Préserver les emplois du centre d’appels
Pour le DG, il s’agit de préserver les emplois de son centre d’appels situé à Sevran, et qui est le deuxième employeur local. « Le centre d’appels est très important mais la prise de commande n’a plus de valeur. Il nous faut conserver les emplois c’est très important pour nous. Nous formons les gens à de nouveaux emplois mais cela prend du temps. Il nous faut aller vite tout en faisant évoluer et en préservant les emplois » se défend-il.
La législation ne protège-t-elle pas trop les chauffeurs de taxis avec ce délai de 15 minutes ? « C’est la réglementation, elle fait 300 pages » se retranche Yann Ricordel, faisant comme si cette réglementation n’évoluait jamais alors qu’elle vient justement d’être modifiée avec l’instauration de ce délai de 15 minutes au bénéfice des chauffeurs de taxi. Sachant que par exemple, chez les Taxis bleus, « nos taxis arrivent pour 50% d’entre eux en moins de 5 minutes, et pour 90% en moins de 10 minutes » indique-t-il par ailleurs. Cela laisse peu de place pour la concurrence si on lui fixe d’attendre 15 minutes avant de charger un client.
Le DG préfère parler également de différence d’interprétation du texte de loi. « La réglementation est interprétée différemment. Quand on dit que les taxis ont le ‘monopole de l’usage de la voie publique en attente de clientèle’, le monde du VTC considère qu’il s’agit uniquement du fait d’être hélé dans la rue » illustre-t-il.
Blablacar sans pitié
Ce discours a du mal à passer côté Blablacar et SnapCar. « Préservation des emplois ? Si on appliquait ce principe, on serait toujours tous en train de cultiver nos propres légumes. Il y a le sens de l’histoire, il y a des ruptures, pour gagner il ne faut pas s’accrocher au passé. De toute manière, cela arrivera. Il faut réinventer les emplois » s’énerve Frédéric Mazzella. Il reçoit le soutien de Dave Ashton, fondateur de SnapCar, service de VTC : « les anciens veulent préserver leur modèle. C’est effectivement le cas dans les transports. Les anciens utilisent tout le pouvoir qu’ils ont et ça peut créer des philosophies différentes. Mais on ne peut pas tolérer cela, les manifestations de taxis. Pourquoi empêcher la différenciation technologique ? »
A bout d’arguments, il demande à ce que l’on rembourse les licences aux chauffeurs de taxis afin de libérer enfin le marché. « On paie les 1,4 milliards d’euros que cela représente » dit-il. « il y a 50 000 chauffeurs » réplique Yann Ricordel, sous entendant que la somme devrait être encore plus élevée. Cela a déclenché des protestations nettes dans la salle. On n’est pas encore sorti de l’impasse.
La difficulté de se faire une place sur un marché a été également illustrée par Moovit. Cette société crée une communauté autour des transports publics afin que chacun puisse optimiser son trajet en temps réel selon les incidents ou la qualité d’une ligne. Pour que le modèle fonctionne, il faut que les transporteurs tels que les régies locales acceptent de jouer le jeu et de communiquer des éléments clés de leur activité, comme les horaires, les stations d’arrêt et les mouvements des bus, des trams et des rames en temps réel.
Apparemment ce n’est pas gagné sur Paris, où la RATP semble se faire tirer l’oreille. Même si Pierre Valentin, responsable de Moovit pour la France s’est montré optimiste. « J’ai bon espoir que cela se fasse sur Paris » dit-il. La société a déjà noué un partenariat à Bordeaux avec le transporteur Keolis local. « Nous récupérons les données du transporteur, nous leur donnons en échange les notations de telle ou telle ligne par les passagers et le ressenti des voyageurs. C’est ce qui nous permet de nouer des partenariats dans le monde » dit-il.
Reste à savoir quel sera l’échange entre les chauffeurs de taxi et Blablacar, Snapcar ou Uber.
Blablacar : « nous construisons une communauté »
Le modèle économique de Blablacar aura mis du temps à fonctionner. « Nous avons travaillé de 2004 à 2009 pour que ça marche » relate Frédéric Mazzela, fondateur de Blablacar. Il défend la spécificité du modèle de son site de covoiturage : « nous construisons un moteur de recherche, et une communauté de confiance. » Il annonce 5 millions de membres. « Cela double chaque année, c’est un départ toutes les deux secondes. » Il estime que son entreprise est complètement disruptive. « Nous sommes une place de marché. Il faut construire de la confiance entre deux particuliers égaux, qui ne se connaissent pas, et non entre un professionnel et un particulier. Il faut savoir avec qui on part en voiture » conclut-il.