Réduction des coûts au ministère de l’Economie et des Finances avec l’IA

On dénombre 35 projets d'IA au ministère de l'économie et des finances

Le bilan semble encourageant pour l’usage de l’IA au ministère de l’économie et des finances, selon le rapport de la Cour des comptes, rendu public le 20 octobre. L’intelligence artificielle est expérimentée depuis 2015 par le ministère. L’IA aide à absorber une même charge de travail tout en réduisant la taille des équipes et peut aussi accroître les recettes mais de manière inférieure à celle attendue.

Cinq projets développés pour réduire les coûts



Le rapport dénombre 35 cas d’usage de l’IA au ministère. Cinq projets sur ces trente-cinq systèmes d’IA développés au sein du MEFSIN (Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie) ont été mobilisés afin de diminuer des dépenses. Ils ont permis de réaliser plus de 20 millions d’euros d’économies annuelles à compter de 2022, contre 46,6 millions d’euros attendus. La trajectoire d’économies est prévue pour atteindre 60 millions d’euros en 2024 sur ce périmètre.

Le rapport dénombre 35 cas d’usage de l’IA au ministère de l’économie et des finances (Cliquez pour agrandir)


Par exemple, le recours à la Data science pour aider à déterminer les contrôles fiscaux à réaliser a permis de réduire le nombre d’emplois mobilisés pour cette tâche et de vérifier le potentiel de ces outils en termes de contribution à la maîtrise des finances publiques.




Des ETP (Equivalents temps plein) supprimés et des rentrées supplémentaires

L’évaluation des gains des IA est effectuée jusqu’à l’achèvement complet des projets en 2024. À cette date, les économies prévues devaient permettre d’accomplir les missions concernées en mobilisant au total 1 013 ETP (Equivalents temps plein) de moins qu’en 2019, soit une économie de 60,7 millions d’euros en année pleine.

Dans le détail, cela provient de 500 ETP rendus (pour être employés sur d’autres tâches ou dans d’autres services) en lien avec le projet CFVR (« Ciblage de la Fraude et Valorisation des Requêtes » qui est la détermination des contrôles fiscaux à réaliser) , 300 ETP concernant « Foncier innovant » (Détection des piscines non déclarées dans les propriétés des Français), 138 ETP en lien avec le programme E-contact et 75 ETP concernant les projets de l’AIFE (le robot conversationnel ClaudIA et IA CHD).

Des recettes très inférieures à celles annoncées sur « Foncier innovant« 

D’autre part, des gains de recettes fiscales étaient attendus de la part de certaines IA. « Foncier innovant » par exemple devait permettre 130 millions d’euros de recettes annuelles additionnelles « pour les collectivités locales à horizon 2022 », tandis que CFVR devait contribuer à l’amélioration du recouvrement des droits rappelés à l’issue des contrôles fiscaux. Le montant de ce gain n’est toutefois pas évalué, relève le rapport de la Cour des Comptes.

En pratique cependant, les gains de recettes fiscales au titre du projet « Foncier Innovant » de la DGFiP n’ont atteint que 4,4 millions d’euros de recettes pérennes et 5,7 millions d’euros de rectification d’impositions antérieures, concernant les neuf départements ayant expérimenté le dispositif. La DGFiP a revu ses ambitions à la baisse et estime à présent que 40 millions d’euros de recettes pérennes devraient être apportées par le dispositif après sa généralisation en 2023.

Treize systèmes d’IA sont exploités

Les directions et services du MEFSIN étudient, développent ou exploitent au total 35 systèmes d’intelligence artificielle à fin 2023. Treize systèmes d’IA sont déployés et exploités, huit sont en cours de développement et 14 sont envisagés ou font l’objet d’une étude de faisabilité. La lutte contre les fraudes (fiscalité, douanes, droit de la consommation) et le blanchiment concernent 16 systèmes d’IA sur 35.

Au total, huit directions et services recourent à l’IA. La plupart de ces directions présentent un panel d’outils variés reposant sur des technologies d’IA diversifiées. L’apprentissage supervisé ou semi-supervisé, qui consiste à entraîner une IA au moyen de données labellisées et qualifiées (étiquetées pour que l’algorithme puisse les traiter), concerne 26 programmes sur 35. Quatre systèmes reposent sur un apprentissage non supervisé, par lequel la machine apprend à structurer des données non labellisées en identifiant elle-même des différences, des récurrences ou des anomalies.

Le NLP (Natural Language Processing) ou traitement naturel du langage est majoritaire dans les IA employées par le ministère de l’économie et des finances



Trois projets mobilisent par ailleurs les technologies d’apprentissage profond (Deep Learning), qui consiste à entraîner un réseau de plus de trois couches de neurones artificiels à réaliser une tâche, telle que la reconnaissance d’objets dans une image.

