Lucille : « je dois répéter que je suis développeuse back-end pour que l’information passe »

Lucille, développeuse back-end chez Objenious, spécialiste de l'IoT

A 24 ans, Lucille est développeuse informatique back-end chez Objenious, une filiale de Bouygues Telecom qui traite la donnée émise par les objets connectés. Elle aime son travail et – peu à peu – elle a oublié qu’elle est dans un monde d’hommes. Bref, tout ce qu’elle demande est de faire ce qu’elle aime.

Pourtant, ce n’était pas gagné. A l’entrée de l’école d’ingénieurs en informatique Epita où elle a passé 5 ans, les préjugés étaient très présents.  « Tu n’y arriveras pas car tu es une fille. Les filles ne savent pas développer » entendait-elle. Cette discrimination lui a donné envie de s’accrocher et de prouver le contraire.

Les filles privilégiées ou pas


De fait, les filles représentaient à peine 7% des élèves de l’école, de quoi apporter de l’eau au moulin de ses détracteurs. « L’école ne trouve pas de filles » est une autre rengaine qu’elle a subi. Résultat, le bruit courait que c’était plus facile pour une fille de rentrer que pour un garçon car l’école aurait aimé en avoir plus. Ce qui contribuait encore plus à les dévaloriser.

Les filles sont attendues au tournant

« Les garçons pensent que c’est plus facile pour nous » souligne Lucille alors qu’elle a dû se battre au même titre que tout le monde. Le préjugé était bien présent. Pour elle, le système s’entretient de lui-même. «  Il y a autant de filles pas bonnes que de garçons pas bons mais comme il n’y a pas beaucoup de filles, cela se voit plus et les gens ont tendance à faire des généralités. Les filles sont attendues au tournant  » regrette-t-elle.


Au bout du compte, s’il y a peu de filles développeuses, c’est dû au fait qu’il y en a peu, cela fonctionne comme un cercle vicieux, pense Lucille. « Elles se découragent. En voyant qu’il n’y a pas de filles, elles se disent que ce n’est sûrement pas fait pour elles » pointe-t-elle.

Un métier créatif et challengeant

Elle ne voit pas d’autre explication.  « Il n’y a rien qui serait plus pour un homme que pour une femme : c’est un métier créatif et challengeant » tranche-t-elle. Ce qui l’a beaucoup aidé à persévérer est l’exemple d’une étudiante plus âgée qui travaillait comme assistante auprès des plus jeunes dont elle faisait partie. Les assistants sont choisis parmi les 10 meilleurs de leur promotion. « En voyant sa réussite, cela m’a beaucoup aidé à me motiver et à devenir ensuite assistante » se rappelle-t-elle.

L’idée est qu’il n’y a pas de développeuses informatiques

L’idée reçue selon laquelle il n’y aurait pas de développeuses informatiques est tellement forte que même maintenant quand Lucille dit ce qu’elle fait, l’information ne passe pas. « On me répond, Ah, vous êtes ‘développeuse web’ ou ‘chef de projet’ ou encore ‘vous êtes dans le design’, comme si l’information ne pouvait pas être prise en compte du premier coup » illustre-t-elle.

Elle doit insister : « non, je suis développeuse back-end ! ».  De même, récemment, un consultant à qui on présente l’équipe de développeurs d’Objenious, dit bonjour à tout le monde et demande expressément à Lucille ce qu’elle fait dans l’équipe. Elle doit insister : « je suis développeuse ».

Une vocation dès 14 ans

La jeune femme s’est intéressée aux ordinateurs dès 14 ans. Son père est informaticien chez IBM. Comme souvent dans les parcours scientifiques de femmes, on retrouve l’importance d’un parent qui a su accompagner le choix de Lucille, ne pas s’y opposer et l’encourager. C’est à la suite du stage de 3ème réalisé au sein du département informatique de l’enseigne de prêt à porter Etam qu’elle a su définitivement ce qu’elle voulait faire. 

Mais la situation évolue un peu. A l’occasion de cet article, Lucille a contacté quelques unes des filles qui sont actuellement à l’Epita. Elles lui ont indiqué que la rumeur selon laquelle « les filles ne savent pas coder » a totalement disparu. En revanche, la rumeur qui continue de courir est « pour les filles, c’est plus facile » relève-t-elle. Enfin, l’une des étudiantes  pour sa part s’énerve que des personnes aient jugé qu’elle avait eu de bonnes notes à ses TP grâce à son copain, alors qu’elle avait travaillé autant que lui. Sexisme quand tu nous tiens. 

Sandrine Baslé

Sandrine Baslé est spécialiste de la relation client, du marketing et de la vente de services. Ancienne d’Ipsos et de l’Institut CSA, elle a conduit de nombreuses missions de conseil dans le cadre de changement de culture d’entreprises. Elle a été avocate puis correspondante à Londres du journal Service News. Elle est également enseignante en marketing, études de marché et communication à l’IIM (Institut d’Internet et du Multimedia) et à TBS (Toulouse Business School) et directrice associée de Qualiview conseil.

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