A l’heure où beaucoup de dirigeants d’entreprise parlent d’un pilotage par la donnée et de soigner la relation client, Ian Rogers, Chief Digital Officer de LVMH, trace les lignes directrices de son action chez le leader français du luxe en matière d’usage de la donnée. Il a pris la parole à l’occasion d’un événement organisé par LiveRamp, une plateforme de suivi des internautes, fin septembre.
Concilier personnalisation et vie privée
Luxe et vie privée sont synonymes. Dès lors, LVMH se positionne afin de concilier le respect de la vie privée de ses clients tout en personnalisant le service rendu. Le groupe de luxe soutient d’ailleurs le RGPD et les modifications pour un usage plus limité des cookies. « Cela protège le client et nos marques » déclare Ian Rogers. La Data Science fait l’objet d’un focus particulier à la fois pour la personnalisation qu’elle autorise et pour l’efficacité opérationnelle des maisons du groupe. La Data Science impacte l’ensemble d’une organisation, pointe le Chief Digital Officer.
« Je pense que toutes les entreprises sont des Data Company »
LVMH ne sera à aucune de ces deux extrémités. « Notre job est beaucoup plus compliqué, nous devons choisir où nous aimerions être en les deux » assène le CDO. Ian Rogers vient de chez Apple où il a observé le lancement d’Apple Pay, la solution de paiement d’Apple. « Apple Pay est basé sur la confiance du client. Et la confiance du client cela a plus de valeur que la donnée du client dans de nombreux aspects » retient-il de cette expérience.
Faire des choses qui bénéficient au client
En tant que groupe de luxe qui protège la vie privée de ses clients, LVMH a tendance à être beaucoup plus proche de l’extrémité où on ne fait rien avec leurs données. « Mais nous voulons faire des choses qui bénéficient au client. Le luxe et la vie privée sont synonymes. La personnalisation et le luxe sont aussi synonymes. Les clients apprécient la personnalisation et c’est bien pour les affaires également » justifie-t- il. Connaître son client est primordial pour une entreprise moderne, ajoute-t-il. « Dans les 5 à 10 ans qui viennent, vous allez voir des gens qui connaissent vraiment leurs clients se détacher du groupe de ceux qui ne les connaissent pas » pense-t-il.
« Si vous voulez faire quelque chose dont vous n’oseriez pas parler à votre client, alors ne le faites pas »
La question à se poser c’est « est-ce que cela bénéficie au client ? » « Personne ne veut être spammé, donc si je peux être plus intelligent dans ma manière de vous envoyer des emails, nous gagnons tous les deux » illustre Ian Roger. La connaissance du client s’appuie sur la Data Science. Elle s’impose de manière centrale dans l’organisation. « La Data Science doit plus que n’importe quoi d’autre être intégrée dans l’organisation et ne pas être placée à part. Avec la Data Science, nous sommes presque dans la science expérimentale » présente le responsable. C’est-à-dire que l’on ne connaît pas le résultat à l’avance. A partir d’une masse de données, il s’agit d’y recherchez des modèles, des motifs.
La Data Science va changer la manière de travailler de l’entreprise
« Quant on démarre avec les données, on ne sait pas où on va arriver. Il n’y a pas de plan comme lorsque l’on va construire un logiciel, qui est comme une voiture ou une maison, qui ont beau être compliquées, mais on sait où cela va se terminer » compare-t-il. « En intégrant la Data Science dans votre entreprise, cela va changer la manière dont les équipes de votre chaîne logistique travaillent, la manière dont vos vendeurs en magasin travaillent. Et vous ne pouvez pas mettre la Data Science dans un coin de votre organisation, dans un silo. Cela intervient à un niveau très élevé, c’est très orienté business. Il va y avoir une différence entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas dans les 5 ans exécuté une stratégie de smart data » affirme-t-il.
« L’IA c’est à la fois de la personnalisation pour le bénéfice du client et de l’efficacité opérationnelle pour nous »
« Sauf qu’en réalité, les produits ne reviennent pas en stock car comme je vous le disais nos fabrications sont limitées. Mais il se peut que nous puissions vous proposer un produit dont nous pensons que vous pourrez l’aimer car il est similaire à celui sur lequel vous souhaitez être alerté » illustre-t-il sur les apports de l’IA. Il existe beaucoup d’autres parcours clients qui sont plus spécifiques, ajoute-t-il. Plus globalement, « nous voulons investir dans l’intelligence artificielle et le Machine Learning sur des usages business réels qui s’appuient sur les données que nous possédons déjà » insiste-t-il, en disant que chaque mot compte dans cette phrase.
Etre face au bon client dans le bon contexte média
Dans cette évolution, comment se positionne LVMH vis-à-vis des changements qui touchent la publicité en particulier avec la disparation programmée des cookies de suivi des internautes ? « Je ne m’occupe pas vraiment de la partie média mais nous gardons un oeil dessus en tant qu’équipe digitale. La question est qu’est-ce qui est bien pour le client et bien pour l’image de la marque ? Nous voulons être face au bon client dans le bon contexte média » rappelle-t-il. Il indique que LVMH accueille favorablement les changements comme le RGPD (Règlement général pour la protection des données) ou les changements dans l’architecture des cookies. « Parce que cela empêche de faire des choses que nous n’aurions pas faites de toute façon. Nous voulons vivre dans un monde où le client est protégé et en conséquence nos marques sont protégées » affirme-t-il.
LVMH travaille à la vente distance via l’application vidéo Facetime
Par ailleurs, l’évolution de l’expérience client demeure le défi du luxe dans cette période difficile. « Bernard Arnaud me disait que l’expérience client dans les magasins était supérieure [NDLR : à celle du e-commerce], que les magasins sont les rois, quand nous nous sommes rencontrés. Et il avait raison. Ce que nous voyons maintenant, et 2020 nous a aidé à le voir, c’est que l’on peut combiner l’expérience vidéo via Facetime et Louis Vuitton, et que c’est vraiment merveilleux » déclare-t-il. Pour lui, cette montée en puissance de la vente à distance via Facetime ou en e-commerce, va donner encore plus de valeur à l’expérience en magasin. « Je pense que dans le futur, les expériences incroyables en présentiel nous seront encore plus chères, encore plus premium. Nous désirerons encore plus ce type d’expérience. Quant aux tâches qui peuvent être faites plus rapidement depuis notre canapé, nous n’irons plus en magasin pour les faire. Au final, nous irons dans le monde pour prendre plaisir à y être » conclut-il.
La marque Céline de LVMH harmonise le digital et ses boutiques
Une vente à distance via Facetime ou Zoom
Les cartes se redistribuent entre les canaux de vente digitaux et les magasins dans l’univers du luxe. C’est ce que l’on constate à la vue de la stratégie digitale déployée par Céline, la marque de prêt à porter du groupe LVMH qui s’attache à développer une stratégie omni-canal forte. Les vendeurs de la marque utilisent Facetime, Zoom, etc.