Un coût de 66 millions d’euros depuis 2015


Huit directions du MEFSIN recourent aux systèmes d’IA pour un coût total évalué à 66 millions d’euros depuis 2015. La DGFiP et l’agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE) regroupent la moitié de ces systèmes et 95 % des moyens mis en œuvre pour leur développement.

Les coûts présentés par la DGFiP sont eux-mêmes concentrés sur deux projets : la réorganisation du ciblage du contrôle fiscal dans le cadre de CFVR (26,5 millions d’euros) et le programme « Foncier innovant » (27,3 millions d’euros), qui représentent ensemble 81 % des coûts de développement recensés pour la période.

Reconnaissance d’images et IA prédictives

On peut citer plusieurs projets marquants. La DGFiP exploite ou développe des IA de reconnaissance d’images (application « Foncier innovant » pour détecter les piscines), des IA prédictives (dans le cadre des projets « Ciblage de la Fraude et Valorisation des Requêtes » et « Valorisation des cessions foncières ») et des IA génératives (dans le cadre des projets « Assistance métiers juridiques » et « E-contact GMBI »).

La DGDDI exploite pour sa part un système expert, pour proposer des réponses aux demandes des agents concernant des actes de gestion du personnel, et développe une IA prédictive ainsi qu’un réseau de neurones dans le cadre de la lutte contre les fraudes.

Le robot conversationnel ClaudIA répond à 80% des questions

On citera également ClaudIA de l’Agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE). Ce robot de conversation sert à aider les utilisateurs de la plateforme Chorus Pro à accomplir leurs démarches. ClaudIA répond à près de 80 % des questions des utilisateurs. Les demandes que ClaudIA ne permet pas de traiter sont transmises à des conseillers en ligne.

Il y a aussi « IA Réponse Conso » de la DGCCRF. Ce système d’IA générative est conçu pour automatiser une partie des réponses aux demandes des consommateurs. Après avoir analysé le contenu des demandes et de leurs pièces jointes, le système d’IA fait appel à des paragraphes types pour proposer un courrier de réponse ensuite modifié et validé par un agent.

Prédiction du risque de défaillance des entreprises

Le système « Signaux faibles » de la DGE (Direction Générale des entreprises) est un algorithme qui calcule le risque de défaillance à 18 mois des entreprises de plus de 10 salariés. Pour cela, il mobilise l’ensemble des données détenues par les services de l’État (DGE, DGEFP, Insee), les organismes de sécurité sociale et la Banque de France. Les agents habilités accèdent aux données des entreprises de leur ressort sur une plateforme sécurisée, dans laquelle ils peuvent convenir des mesures à proposer aux entreprises et suivre leur mise en place.

Un des systèmes les plus connus est lié à la fraude fiscale, baptisé « Ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (CFVR) de la DGFiP. Ce système recourt aux techniques d’analyse prédictive pour définir la programmation des contrôles fiscaux. Un service central de la DGFiP développe des algorithmes afin d’automatiser la détection de dossiers à risques. Les cas proposés par l’IA sont transmis aux directions interrégionales de contrôle fiscal (DIRCOFI), qui vérifient leur pertinence avant l’engagement de tout contrôle, et remontent les anomalies éventuelles pour corriger les algorithmes.

Détection par image satellite des bâtis non déclarés

Le projet « Foncier Innovant » de la DGFiP recourt à l’IA pour suivre l’évolution des bases de la fiscalité foncière (bâtiments, annexes, terrains). Des prises de vue aériennes, réalisées par l’IGN dans le cadre de ses missions habituelles, sont analysées par une IA qui détecte les aménagements et les compare avec les données cadastrales et fiscales. Les anomalies potentielles sont vérifiées par les agents. Le programme comprend deux fonctions : la détection des bâtis non-déclarés (déployée pour la détection des piscines) et la contribution à la mise à jour du plan cadastral (en expérimentation).

Les économies attendues de 4 projets d’IA jusqu’en 2024 (ClaudIA, Foncier innovant, E-contact et CFVR)

Le rapport de la Cour des Comptes pointe la réduction du nombre de personnes nécessaires pour la réalisation de la même charge de travail grâce à certains systèmes d’IA. Ils réduisent le coût d’une action à périmètre constant. Sur 35 projets d’IA, quatre systèmes ont été conçus pour réduire le coût de l’action de l’administration à périmètre constant, et un système d’IA (le robot conversationnel ClaudIA) a permis de diminuer les dépenses liées au traitement des demandes tout en augmentant le nombre de demandes traitées.

La programmation des contrôles fiscaux passe de 500 personnes à 32 personnes

Ainsi, CFVR (« Ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ») a diminué les coûts de programmation des contrôles fiscaux sans modifier le volume ou les objectifs de cette programmation. Le nombre de dossiers proposés au contrôle fiscal reste stable, mais ce résultat est obtenu en retirant 427 ETP (Equivalents temps plein) en 2023 par rapport à 2018. Le bilan montre que 50 % de la programmation des contrôles fiscaux concernant les professionnels et 30 % de la programmation concernant les particuliers reposent désormais sur une équipe de 32 personnes assistées par le Data Mining, contre environ 500 personnes en 2018.

De même, les programmes « Chatbot E-contact », « Foncier innovant » et « IA CHD » ont été associés, dès le début à un objectif de restitution des moyens ainsi économisés. Les gains de productivité liés à ces systèmes d’IA ont permis de libérer des emplois qui ont été restitués par les directions concernées. L’IA permet alors une baisse de dépense par rapport aux coûts passés. Toutefois, le recours aux systèmes d’IA peut accroître dans certains cas le volume d’activité des services, même lorsque leur introduction a été envisagée à charge constante. Ainsi, l’administration a maintenu inchangé le nombre de contrôles fiscaux avant et après l’introduction de CFVR, mais, dans le cas d’ »E-contact » et de « Foncier innovant« , le recours aux systèmes d’IA conduit à une augmentation de l’activité des services, au moins de façon temporaire.

Stabilisation des coûts en augmentant les résultats

Le rapport indique qu’une majorité de systèmes d’IA du ministère stabilisent le coût d’une action tout en augmentant ses résultats. Ces systèmes sont développés pour améliorer les résultats des services ou absorber une augmentation du volume d’activité, sans augmentation des dépenses.

Dans ce cas, les emplois dégagés par le recours à l’IA sont redéployés, de façon programmée ou spontanée, pour améliorer la productivité globale à moyens constants. L’IA permet dans certains cas d’améliorer la qualité et les délais de réponse à effectifs constants.

Absorption du nombre d’amendements entre 2022 et 2024 à moyens humains constants

Ainsi, le système d’IA « LLaMmendements » libère les agents des tâches consistant à classer et à résumer les amendements du Parlement, mais ce gain est immédiatement réemployé pour améliorer la qualité et les délais des réponses apportées. « LLaMendements » permet aux équipes d’absorber la charge de travail (85 345 amendements ont été déposés entre juin 2022 et janvier 2024) sans recourir à des moyens humains supplémentaires.

De même, les projets de systèmes d’IA concernant la veille de sécurité économique du SISSE, ou la valorisation des données d’enquêtes de la DGCCRF, visent à améliorer la détection des alertes de sécurité économique et le ciblage des enquêtes à moyens humains constants.

Automatisation des remontées pour la lutte contre la fraude fiscale

D’autres services ont mobilisé l’IA pour augmenter leur volume d’activité sans augmenter leur coût. La labellisation et l’orientation des remontées des professionnels soumis à des obligations déclaratives, dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment, ont ainsi été automatisées.

Ce recours à l’IA a permis de redéployer vingt-cinq agents sur des fonctions d’enquête pour faire face à l’augmentation des signalements à moyens constants. Dans ces cas de figure, l’IA permet une baisse de dépenses par rapport à un scénario alternatif, dans lequel ces processus auraient été améliorés en recourant à des effectifs supplémentaires.

Le robot ClaudIA aide à absorber 100 000 sollicitations par mois

De même, le robot conversationnel ClaudIA a été conçu pour accompagner la généralisation de l’interface Chorus Pro à l’ensemble des fournisseurs de l’État. Entre 2018 et 2020, Chorus pro est devenu obligatoire pour les ETI, les PME et les TPE. Le nombre de sollicitations par les usagers est ainsi passé de 20 000 à 100 000 par mois et le robot ClaudIA a permis d’absorber cette charge sans y consacrer d’effectifs supplémentaires.

Dans ce dernier cas, les gains de productivité réalisés ont été supérieurs aux besoins générés par l’extension de Chorus Pro, permettant la restitution d’emplois et une baisse des dépenses par rapport à leur niveau antérieur à l’implémentation du système d’IA. Ainsi, le contrat de transformation conclu avec la DITP au titre de ClaudIA prévoyait la restitution de vingt-huit ETP pour une économie annuelle de 1,3 million d’euros. L’AIFE indique que 55% des économies prévues ont été réalisées à ce stade.

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