LVMH souhaite voir l’usage des outils de l’IA générative et de l’IA classique se répandre au sein de ses équipes et de ses Maisons. Chez le leader du luxe, on se réjouit de voir l’IA générative arriver même dans la création. Le salon Vivatech 2024 a été l’occasion de faire le point sur la stratégie du groupe.
L’IA générative a aidé à la création des trophées de l’innovation 2024 de LVMH
Côté technologie, on constate que les créateurs sont allés vers les équipes techniques afin de savoir comment utiliser l’IA générative. Par exemple, Luca Albero, Directeur Créatif du merchandising visuel pour les boutiques Christian Dior Couture, s’est aidé de l’IA générative pour créer les trophées de l’innovation de LVMH remis lors de Vivatech 2024 par Bernard Arnault, PDG du groupe.
« Ces trophées uniques sont un chef-d’œuvre de l’art humain, du savoir-faire et de la tradition, augmenté par Gen Al »
Cette aide de l’IA est soulignée également côté Sephora, l’entité en charge du commerce de détail grand public chez LMVH. L’IA doit aider les vendeurs en boutique. « La technologie doit servir nos équipes, les aider à être plus efficaces, pas les remplacer » affirme Guillaume Motte, PDG de Sephora. Il donne comme exemple le potentiel de l’IA pour soutenir les conseillers de vente et favoriser la personnalisation à grande échelle des expériences pour les 65 millions de clients fidèles de Sephora.
L’IA générative fait courir le risque de standardiser la création
Dans le même temps, LVMH sait que l’IA générative constitue un risque de standardiser la création pour ses Maisons, ce qui serait un drame. Chacune de ses marques veut au contraire cultiver son propre ADN, sa propre différence et son propre style. Et chaque créateur est gardien de cette différence. En ce qui concerne les trophées de l’innovation, le résultat est superbe.
« Si les grandes Maisons le font, on imagine que cela va irriguer un peu dans tous les métiers de la création »
L’impact de l’IA est perçu comme devant durer chez LVMH. Le luxe est synonyme de travail sur le long terme et le groupe s’affirme convaincu que l’IA générative va durer sur le long terme, qu’elle n’est pas une petite mode, et qu’elle va transformer les façons de travailler, les processus et les organisations. Toutefois, ces changements prendront des années. Dès lors, l’’effort est porté sur l’accompagnement des Maisons dans leur transformation, tout en agissant de manière indépendante de la technologie qui évolue très vite.
Un usage de l’IA au service de l’humain
« Nous avons la responsabilité de promouvoir des utilisations de l’IA éthiques et judicieuses, centrées sur l’humain » commente Gonzague de Pirey, Chief Omnichannel and Data Officer de LVMH. Le groupe indique accélérer sur l’IA générative depuis 14 mois. LVMH travaille déjà beaucoup sur l’IA classique. Elle sert notamment pour la personnalisation de la relation client, pour l’efficacité de la supply chain et pour l’efficacité de la fabrication.
LVMH travaille sur des usages verticaux de l’IA générative tels que le clienteling, le marketing, la personnalisation produits et l’efficacité des équipes au quotidien
« LVMH pense que GenAI [l’IA générative] transformera nos processus créatifs et nous aidera à être plus efficaces dans de nombreux domaines tels que le clienteling, le marketing ou la chaîne d’approvisionnement » résume Franck Le Moal, directeur des systèmes d’information du groupe LVMH. « Nous visons à accélérer notre utilisation de GenAI et nous pensons que les startups joueront un rôle déterminant pour nous aider » ajoute-t-il. Il fait alors référence aux startups mises en valeur chaque année par LVMH lors de ses trophées de l’innovation.
Efforts d’accompagnement et de formation des équipes LVMH
LVMH insiste sur les efforts d’accompagnement, d’éducation et de formation de ses employés. Depuis deux ans, le groupe a créé une Data Académie pour accompagner et former ses équipes techniques et aussi former les métiers à ‘l’utilisation de ces technologies et des outils. Cela concerne un usage au quotidien en Finance, en Supply chain, en Retail, en distribution et en production.
LVMH veut former à l’usage de l’IA générative les équipes opérationnelles, les vendeurs, les personnes des sites industriels, celles qui travaillent au marketing et pour la supply chain
LVMH a ainsi développé MaIA, à partir de GPT-4 d’OpenAI. Il s’agit d’un ChatGPT interne afin de conserver la propriété de ses données privées. Cette version interne de GPT a été développée en 3 mois et été mise à disposition des employés. Entre 4 000 à 5 000 personnes se servent tous les jours de cet outil dans les Maisons du groupe. L’usage concerne tous les secteurs, pour des recherches documentaires, de la traduction et l’initialisation d’argumentaires. Cette mise en main de l’outil est destinée à ce que les gens se l’approprient et qu’ils commencent à l’utiliser très vite. Il sera enrichi pour s’en servir de façon plus efficace dans les mois et les années qui viennent.
Mise en scène des innovations de LMVH lors du salon Vivatech 2024
Lors de Vivatech, LVMH a mis en scène ses innovations en IA et en expérience immersive. On a ainsi pu voir une démonstration de l’IA pour sa marque Loro Piana. Cette IA permet en prenant deux ou trois photos de soi-même, d’avoir sa silhouette générée par l’IA générative et toutes les dernières collections qui sont aussi générées par l’IA, et qui sont appliquées à la silhouette. On peut voir directement sur un grand écran sa silhouette habillée de la dernière collection exactement à sa taille.
