L’intelligence artificielle générative va transformer les emplois plutôt que les supprimer

Les femmes seront plus impactées que les hommes


L’intelligence artificielle générative popularisée par ChatGPT d’OpenAI va transformer plus d’emplois qu’elle n’en détruira. Elle va automatiser certaines tâches plutôt que de remplacer entièrement un poste. C’est la conclusion d’une nouvelle étude très détaillée (55 pages), au lourd jargon académique, de l’organisation internationale du travail, une agence de l’ONU située à Genève.

L’étude pointe que la plupart des emplois et des secteurs ne sont que partiellement exposés à l’automatisation de leurs tâches et sont plus susceptibles d’être complétés plutôt que remplacés par l’intelligence artificielle générative, telle que ChatGPT et de manière générale par les GPT (Generative Pre-Trained Transformers).


Attention à l’impact de la recherche de gains à court terme sur la qualité du travail

Toutefois cette automatisation des tâches ne va pas forcément améliorer la qualité des emplois si des précautions ne sont pas prises. « On peut imaginer qu’avec l’automatisation de tâches plus simples, il reste principalement les tâches les plus complexes, ce qui peut augmenter la pression sur le travailleur » alerte Pawel Gmyrek, un des co-auteurs de l’étude.

Les entreprises peuvent être tentées par une réorganisation mettant les salariés sous pression. « Il pourrait y avoir une tendance à rechercher des gains à court terme et à remplacer les emplois à temps plein actuels dans certaines professions avec des emplois à temps partiel ou à court terme, ce qui signifie que l’un des impacts négatifs pourrait être l’érosion des emplois de qualité existants » souligne-t-il.

Les GPT sont des modèles de langage bâtis à partir d’un grand ensemble de données textuelles

Ces GPT (« Transformeurs Génératifs Pré-Entraînés ») sont des modèles de langage bâtis à partir d’un grand ensemble de données textuelles pour générer un texte de type humain. GPT a la capacité d’effectuer des tâches cognitives, telles que l’analyse de texte, la rédaction de documents et de messages, ou la recherche d’informations dans des référentiels privés et sur le Web.

L’étude indique que le plus grand impact de l’intelligence artificielle générative ne serait probablement pas la destruction d’emplois mais plutôt des changements potentiels dans la qualité des emplois, notamment l’intensité du travail, l’autonomie et l’agrément.

Automatiser les tâches les plus routinières

Cette technologie pourrait ainsi être utilisée pour automatiser les tâches les plus routinières, laissant ainsi du temps pour des activités plus gratifiantes. « La plupart des emplois et des industries ne sont que partiellement exposés à l’automatisation et sont donc plus susceptibles d’être complétés plutôt que remplacés par l’intelligence artificielle » insiste l’étude.

Le travail de bureau est la catégorie la plus exposée à l’intelligence artificielle générative

Le travail de bureau est la catégorie la plus exposée à l’intelligence artificielle générative selon l’étude. Toutefois dans ce cas, seulement un quart (24%) des tâches à effectuer dans ce type de travail sont considérées comme hautement exposées à ChatGPT et une forte moitié (58%) additionnelle des tâches ont une exposition moyenne à l’automatisation. 


Pour d’autres groupes professionnels, tels que les cadres, les techniciens ou les commerciaux, la part des tâches très exposées à l’intelligence artificielle générative est très faible, et oscille entre 1% et 4 %, et les tâches moyennement exposées ne dépassent pas 25 %.

Amélioration de la productivité

En conséquence, l’impact le plus important de la technologie sera probablement d’améliorer la productivité en nécessitant toujours l’intervention humaine, élément déterminant pour la performance globale du travail – avec l’automatisation de certaines tâches au sein d’une profession tout en laissant du temps pour d’autres tâches – par opposition à une automatisation complète des professions.

