L’enseigne d’ameublement et de décoration Maisons du Monde recueille chaque année 50 000 avis clients qu’il est difficile, sinon impossible, de traiter à la main. C’est un terrain de jeu idéal pour l’IA, mais que choisir : des modèles de Machine Learning sur-mesure ou une IA générative du marché ? Au terme de benchmarks techniques et économiques, c’est Gemini de Google au final qui analyse les avis clients pour 6 € par mois.
Comme toute enseigne internationale, Maisons du Monde reçoit chaque jour sur son site des centaines d’avis sur ses produits. Certains sont positifs, d’autres moins, mais toute la difficulté consiste à analyser ces avis. D’autant plus qu’il peut être éventuellement nécessaire de déclencher une alerte en cas de produit suspecté d’être dangereux ou de renégocier avec les fournisseurs en cas de problème de qualité.
« Si on ne se livre pas à une telle analyse, on ne peut pas savoir ce que les clients pensent et on ne peut pas améliorer le parcours client »
Un projet a été lancé afin d’automatiser l’analyse des avis client. Son objectif était d’accélérer l’analyse pour repérer les tendances et les problèmes au plus tôt. Il vise aussi à détecter les produits du catalogue en sous-performance en classant les avis et enfin améliorer l’efficacité opérationnelle des différents services concernés. En outre, l’équipe Data Science souhaitait commencer à mettre en œuvre l’IA générative et l’intégrer dans ses processus.
Les subtilités du langage difficiles à appréhender par une IA prédictive
Avant de s’engager dans cette démarche, l’équipe travaille sur des modèles de Machine Learning, mais elle se heurte rapidement aux limites de l’approche. « Nous avons généré des nuages de mots, mais avec cette approche à base de mots clés, il est très facile de perdre le sens. Par exemple, un ‘Canapé confortable’ et un ‘Canapé pas confortable’ sont agrégés ensemble » décrit-elle.
L’analyse de sentiment pour séparer ces mots clés n’est pas totalement satisfaisante
« Plutôt que de travailler avec les mots, nous avons cherché à travailler sur les phrases, mais le problème était inverse : il devenait beaucoup plus compliqué de détecter les synonymes. Les phrases ‘Un canapé pas très confortable’, ‘pas trop confortable’ et ‘pas du tout confortable’ ne tomberont pas dans une même catégorie. De ce fait, les problèmes soulevés par les clients risquent de se disperser » réagit la responsable.
Test des capacités d’une IA générative
Face à ces difficultés, Maisons du Monde se tourne vers la société de services Equancy afin de tester les capacités d’une IA générative sur ce cas d’usage. Maxence Raveau, Data Scientist chez Equancy explique alors le choix qui s’est posé à l’équipe projet. « Nous avions deux possibilités. On pouvait poursuivre dans l’approche de Maisons du Monde sur l’IA prédictive. L’avantage est de créer des modèles sur-mesure et les déployer nous-mêmes » dit-il.
Avec une IA sur mesure, le coût de Run est quasi nul, mais la création de l’algorithme demande du temps
L’alternative consiste à avoir recours à une IA générative telle que GPT-3 d’OpenAI, Gemini de Google ou Mistral. « L’avantage est de passer beaucoup moins de temps sur la création du modèle. Le coût de Build est beaucoup plus faible, les modèles sont très performants. Le problème est que cette approche réduit les possibilités de customisation [personnalisation], et son coût de Run est basé sur l’usage » reprend Maxence Raveau.
Comparaison des coûts entre IA classique et IA générative
Les consultants estiment alors que le coût d’utilisation d’un tel modèle sera de l’ordre de 100 € par an, et le coût de création de l’ordre de 30 000 €. Ces coûts sont à comparer à ceux d’une IA classique qui sont estimés à 70 000 € pour la création du modèle et à un coût de Run de 50 € par an pour faire tourner une machine virtuelle quelques heures par mois.
« Une solution est moins chère, avec des performances similaires à la seconde, ce qui nous a poussés à choisir l’IA générative«
Pour déployer ce cas d’usage, le choix des solutions Google Cloud était également évident. Maisons du Monde exploite déjà des ressources sur Google Cloud. Et Google propose des briques d’intelligence artificielle sur étagère, notamment Gemini, le modèle phare de Google, qui est alors choisi par l’équipe pour mener à bien ce projet.
Stockage des données dans un Data Lake chez Google
Un workflow est mis en place. Les avis sont collectés et stockés via une brique Apache Airflow et stockés dans le Data Lake Google Big Query. L’IA Gemini couplée à la base de données vectorielle Vertex AI traite les avis afin de générer un simple fichier Excel lisible par tous les métiers. Les avis consommateur étant rédigés en 9 langues différentes, la première étape du traitement est de les traduire.
« Les tests ont montré que la traduction plus littérale de Google Traduction donnait de meilleurs résultats en phase d’analyse »
D’autre part, l’IA génère des synthèses de tous les avis pour chacun des produits du catalogue. Ce résumé de quelques phrases seulement donne les points positifs récurrents et les points négatifs récurrents. Ces résultats sont envoyés aux métiers pour que ceux-ci puissent prendre les mesures nécessaires.
Un simple fichier Excel transmis aux équipes
Aucune interface utilisateur, aucun tableau de bord (Dashboard) n’a été développé spécifiquement pour l’application. Un simple fichier Excel est envoyé à toutes les équipes concernées, celles qui gèrent les collections de produits, les équipes achat, l’équipe E-Commerce et l’équipe qualité. Ce fichier contient une trentaine de colonnes et chacun peut trier le fichier avec ses codes, faire des croisements de données. « Il reste un travail manuel au niveau de chaque équipe, mais l’objectif n’est en aucun cas de remplacer l’intelligence humaine par l’IA » relève Svetlana Arnal.
L’algorithme a été mis en production et il permet de détecter tous les problèmes liés à la sécurité
Avec le recul, le coût de fonctionnement de l’application est effectivement très faible, de l’ordre de 6 € par mois. « Ce succès nous a poussé à élargir le périmètre du projet en intégrant non seulement les avis sur les produits, mais aussi ceux exprimés sur les réseaux sociaux » dit-elle.« Nous collectons les avis sur Facebook et Instagram pour savoir ce que pensent nos clients, et analyser toutes les tendances » précise-t-elle.
Identification des produits achetés pour un cadeau
La souplesse de l’approche l’IA générative permet à l’équipe de Data Science de Maisons du Monde de répondre à des questions de plus en plus complexes, dont identifier les produits qui ont été achetés en tant que cadeau pour un tiers. C’est une information utile pour les métiers qui ont pu ajuster les assortiments en conséquence.
« Les objectifs de ce projet ont été atteints. L’algorithme a été mis en production. Il nous permet déjà de détecter tous les problèmes liés à la sécurité et réagir dès qu’un avis est soumis » conclut la responsable.
L’analyse des avis clients sur la qualité d’un service est un domaine où l’IA générative peut être facilement mobilisée. Elle est ainsi employée chez le groupe BNP Paribas où elle complète les traditionnelles enquêtes consommateurs. L’usage de l’IA générative dans ce cadre spécifique est alors relativement sans conséquences dramatiques en cas d’erreur ou d’hallucinations. La mise au point de l’algorithme d’IA générative si l’on veut éviter les hallucinations peut nécessiter une certaine sophistication comme c’est le cas chez le fabricant de jeux vidéo Ubisoft qui analyse ainsi les opinions de ses joueurs.
L’IA générative mobilisée chez le fabricant de jeux vidéo Ubisoft pour comprendre les joueurs ➔ Lire l’article