Le 10 février prochain, le G9+, groupement des anciens grandes écoles organise une conférence sur les compétences numériques nécessaires pour 2020. En avant première, Serge Soudoplatoff, expert de l’Internet, entrepreneur, enseignant à l’Hetic, décrit le portrait du futur acteur du numérique.
Question : quelles évolutions voyez-vous dans les métiers et dans les compétences numériques à moyen et long terme ? Quels types de profils vont apparaître ?
Serge Soudoplatoff : la question est duale. Il faut distinguer d’un côté les métiers qui construisent les outils numériques et de l’autre, les métiers traditionnels qui doivent évoluer dans un univers numérique. Les premiers s’intéresseront davantage à l’évolution des technologies. Par exemple, ils vont s’intéresser à comment faire une vidéo dans un esprit crowdfunding, comment programmer en 3D, comment concevoir de la réalité augmentée, développer des objets intelligents, … Les seconds vont s’intéresser à la culture et à l’usage numérique, avec par exemple l’évolution du directeur marketing vers le community manager.
Question : comment peut-on préparer des professionnels à des métiers du numérique que l’on ne connaît pas ou que l’on ne maîtrise pas encore ?
Serge Soudoplatoff : le numérique est un nouvel alphabet. Les leviers sont essentiellement culturels.
Ces nouveaux principes reposent sur une approche systémique en opposition à une projection linéaire du passé sur le futur. Il faut donc « apprendre à apprendre » afin de développer des capacités d’agilité dans un environnement trop complexe pour le maîtriser de bout en bout. Il s’agit d’une révolution culturelle.
Question : comment prépare-t-on les leaders du numérique de demain ?
Serge Soudoplatoff : le leader de demain doit penser « Systémique ». [NDLR : le systémique s’oppose au cartésianisme. Dans le cartésianisme, on découpe un gros problème en petits problèmes indépendants. Le systémique considère que « tout a un impact a sur tout » sinon on risque de rater la cohérence]. C’est à l’encontre de la façon de penser des dirigeants politiques et d’entreprises actuels. Les élites sont formées sur la base d’un comportement individualiste alors qu’il faudrait les préparer à travailler dans un cadre collectif.
La somme de ces élites intelligentes individuellement, ne forme pas un système collectif intelligent. Il faudrait arriver à supprimer des symboles discriminants comme les notions de cadre et non cadre, Maîtrise d’ouvrage et Maîtrise d’œuvre, reconsidérer les codes hiérarchiques et les contrats de travail, faisant passer ces derniers de contrats de subordination à des contrats de coopération.
Question : comment la France et l’Europe doivent-elles se positionner afin de réussir face l’hégémonie américaine ou chinoise ?
Serge Soudoplatoff : en France, nous formons de très bons ingénieurs mais les entrepreneurs sont dévalorisés. Il faut décomplexifier tout ce qui entoure les lourdeurs administratives et légales autour de la création d’entreprises (lois sociales, ISF…). Il faut contextualiser les lois, ne pas faire la même loi pour tout le monde. L’introduction d’une vraie compétition entre syndicats apporterait une oxygénation sociale. A l’instar du modèle US, les administrations devraient être soumises à un « small business act » visant à avoir recours aux PME pour un pourcentage de leur budget en R&D.
Les PME progresseront davantage à avoir des clients exigeants que de bénéficier d’aides. La lutte contre une hégémonie US ou chinoise passe par une uniformisation des lois fiscales à l’échelon continental résolument tournée vers une Europe fédéraliste.
Inscrivez-vous à la conférence du G9+ du 10 février sur les compétences numériques pour 2020.
Photo, Serge Soudoplatoff.