L’emploi dans les pays à revenu élevé est plus exposé à l’automatisation par ChatGPT

L’étude, qui a une portée mondiale, documente des différences notables selon les niveaux de développement des pays, selon les structures économiques et les écarts technologiques existants. Selon cette étude, 5,5 % de l’emploi total dans les pays à revenu élevé serait exposé aux effets d’automatisation par ChatGPT, alors que dans les pays à faible revenu, l’automatisation ne concerne que 0,4 % de l’emploi. 

Les femmes devraient être plus impactées que les hommes par l’intelligence artificielle générative. Plus du double de la part de l’emploi féminin est potentiellement affecté par l’automatisation. Cela est dû à la surreprésentation des femmes dans le travail de bureau, en particulier dans les pays à revenu élevé et intermédiaire. Dans ces conditions, certains emplois de bureau pourraient d’ailleurs ne jamais émerger dans les pays à faible revenu.

Vers une « augmentation » des emplois


L’impact le plus important vient de ce que l’étude appelle « l’augmentation » des emplois, c’est-à-dire leur recomposition autour de l’automatisation de certaines tâches et au bout du compte cela va accroître le travail à réaliser. Cela pourrait toucher 10,4 % de l’emploi (26 millions d’emplois touchés) dans les pays à faible revenu et 13,4 % de l’emploi (79 millions d’emplois concernés) dans les pays à revenu élevé. En ce qui concerne l’automatisation du poste, ce sont 1 million d’emplois qui sont concernés dans les pays à faible niveau de vie (0,4% des emplois), et 30 millions dans les pays à haut niveau de vie (5,1 % des emplois).

Il faut des services télécoms performants et de l’électricité fiable, le tout à un tarif attractif

Ces effets ne tiennent pas compte des contraintes infrastructurelles, qui entravent la possibilité d’utilisation dans les pays à faible revenu et augmenteront probablement l’écart de productivité. Pour utiliser de l’intelligence artificielle générative, il faut des télécoms performants et de l’électricité fiable, le tout à un tarif attractif.

D’autre part, l’impact sur l’emploi dépendra largement de la manière dont la diffusion de l’intelligence artificielle générative sera gérée. L’Organisation internationale du travail plaide en faveur de politiques qui soutiennent une transition ordonnée, équitable et consultative. 

Un processus qui doit être guidé par l’humain

La voix des employés, la formation professionnelle et une protection sociale adéquate seront essentielles à la gestion de la transition. Dans le cas contraire, le risque existe que seuls quelques pays et acteurs du marché bien préparés bénéficient de la nouvelle technologie. « Les résultats de la transition technologique ne sont pas prédéterminés » prévient l’agence de l’ONU.

La technologie peut limiter la liberté d’action des travailleurs ou accélérer l’intensité du travail

« Ce sont les humains qui sont à l’origine de la décision d’incorporer de telles technologies et ce sont les humains qui doivent guider le processus de transition » préconise l’étude. Si la technologie peut automatiser les tâches les plus routinières, laissant potentiellement du temps pour un travail plus engageant, elle peut également être mise en œuvre de manière à limiter la liberté d’action des travailleurs ou accélérer l’intensité du travail.

La gestion algorithmique est une préoccupation, essentiellement des environnements de travail dans lesquels « les tâches humaines sont attribuées, optimisées et évaluées au moyen d’algorithmes et de données suivies ». Dans les entrepôts, un système automatisé de « préparation vocale » demande au personnel de l’entrepôt de prélever certains produits dans l’entrepôt, tout en utilisant la collecte de données pour surveiller les travailleurs et définir le rythme de travail.

Attention à ne pas transformer l’humain en robot

Outre le manque d’autonomie pour organiser leur travail ou fixer son rythme, les travailleurs ont également peu de capacité à fournir des commentaires ou à discuter avec la direction de l’organisation du travail. L’intégration de l’IA générative dans d’autres domaines tels que la banque, l’assurance, les services sociaux et plus généralement le service client pourrait avoir un effet similaire.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *