateurs finaux. « Ils disposent maintenant d’outils ultra-puissants avec lesquels ils peuvent interagir plus naturellement que par le passé. Il n’est plus nécessaire d’avoir Bac + 12 pour utiliser des outils d’IA générative et être efficace » dit-elle.

Plus que de l’IA, de l’intelligence augmentée

Marco Borreca s’est tourné vers la société Ekimetrics il y a 12 mois afin de mettre en œuvre l’IA générative dans le but d’accélérer l’innovation plutôt qu’à des fins de productivité. « Pour nous, l’IA, c’est avant tout ce que nous appelons de l’intelligence augmentée » explique-t-il. « L’automobile est une industrie centenaire. Nous avons des experts et l’intelligence artificielle doit les accompagner. Ce n’est pas une question de productivité, mais d’efficacité pour répondre à ce besoin de transformation rapide de notre industrie » précise-t-il.  

Les experts ont besoin d’un copilote pour les aider à les analyser et c’est le sens des deux premiers projets qui ont été lancés

Pour le responsable, les masses de données sont telles qu’il n’est plus possible de les traiter manuellement. Les experts ont besoin d’un copilote pour les aider à les analyser et c’est le sens des deux premiers projets qui ont été lancés avec Ekimetrics. Deux premières solutions sont actuellement en production. La première est un ChatGPT interne. Baptisée « Talk to Data », cette IA générative permet aux utilisateurs d’obtenir en temps réel et en langage naturel les informations recherchées à partir de 5 milliards de « Data Points » stockés dans le Data Lake du constructeur.

Un prototype de Twingo électrique est également présenté par Renault sur son stand

« De façon assez classique pour ce type de projet Data et Data Science, la phase de PoC [Proof of Concept] a très rapidement pu démontrer la valeur de ces projets » dépeint Renaud Pirel, Head of Mobility et Partner chez Ekimetrics. « Nous l’avons fait dans l’environnement externe Ekimetrics sur nos LLM, pour rapidement obtenir le feu vert de Marco Borreca et celui des architectes groupe au niveau de la direction de l’IT. Il était très important qu’ils soient préparés pour le moment où nous alliions arriver trois mois plus tard en phase de Build » poursuit-il.

Intégrer la solution d’IA générative dans l’infrastructure IT de Renault

Cette phase de « Build » représentait aussi un challenge car le projet devait s’intégrer dans l’infrastructure IT de Renault et ses process. « Dans ce type de projet, il est très important de casser les murs, de faire évoluer les process et c’est ce que nous avons commencé à faire dès la phase de PoC. Déployer un LLM à l’échelle n’est pas simple. » Pour s’intégrer à l’environnement Renault, Ekimetrics a notamment dû réentraîner son modèle pour passer sous Google Gemini. Des boucles de rétroaction avec l’équipe Data Science ont été mises en place pour faire bouger les lignes.

Ce NLP (Natural Language Processing) permet de remonter des informations depuis des bases documentaires très importantes

La deuxième application d’IA générative déployée est un module qui va chercher dans les bases documentaires avec des corpus qui comprennent des études clientèle, des études sur la concurrence et des études de marché. Ce NLP (Natural Language Processing ou traitement du langage naturel) permet de remonter des informations depuis des bases documentaires très importantes.

Dans les deux cas d’usage, la volonté est de donner accès à des informations sur lesquelles il n’est pas très facile de naviguer. « Dès la conception du produit, nous essayons de le penser pour qu’il dure plus longtemps » explique Marco Borreca pour ce qui concerne le rôle de cet assistant NLP.  Cela nécessite une vision à long terme. « Pour y parvenir, il faut se projeter parfois jusqu’à 20 à 30 ans en avant. Ce type d’outil nous permet de naviguer sur l’ensemble des études disponibles, l’ensemble des articles scientifiques et de cette masse d’informations » décrit-il.

Une aide pour les experts de Renault

L’assistant NLP devient une aide pour les experts de Renault. « Le Copilot NLP permet de remonter des signaux auprès de l’expert. Celui-ci va les interpréter et s’assurer que tel type de véhicule pourra rester sur le marché 10 à 15 ans car il pourra intégrer les innovations qui apparaîtront dans le futur » illustre-t-il.

« Ces outils sont devenus indispensables pour suivre la valeur de ces véhicules et le risque auquel le groupe est exposé »

Chez  Renault, des millions de véhicules sont vendus en leasing. Ces véhicules en location représentent plusieurs dizaines de milliards d’exposition au risque, un montant qui dépasse même la valorisation du groupe en bourse. Pour l’industriel, suivre la valeur dans le temps de ce parc de véhicules à l’échelle mondiale est un enjeu critique. « Ces outils sont devenus indispensables pour suivre la valeur de ces véhicules, le risque auquel le groupe est exposé, accompagner nos clients pour faire en sorte que ces véhicules durent le plus possible » souligne Marco Borreca.

Pour Anne Bretonniere, ces deux premières solutions représentent un modèle d’adoption de l’innovation réussi. « Il y a non seulement la prise en compte du besoin de l’utilisateur final, mais aussi des besoins du groupe. La technologie est venue améliorer la solution répondant à un besoin préexistant » indique-t-elle.

L’IT doit être capable d’intégrer les mises à jour de LLM

« La technologie rend aussi accessible et naturelle ces solutions sans qu’il soit nécessaire d’avoir un expert à demeure pour interpréter les résultats » dit-elle. Le groupe a du adapter ses services IT pour pouvoir porter ses projets d’IA générative sur le long terme. L’enjeu est d’intégrer la capacité de mener une mise à jour des technologies employées car les LLM évoluent très rapidement. La responsable l’assure, de nombreux projets dans cette même veine sont encore à venir chez Renault.

« Il faut être capable de détecter les signaux faibles, identifier les tendances et réagir vite« 

L’apport de l’IA générative est clé. « C’est un peu comme pour la météo. Il faut être capable de détecter les signaux faibles, identifier les tendances et suivre les avancées technologiques et réagir vite » résume Marco Borreca, Residual Value Expert Leader and Business Director chez Renault :

« Cette implémentation de l’innovation s’est opérée à tous les niveaux, tant dans la création de prédictions que dans l’utilisation de la technologie pour en faciliter l’accès. Cela en fait un projet réussi dans l’approche intelligence augmentée voulue par le groupe » conclut Anne Bretonniere, Head of Data Science & A.I. Transversal Program du Groupe Renault.

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