Pour les compétences rares, c’est l’employé qui décide s’il télétravaille ou pas

Benoît Serre, ANDRH et L'Oréal

En cette rentrée, à l’heure du retour dans les bureaux, ce sont de nouvelles habitudes de management qu’il va falloir mettre en place car une part de télétravail va être conservée.

Négociation en position de force pour certains employés

Dans certains cas, le salarié pourra même négocier cette part de télétravail en position de force car il possède des compétences recherchées, par exemple dans la data. C’est ce que reconnaît Benoît Serre, vice président de l’ANDRH (Association nationale des DRH) et DRH de L’Oréal France. Pour lui, une des conséquences des 18 mois que l’on vient de vivre à cause du virus de la Covid-19 est que « le télétravail est devenu une alternative normale » dit-il.

« Les salariés savent que dans certains métiers, ce sont des profils que tout le monde recherche. C’est eux qui décident s’ils viennent ou pas »

Dans la mise en place de ce télétravail, tous les salariés ne sont toutefois pas logés à la même enseigne. Pour certains, cela fait 18 mois, qu’ils ont appris à gérer seuls quand ils viennent au bureau ou quand ils restent à domicile. « Si on impose des cadres trop forts, ils iront voir ailleurs s’il y a des endroits qui n’imposent pas ces cadres là » explique Benoît Serre. De plus, pour les compétences très recherchées, le pouvoir est dans le camp de l’employé. « Les salariés savent que dans certains métiers, ce sont des profils rares ou des gens que tout le monde recherche. C’est eux qui décident s’ils viennent ou pas. Dans d’autres métiers ce n’est pas le cas, il faut rester lucide » explique Benoît Serre. Il a pris la parole sur le plateau de BFM, le 31 août.

Côté management, il va falloir apprendre à gérer un univers du travail devenu hybride, une part des salariés étant sur site, et une autre à domicile. « Plus de 20 000 accords de télétravail ont été signés par les entreprises. 50% des entreprises sont passées en télétravail. C’est énorme. On a beaucoup formé les gens pendant ces 18 mois à gérer à distance maintenant il va falloir former les gens à gérer en hybride, de temps en temps ils sont là et de temps en temps, ils ne sont pas là » déclare le responsable.


Mettre en place un management reposant sur moins de contrôles

Pour lui, c’est une affaire d’organisation et d’un management différent, dans une logique de confiance et donc de moins de contrôle. « Comment quitter le management présentéiste et contrôlant, pour un management basé sur la confiance ? Cela s’apprend » répond-il. « Pour certains managers c’est très troublant parce que cela met par terre des années de management qui n’était pas mauvais, puisque c’est celui qu’on leur demandait » constate-t-il. « Par conséquent, il y a un travail d’adaptation assez fort qui vient se surajouter  au management inter générationnel qui n’est pas toujours simple » souligne-t-il.

« Les dirigeants ont une responsabilité dans l’impulsion en installant eux-mêmes un modèle de management hybride »

Il estime que cela fait beaucoup de choses à adapter en même temps pour le management. Les dirigeants doivent alors montrer la voie. « Les dirigeants d’entreprise ont une responsabilité dans l’impulsion pour eux-mêmes installer un modèle de management comme cela et cela suivra derrière » préconise-t-il. A plus long terme, le succès du télétravail risque d’entraîner une modification du décompte du temps de travail et la nature des contrats de travail avec les collaborateurs.

« Aujourd’hui 30% à 35% des métiers sont télé-travaillables. Ce nombre de métiers s’étend. Si demain, 50% à 60% de gens télé-travaillent partiellement, il va falloir se reposer la question du temps de travail et de sa comptabilisation car pointer chez soi, cela ne veut rien dire » pointe-t-il. « C’est un vrai changement de société car en France, le sujet du calcul du temps de travail est très difficile à discuter. Il y a un changement probablement législatif dans les années qui viennent » anticipe-t-il.



Les entreprises vont gérer plusieurs types de relations contractuelles avec leurs collaborateurs

Dans sa vision, les entreprises vont gérer plusieurs typologies de relations contractuelles, CDI ou non CDI. « Or la France est très structurée autour du CDI, pour l’obtention d’un crédit, d’une assurance mutuelle. Il va falloir revoir les schémas. Si demain, 30% des gens sont sur un modèle de prestations, on ne peut pas dire que le mode d’auto entrepreneur soit efficace sur le plan de la protection sociale. On ira vers un marché du travail contractuellement différent » annonce-t-il.

« Ce n’est pas le moment de créer de la tension sociale pour dégrader des indicateurs économiques positifs »

Quant à ce qui concerne la mise en place du passe sanitaire, L’Oréal agit avec discernement et bienveillance pour les quelques cas particuliers qu’il pourrait avoir à gérer. « Ce n’est pas le moment de créer de la tension sociale pour dégrader des indicateurs économiques positifs » sourit le responsable. En revanche, le DRH demande que l’on forme plus d’étudiants dans les métiers en tension, en particulier dans la data.

« Sur certains profils, on cherche. L’Oréal a la chance d’avoir une marque assez reconnue. Mais il y a des profils rares. Ce n’est pas que les gens ne veulent pas venir, c’est qu’il n’y en a pas » débute-t-il. « Vous prenez tous les métiers de la data, on a un vrai effort à faire sur la formation initiale, pour avoir plus d’ingénieurs qui sortent des écoles, parce qu’aujourd’hui il n’y a pas assez de jeunes sur ces métiers par rapport aux besoins des entreprises alors que cette crise a énormément développé la digitalisation des entreprises » conclut-il.

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