Réglementation bancaire et IA : une sorte de cercle vicieux déplore-t-on côté Crédit Agricole

Alban Aucoin, directeur des affaires publiques du Crédit Agricole, 5 septembre

La réglementation ne cesse de s’alourdir dans la banque. Résultat, il faut recourir à l’intelligence artificielle afin de pouvoir absorber cette masse de textes de loi. Et comme cela marche, cela encourage la production supplémentaire de textes réglementaires dans une boucle sans fin.

L’innovation est indispensable


C’est le cercle vicieux que souligne Alban Aucoin, directeur des affaires publiques du groupe bancaire Crédit Agricole. Pour autant, il soutient l’innovation dans le contrôle bancaire. Il préconise une intelligence artificielle qui ne soit pas une boîte noire et que l’humain reste responsable.

L’événement Regtech a été suggéré par Alban Aucoin, en charge des affaires publiques du Crédit Agricole

Alban Aucoin a pris la parole à l’occasion de l’événement RegtechDay du 5 septembre 2024, organisé par Finance Innovation. L’événement a d’ailleurs été suggéré par Alban Aucoin et il est financé par Crédit Agricole. Les Regtechs sont les jeunes sociétés spécialisées dans le domaine de la conformité réglementaire.

« Les Regtechs sont indispensables pour faire face à l’explosion des volumes et de la complexité de la réglementation » établit-il. « J’ai proposé d’organiser un événement sur ce thème qui montre l’importance de l’innovation pour les fonctions de contrôle qui représentent des volumes de plus en plus importants dans l’activité des entreprises. Dans notre groupe, c’est au moins 6 000 personnes » dit-il.

L’événement Regtech Day s’est tenu le 5 septembre au Palais Brongniart avec 400 inscrits

Chaque métier a une réglementation spécifique

Il faut dire que le groupe Crédit Agricole représente différents métiers spécialisés chacun ayant une réglementation spécifique et donc des problématiques de plus en plus complexes et nombreuses à régler, d’où la nécessité de ces Regtechs  pour des activités telles que la banque de financement et d’investissement, l’assurance, la gestion d’actifs, la conservation de titres, le Leasing & Factoring, etc.

« Nous faisons face à une avalanche réglementaire, tant au niveau européen qu’au niveau national »

L’innovation est un sujet d’actualité au sein des fonctions de contrôle. « Nous faisons face à une avalanche réglementaire, tant au niveau européen qu’au niveau national. D’après le Medef entre 2017 et 2022, il y a eu plus de 500 textes de loi qui ont été adoptés en comptant près de 4 000 pages de lois » illustre-t-il.

A cela s’ajoutent de très nombreux actes délégués. Cette évolution est en effet amplifiée par ce qu’on appelle les réglementations de niveau 2 et 3 européen. Au niveau national, il y a tout ce qui concerne les décrets, les arrêtés, les circulaires, etc. Et au niveau européen, ce sont les actes délégués, les ITS, les RTS, et tout ce qu’on range dans la « soft law », par exemple, les lignes directrices, les questions-réponses, les orientations, etc, qui forment un corpus extrêmement important.

Le paquet bancaire pèse 1000 pages à mettre en oeuvre au 1er janvier 2025

Un exemple très récent est le paquet bancaire au niveau européen concernant la réglementation prudentielle en bancaire, avec des textes de loi qui, au total, représentent plus de 1 000 pages, auxquelles s’ajoutent140 mandats pour des textes d’un niveau 2 ou 3. « Au total, nous aurons plusieurs milliers de pages de réglementation très complexes à mettre en œuvre tout ça pour le 1ᵉʳ janvier 2025 » constate le responsable.

« Aucun être humain n’est capable de comprendre et de gérer un tel volume »

Cette masse de textes apparaît en dehors des possibilités humaines. « On voit bien qu’on est dans des métriques qui font qu’aucun être humain n’est capable de comprendre et de gérer un tel volume d’une rare complexité » alerte Alban Aucoin. De plus, cela n’est pas prêt de s’arrêter. « On doit s’habituer à cette situation, puisqu’année après année, finalement, ce volume de réglementation ne faiblit pas » entérine-t-il.

L’innovation doit être permanente. « Donc, il faut trouver des solutions et innover sur toute la chaîne réglementaire et c’est une nécessité continue » préconise-t-il. Cette réglementation et cette conformité ont aussi un coût énorme. « Il faut en être conscient. In fine, tous ces coûts sont portés par les clients et il importe de les maîtriser, notamment en utilisant des techniques innovantes » ajoute-t-il.

Une escalade sans fin de la réglementation

Mais recourir à l’IA alimente un cercle vicieux car elle permet d’absorber cette inflation de textes de lois. « L’intelligence artificielle permet une sorte d’escalade sans fin de la réglementation et de la complexité, puisque finalement, cette technique permet de traiter ce volume et cette complexité sans cesse croissants. Il y a une sorte de cercle un peu vicieux qui s’installe » déplore le responsable. Il appelle à une réflexion commune avec les régulateurs pour essayer de simplifier les choses et d’éviter la multiplication des textes.

L’humain doit pouvoir identifier les faiblesses, les failles, éventuellement les erreurs de l’IA

Quoiqu’il en soit, le recours à l’IA apparaît indispensable. Pour autant, l’humain doit rester aux commandes. « Il ne faut pas perdre de vue l’ensemble, avoir une vue globale de la situation, parce que le jugement humain doit rester clé. L’humain doit rester responsable. La machine est un outil qu’il doit comprendre. Il doit être au-dessus de l’intelligence artificielle de manière à pouvoir identifier ses faiblesses, ses failles, éventuellement ses erreurs » insiste-t-il. Car la technologie traite les sujets à la loupe, et risque d’empêcher de traiter le véritable  sujet.

Autre point important, la qualité des données. « La qualité des données est clé sinon, gare aux hallucinations » déclare-t-il, faisant allusion aux hallucinations, c’est à dire les erreurs de l’IA générative. Enfin, les algorithmes et les modèles de Machine Learning (apprentissage automatique) doivent être auditables et audités. « Il ne peut pas y avoir de boîte noire. L’intelligence artificielle, d’une certaine façon, a les mêmes avantages et les mêmes défis que les contrôles humains. Elle n’est pas sans faille, il faut le savoir, et en prendre acte » prévient-il.

La Regtech doit épauler l’humain

Quel sera l’impact de ces technologies sur l’emploi ? « La Regtech ne réduira peut-être pas les effectifs, mais elle doit augmenter leurs capacités. C’est-à-dire que c’est un moyen d’augmenter la compétence, la capacité humaine, mais l’humain doit rester responsable in fine et doit être capable d’avoir un jugement approprié sur toute cette réglementation et son application » conclut-il.

Alban Aucoin a rejoint la Fédération nationale du Crédit Agricole en 2010 en tant que Directeur général adjoint en charge des affaires financières, bancaires et européennes. Il est directeur des Affaires publiques du groupe Crédit Agricole depuis janvier 2016. Ancien élève de l’ENA, Alban Aucoin est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et titulaire d’une maîtrise d’économie de l’université Paris I.

De 2006 à 2008, il est Adjoint du Directeur général de la Comptabilité publique, avant d’être nommé Conseiller de la Présidente de l’Agence de coopération technique internationale des ministères de l’Economie et du budget (Adetef). Il a commencé sa carrière en 1989, à la Direction du Trésor au ministère des Finances en tant qu’Adjoint chargé des procédures de financement des entreprises, puis de la réglementation du marché financier, des OPCVM et de la fiscalité de l’épargne.


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