Plateforme numérique d’entreprise : à faire soi-même

Le secret du succès des entreprises à l’heure du numérique repose sur des plateformes techniques de nouvelle génération, ouvertes, adoptées par les développeurs et associées à des valeurs reconnues par la communauté. Difficulté, il va falloir construire ces plateformes brique par brique, car elles n’existent pas sur étagère. 

La révolution numérique impose aux entreprises une adaptation rapide et en profondeur de ses modèles d’affaires, de son organisation, ainsi que de son système d’information. Elles doivent évoluer d’un modèle où elles construisent une collection d’applications supportant leurs activités Métier vers un modèle de construction du Métier en utilisant des plateformes numériques d’un nouveau genre.

Des plateformes toujours en travaux

Nous sommes entrés dans l’ère des plateformes, qui fournissent des outils et  des services permettant une livraison rapide et continue de nouvelles fonctions à l’utilisateur. Ces plateformes ne sont jamais finies (pas en termes de qualité, mais en termes de complétude), en version béta perpétuelle, adaptées au besoin du moment et à durée de vie courte (deux ou trois ans).

Pour permettre d’être réactif, et de construire une nouvelle offre de valeur rapidement (en trois à six mois au maximum) il faut que la plateforme soit « ouverte » et propose des points d’ancrage tant au niveau technique que du modèle d’affaire.

Favoriser les interactions

Plus les plateformes permettent les interactions, et plus les interactions génèrent de la valeur pour la plateforme. Bien entendu, certaines plateformes imposent des taxes de passage (comme iTunes d’Apple), mais d’autres sont plus ouvertes et se mettent en concurrence avec leur propre écosystème (Amazon revoit ses prix sept fois par jour pour rester compétitif avec les autres vendeurs de sa plateforme).

La révolution numérique étant aussi et surtout une révolution des usages, elle est centrée sur le client connecté et ses désirs. Les plateformes doivent donc fournir des API (interfaces d’accès) pour les créateurs d’applications (mobiles, Web, TV, etc.) et des chartes graphiques claires et réutilisables pour offrir une expérience sans couture.

Des accélérateurs de croissance

Les plateformes agissent alors comme des accélérateurs de croissance en offrent des opportunités d’attaquer plus rapidement des marchés lucratifs nouveaux. Mais aussi, en ouvrant leurs données et en partageant leurs clients existants via des API, elles permettent à des développeurs du monde entier de venir apporter de la nouveauté et de la valeur à votre propre offre, tout en leur permettant de générer de l’activité pour eux même.

Le développement de ces écosystèmes passe aussi et de plus en plus souvent, par l’usage de « fonds d’investissement » dédiés qui financent les acquisitions ou les intégrations (Facebook et Google en sont des cas évidents).

Chercher l’adoption de masse

On est donc passé d’une approche « tout est inventé en interne et packagé sous forme de produits » (inside-Out), à une approche où l’on cherche la réinvention de son Métier par l’ajout de talents externes afin d’obtenir une résonnance, un effet réseau, une adoption de masse (Outside-in). Cela requiert de convaincre un nouveau type de partenaires, les développeurs, pour qu’ils décident de créer « autour » de vous, et avec vous. L’offre de valeur doit donc être claire et adaptée à cette population.

Mais il ne suffit pas de convaincre les développeurs ! Il faut alors passer d’un modèle opérationnel basé sur des « enregistrements » (« system of record ») vers un modèle opérationnel basé sur l’engagement (« System of Engagement »). Qu’importe d’avoir la meilleure application ou plateforme si on n’est pas connu et si on ne défend pas ses valeurs.

Défendre ses valeurs

Pour BlaBlacar les valeurs clefs sont le partage des coûts de transport et un système de confiance. Pour AirBnB les valeurs sont la qualité et l’authenticité des lieux de résidence, le prix et le service.

Pour que l’effet réseau fonctionne à plein, pour que l’expansion soit rapide, il faut créer des « moments d’attachement à la marque » bien réels, comme lors de l’ouverture de la boite de son nouveau téléphone ou via un service client irréprochable (force de Darty et d’Amazon).

Pas de solution sur étagère 

La construction de ces plateformes n’est pas aisée, et c’est bien là l’unique mauvaise nouvelle, elles n’existent pas sur étagère. Vous devrez la construire, brique par brique, et la faire cohabiter avec votre système d’information souverain (toutes les applications anciennes dont vous disposez) et avec vos applications externalisées ou de commodités (en mode Software As A Service).

Pour les architectes d’entreprise, c’est sans aucun doute un nouveau champ d’étude, comme résumé dans le document l’Architecture d’Entreprise dans un Contexte d’Entreprise Numérique du Club Urba EA.

Illustration : la nouvelle apparence des systèmes d’information d’entreprise à l’ère du numérique.