Ikea est adepte des évolutions technologiques. « Ce sont des virages qu’il ne faut pas hésiter à prendre assez rapidement » confirme Emma Recco, DG d’Ikea pour la France, en charge de la stratégie, du développement, de l’expansion, de la transformation et de la RSE. La dirigeante est un pur produit Ikea car cela fait 29 ans qu’elle travaille pour cette entreprise avec plusieurs vies professionnelles différentes dans un parcours à la fois opérationnel et stratégique.
Usage des technologies et évolution du modèle de vente
La DG pilote la filiale française d’Ikea face aux multiples enjeux qu’affronte l’enseigne et n’hésite pas à s’appuyer sur les technologies. Qu’il s’agisse de l’IA, du mobile ou des solutions immersives, Ikea s’en empare tout en faisant évoluer son modèle de vente. L’intelligence artificielle ouvre la porte à de nouvelles expériences d’achat.
L’IA permet des applications telles que l’analyse des avis des clients ou l’agencement des magasins
En ce qui concerne l’IA, Ikea est convaincu de son importance. « On a rapidement vu que le l’IA était un game-changer, que c’était un outil extrêmement puissant » réagit la DG. L’enseigne procède cependant avec prudence. « Il faut se poser les bonnes questions. Donc on a démarré avec des choses assez basiques. Les recommandations clients, des choses qui peuvent se développer assez simplement » explique la DG. L’heure est au tri parmi les projets. « Aujourd’hui, on est dans cette phase où on voit les cas d’usage se multiplier. On ne peut pas aller partout. Donc il faut effectivement prioriser » pose-t-elle.
En IA, la puissance absolue c’est le RAG associé aux LLM
C’est le mariage des plateformes LLM (grands modèles de langages) et des données d’Ikea qui est l’objectif de l’enseigne avec le RAG (Retrieval-Augmented Generation ou Génération augmentée par la récupération). « Je ne suis pas une experte, mais j’entends parler de cela. C’est-à-dire comment on peut doter les LLM, les plateformes qui sont très puissantes, des données essentielles pour être très pertinentes, c’est-à-dire des données d’Ikea en fait, pour lancer un RAG associé au LLM pour aller vraiment sur une puissance absolue » explique la dirigeante.
« Le premier cas d’usage est comment l’IA peut augmenter l’expérience client »
L’IA sert déjà pour de la réalité virtuelle et s’immerger dans un nouvel environnement meublé en Ikea. « On utilise déjà l’IA sur un outil de projection de son intérieur avec des meubles Ikea. C’est un outil qui s’appelle Kreativ. C’est déjà en place. Le client peut photographier ou filmer sa pièce chez lui. Et l’IA va être capable d’identifier les meubles versus les fenêtres, les radiateurs ou ce qui doit rester et ce qui doit être effacé » décrit-elle. L’IA arrive à gommer la pièce. « La prouesse technologique derrière, c’est de vider la pièce et ensuite de pouvoir injecter les produits du catalogue Ikea dans la pièce, à la bonne échelle, etc. Voilà, c’est un exemple parmi d’autres » ajoute-t-elle.

Un assistant extrêmement puissant pour les collaborateurs
Pour le client, l’IA est donc une expérience augmentée. « Et pour les collaborateurs, c’est un assistant extrêmement puissant. Donc l’idée est de pouvoir déléguer des tâches à la machine, c’est de gagner du temps, mais c’est aussi de pouvoir l’aider à prendre des décisions » introduit-elle. Par exemple, cela permet d’améliorer l’agencement des magasins. « A partir du moment où on a les bonnes infos, et que l’on éduque l’outil, on peut très facilement, avec l’analyse de toutes les données de vente des différents produits, avoir des recommandations de tel produit à mettre à côté de tel autre produit » décrit la responsable.
L’IA aide à savoir quels sont les produits que l’on doit mettre à côté pour multiplier les ventes. C’est une façon de gagner en expertise
Donc Ikea essaye d’intégrer dans ses process dès le début le plan de changement, le change management et de s’assurer que les différentes catégories de collaborateurs vont embrasser l’outil. « Et pour l’IA spécifiquement, on rajoute une difficulté, c’est qu’il y a une grande crainte d’être remplacé par la machine. L’IA va transformer les métiers, les tâches, les compétences, c’est certain, mais on sait que s’il y a une crainte, il n’y aura pas d’adoption. C’est quelque chose qu’il faut prendre en compte dès le début » alerte-t-elle.

Information des collaborateurs sur l’impact de l’IA sur leur métier
Ikea France a lancé des webinars, en interne, ouverts à tous les collaborateurs. « Il y a eu beaucoup de succès et on a vu que 70 % des personnes qui se connectaient étaient des personnes en magasin. L’idée, c’est d’expliquer, de démystifier, de rassurer aussi et puis d’éduquer. C’est comment est-ce que le collaborateur peut se rendre compte que cet outil peut l’aider, l’assister, en fait, c’est le vendeur augmenté » défend la DG.
Elle promeut la transparence. « Le métier d’aujourd’hui va évoluer, est en train d’évoluer et a déjà évolué d’ailleurs » avec un vendeur qui sera aidé pour mieux répondre et de manière plus pertinente aux clients. « Quand je parlais d’assistance, c’est vraiment cela » insiste-t-elle.
« En piochant dans cette bibliothèque de prompts [il s’agit] d’obtenir plus d’efficacité. L’IA est un allié plutôt qu’un ennemi »
D’autre part, Ikea a tendance à développer ses innovations en interne et l’entreprise n’apprécie pas vraiment d’ouvrir ses systèmes à des solutions externes. Pour autant, Ikea France a fait appel à une entreprise française, Ugla, afin de développer une solution immersive en magasin. « Nous avons été les premiers. C’est comment est ce qu’on peut reproduire l’inspiration de 5000 mètres carrés d’un magasin dans neuf mètres carrés avec des projections d’images » précise-t-elle.

Evolution du modèle de vente d’Ikea
Ikea a débuté par de très grands entrepôts où les clients viennent et peuvent passer la journée. « Petit à petit, on s’aperçoit que la valeur du temps est différente aujourd’hui. Donc c’est intégrer un format urbain » explique la dirigeante. Urbain signifie que les magasins sont plus petits. « On ne peut pas tout montrer. Donc c’est de là où est venue l’idée de remplacer en fait les mètres carrés par une solution immersive ». Donc pour l’instant, Ikea propose un report du catalogue complet dans cette pièce avec tous les détails. C’est aussi toutes les pièces de la maison reconstituées.
« L’idée est d’aller dans cette pièce de neuf mètres carrés pour projeter sur les trois parois la cuisine et de pouvoir changer les façades »
La France pèse un poids significatif chez Ikea car c’est son 3ème marché dans le monde. La filiale française est d’ailleurs assez moteur sur les innovations et les tests pilotes. Elle s’appuie sur sa propre équipe digitale à l’écoute du marché. L’enseigne est présente via une quarantaine de points de vente dans l’hexagone, ce sont de grands magasins pour la plupart, et cinq plateformes logistiques. En 2024, le chiffre d’affaires en France atteint 3,7 milliards d’euros avec 12 000 employés.
Le e-commerce pèse près de 30% du chiffre d’affaires
Le e-commerce est passé de 5% à 28% du chiffre d’affaires sur ces cinq dernières années, soit à peu près de 1 milliard d’euros avec une accélération liée aux périodes de confinement. Le e-commerce s’effectue pour 22 % en Click and Collect. Les deux tiers des ventes en ligne sont réalisées dans la zone de chalandise des magasins physiques. Les ventes en ligne ne sont donc pas forcément liées à des zones reculées par rapport aux magasins.
Emma Recco a pris la parole à l’occasion de l’événement de La Retail Tech du 6 mars. La Retail Tech est le rendez-vous régulier qui décrypte la transformation du retail créé et animé par Mike Hadjadj et Barbara Sarre-Deroubaix.