LVMH travaille avec Google Cloud, OpenAI, Microsoft, Adobe, StableDiffusion et Dataiku
Récemment, LVMH a renforcé son partenariat avec Alibaba car la Chine est un marché extrêmement important pour le luxe avec un écosystème technologique spécifique (Wechat, Tmaill, etc.). Il lui faut s’appuyer sur les acteurs locaux. L’accord avec Alibaba concerne en particulier l’usage des LLM (Large Language Models) et la pile technique de IA générative pour interagir avec cet écosystème chinois.
Trois mille employés font de la technologie chez LVMH
LVMH n’est pas une entreprise de technologie. Le groupe commence toutefois à disposer d’un écosystème et d’équipes de technologie relativement importantes. LVMH affiche 3 000 employés qui font de la technologie dans le groupe et 2000 collaborateurs font du digital. LVMH souhaite travailler en étroite collaboration avec de grands partenaires, afin d’entretenir la proximité et de pouvoir ainsi anticiper et détecter les technologies qui lui permettront d’être plus efficace. La technologie doit aider à porter la transformation du groupe.
Le partenariat avec Alibaba doit délivrer des résultats en Chine en trois ou quatre mois
Il faut souligner que lors de Vivatech 2024, LMVH a présenté sur son stand différents « rêves » alimentés par l’IA et l’IA générative. Chez Dior Couture, des maquettes et de grands écrans s’animent pour mettre en lumière les multiples façons dont l’IA et l’IA générative sont mobilisées au service du produit, de l’aide à la création de vitrines à l’anticipation des flux logistiques, en passant par la recherche visuelle – qui permet au conseiller de clientèle d’identifier en un instant un produit Dior présent sur une photo – ou pour personnaliser des produits et l’expérience client afin d’enrichir l’expérience à chaque étape.
Détection des signaux faibles chez Dior
Dior présente aussi Astra, une plateforme d’IA qui agrège les commentaires et les verbatim des clients provenant de plusieurs canaux : les avis Google, les pages produits, les interactions avec le service client, les enquêtes de satisfaction, les sessions de live shopping, etc. Astra intègre cet ensemble de données et permet d’effectuer des prédictions de tendances, d’identifier des problématiques émergentes, et de suivre l’évolution des ressentis client en temps réel.
Silhouette, une expérience interactive exploite l’IA pour créer un sosie numérique et essayer des vêtements Loro Piana
Louis Vuitton pour sa part met en lumière « Les Extraordinaires AI-Configurator ». Cet outil d’IA aide les vendeurs à améliorer l’expérience client en boutique. Cet assistant virtuel peut recommander des produits adaptés au style et aux besoins du client à l’aide d’une photo du client ou de prompts. Il aide les conseillers clients à présenter une sélection de produits qui prend également en compte l’optimisation des prix et des délais de livraison.
Le stand de LVMH montrait également des expériences clients immersives utilisant la réalité virtuelle (VR Virtual Reality) et la réalité augmentée (AR Augmented Reality). La marque de montres TAG Heuer propose une expérience de golf améliorée sur le casque Vision Pro d’Apple. Cette Immersion est un parcours de golf proposée dans le confort de sa maison grâce au casque Vision Pro d’Apple. L’innovation sert à visualiser à l’avance les tracés des parcours et les obstacles.
La marque de bagages Rimowa invite les visiteurs à découvrir ses produits en réalité virtuelle, également via le casque Vision Pro d’Apple.
Simulateur d’intervention sur la taille des vignes
Hennessy quant à lui présente Ampelos, un simulateur de la taille de la vigne alimenté par la réalité virtuelle. Cela permet de s’entraîner à ce savoir-faire quel que soit le temps.
Guerlain délivre une expérience immersive multi-sensorielle qui mêle audio, vidéo 3D et senteurs. Les visiteurs utilisent un casque de VR équipé d’une diffusion de parfum et sentent les parfums emblématiques de Guerlain tout en regardant des paysages oniriques conçus par l’IA. Le design des paysages s’inspire des notes créatives de la parfumeuse de la Maison, Delphine Jelk, racontées dans la bande originale.
FancyTech utilise l’intelligence artificielle générative pour créer des vidéos immersives de très haute qualité à partir de modèles 3D et de briefs créatifs
Dernier enjeu technologique, on a pu avoir le retour d’expérience de LVMH sur le jeu vidéo. « Nous nous sommes très naturellement liés aux joueurs » déclare Sapna Parikh, Chief Data Officer de Kendo, l’incubateur de marques de beauté de LVMH. Pour elle, le luxe et les jeux vidéo sont deux des secteurs les plus dynamiques et lucratifs de l’industrie des médias, avec un marché combiné valant des centaines de milliards.
La question est comment ces mondes apparemment différents peuvent-ils collaborer et créer de la valeur à la fois pour les consommateurs et les marques ? « Construire une marque consiste à créer des communautés. Et les joueurs ont établi de vastes communautés incroyablement fidèles » constate-t-elle. Sapna Parikh relève que jouer au même jeu vidéo est une expérience collective extrêmement puissante.
Fenty Beauty a engagé avec 2 millions de joueurs
C’est un peu comme être fans de la même équipe sportive. Elle est ravie de voir le niveau d’engagement suscité lorsque la marque Fenty Beauty de LVMH a lancé une expérience virtuelle sur la plateforme de jeu Roblox. « En seulement quatre semaines, Fenty Beauty s’est engagé avec deux millions de joueurs, chacun d’entre eux s’est connecté pendant plus de 43 minutes. Et nous avons vu notre nombre d’abonnés sur YouTube multiplié par six » conclut-elle.