Paiement fractionné, terrain d’affrontement entre banquiers historiques et sociétés de la tech

Jean-Pierre Viboud, DG de Oney

Le paiement fractionné, ou BNPL (Buy Now Pay Later) a le vent en poupe et suscite une avalanche de nouvelles offres de la part des prestataires de services financiers. Les acteurs historiques affrontent les spécialistes du digital à la conquête de cet eldorado. 

Oney, filiale de BPCE, monte au créneau face aux nouveaux venus du BNPL

Un vieux routier tel qu’Oney, créé en 1983 et filiale du puissant groupe bancaire BPCE (Banque Populaire Caisse d’Epargne), monte ainsi au créneau face à des nouveaux venus comme la Fintech suédoise Klarna, née en 2005 à Stockholm, ou comme le géant Apple qui a annoncé début juin qu’il lançait son propre service de BNPL aux Etats-Unis. Apple permettra aux utilisateurs de sa solution de paiement sur iPhone, Apple Pay, de régler leurs achats en plusieurs fois sans frais. Avec Apple Pay Later, les personnes peuvent diviser le coût total d’un achat réglé avec Apple Pay en quatre paiements égaux échelonnés sur six semaines, sans intérêts ni frais supplémentaires.

« 72% des Français ne souhaitent pas se tourner vers les géants du numérique pour des services bancaires« 

Les sociétés de la tech semblent toutefois partir avec plusieurs handicaps face aux acteurs historiques. Déjà, elles séduisent peu les Français quand on parle de banque. Les Français sont peu pressés d’ouvrir un compte bancaire chez des sociétés telles que Apple, Facebook, Uber, Google ou Microsoft. « 72% des Français ne souhaitent pas se tourner vers les géants du numérique pour des services bancaires » affirme Stéphane Dalifard, Vice Président en charge des services financiers, chez la société de services Capgemini Invent.  

Très peu de Français se montrent ouverts aux solutions des géants de la tech. « La part des Français certains de pouvoir utiliser les services bancaires proposés par un géant du numérique reste très bas avec 6% » poursuit-il. Il a pris la parole en ouverture de l’événement IN Banque du 23 juin et a présenté la nouvelle enquête menée sur les Français et leur banque, réalisée avec IN Banque et Adobe.

Stéphane Dalifard, Capgemini, 23 juin

Coup de frein pour le suédois Klarna

Autre cas, le suédois Klarna connaît une nette phase d’essoufflement après une croissance impressionnante. Il déclarait une perte de 748 millions de dollars fin 2021, et en mai 2022, annonçait réduire ses effectifs de 10%, soit environ 700 personnes, afin de réduire ses coûts après une nouvelle perte de 250 millions de dollars au premier trimestre 2022.  

Oney se réjouit de sa très forte croissance tirée par le BNPL

Un recul de Klarna qui s’explique notamment par une mauvaise gestion des risques, estime Jean-Pierre Viboud, Directeur général de Oney depuis 14 ans, intervenant également lors de la conférence IN Banque. Oney revendique 8 millions de clients en Europe, une présence dans 12 pays et va ouvrir deux nouveaux pays cette année. « C’est une croissance très forte tirée par le BNPL » déclare-t-il.

Oney revendique 30% du marché BNPL dans l’hexagone. « Nous sommes leader en France sur le BNPL, avec environ 1 BNPL sur 3 qui est réalisé avec Oney » dit-il. « Et parmi les 50 premiers e-commerçants français, il y a en quasiment 1 sur 2 qui a retenu la solution Oney » poursuit-il. « On continue une croissance forte tirée par des nouveaux secteurs qui veulent proposer du BNPL à leurs clients. C’est vrai dans les transports, maintenant dans la santé. On a une croissance très forte grâce à ce produit là » dit-il.

Oney propose un service de BNPL directement au consommateur

De son modèle traditionnel « B to B to C », où il s’associe aux commerçants, Oney a fait le saut il y a 1 an pour proposer des services en « B to C ». « Aujourd’hui quand vous achetez sur internet, si vous voulez disposer d’une offre de crédit ou de paiement fractionné, il faut que le site ait eu un accord avec un organisme qui propose ce service » rappelle-t-il. « Nous avons voulu donner au client la possibilité de faire des crédits, des paiements fractionnés quand il le souhaite »décrit-il.

« Oney propose un fractionnement universel que ce soit pour ses dépenses de dentiste, de vétérinaire ou de formation« 

« Le client se voit affecter une carte, un compte de paiement, qui fait que après un achat, il puisse décider de le fractionner en 3 ou 4 fois » poursuit-il. « Il n’est plus dépendant d’une offre de service de paiement fractionné, il décide pour l’ensemble de ses achats, ce qu’il va fractionner. C’est une possibilité de fractionnement universel, en France ou à l’étranger, que ce soit pour ses dépenses de dentiste, de vétérinaire ou de formation » liste-t-il.

Oney met à disposition du client une carte, une application mobile et un compte de paiement. « Vous utilisez votre app ou votre carte comme d’habitude, et post achat vous décidez de transférer en paiement fractionné ce produit là » ajoute-t-il. « Aujourd’hui, 75% des consommateurs veulent pouvoir disposer d’une offre de paiement fractionné » déclare-t-il. Il ne communique pas le nombre de clients particuliers qui ont retenu l’offre de Oney à ce jour. « Nous allons continuer à passer des accords avec les distributeurs, et on propose une carte qui permet de fractionner tous ses règlements à tout moment » résume-t-il.

La Data est la clé de la gestion des risques

L’usage de la data est alors clé afin de sécuriser les transactions et accepter les bons clients. Oney considère avoir un coup d’avance par rapport à un concurrent tel que la Fintech Klarna. « La Data va nous permettre d’identifier notre interlocuteur. C’est important parce que les commerçants nous demandent d’avoir le taux d’acceptation le plus élevé possible parce que généralement ils perdent la vente quand on refuse le financement à un client » rappelle-t-il.

« Nous avons des taux d’acceptation de 93% sur le paiement fractionné« 

« Nous avons des taux d’acceptation de 93% sur le paiement fractionné » indique-t-il. « C’est le taux le plus élevé et nous avons pu avoir de tels taux d’acceptation parce que nous avons beaucoup travaillé sur la lutte contre la fraude. Nous avons d’ailleurs une business unit dédiée et qui va interroger en un dixième de seconde, une multitude de bases de données comme le FICP, le fichier des impayés de la Banque de France et qui va permettre d’avoir l’acceptation du client ou pas » explique-t-il.

La Data sert à protéger et à accepter. Elle sert aussi à déterminer le besoin client. « Nous avons accès aux paniers d’achat des clients » dit-il, que l’achat ait lieu sur internet ou en magasin. « A travers ce qu’ils achètent on peut positionner leur moment de vie, si ils vont se marier en fonction de voyages qu’ils peuvent faire, si ils vont avoir un enfant, si ils vont partir à la retraite » énumère-t-il. « Ces moments de vie nous permettent de pousser les bons produits au bon moment et même au bon prix » déclare-t-il.

Klarna a accepté des clients qu’il n’aurait pas du accepter

Le dirigeant souligne sa connaissance fine des achats. « Nous avons des concurrents Fintech qui n’ont pas forcément ce savoir faire. Vous avez vu que Klarna a eu 250 millions de dollars de pertes au premier trimestre 2022. Ces 250 millions de pertes c’est essentiellement du mauvais risque, c’est-à-dire de l’acceptation de clients qui n’auraient pas dû être acceptés. La data est extrêmement importante » insiste-t-il, considérant notamment que Klarna n’a pas accès par exemple aux détails des tickets de caisse en point de vente physique contrairement à Oney et que ces données font défaut à sa connaissance client. Bref, la stratégie de Klarna d’effectuer d’énormes levées de fonds en s’appuyant sur une valorisation boursière toujours plus élevée trouve ses limites quand la Fintech pâtit d’autant de clients non rentables.

Par ailleurs, Oney se positionne pour sa part encore plus loin dans le bon usage de la donnée, en souhaitant aider ses clients à consommer de manière plus responsable, par exemple en les amenant vers des produits d’occasion. « Nous venons de signer un accord avec Leboncoin, pour que le client bénéficie de solutions de financement grâce à Oney » pointe-t-il. Ceci dit, si les acteurs historiques ont de forts atouts, il faut noter que l’étude de Capgemini montre que les jeunes générations sont moins opposées à ouvrir un compte bancaire chez les Gafa que leurs ainés, « 36% des clients de moins de 35 ans sont prêts à se tourner vers les Gafa en matière de services bancaires, les banques doivent aller chercher cette clientèle » prévient Stéphane Dalifard, de Capgemini, en forme de conclusion temporaire.


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