Les employés du Techno centre de Renault pointent les inconvénients du télétravail


Durant le confinement, les équipes du Techno centre de Renault, situées à Guyancourt, ont expérimenté le télétravail à haute dose. Résultat, elles en retiennent d’abord les points positifs mais de multiples contraintes sont apparues au fil des jours. C’est ce que montre plus particulièrement un sondage mené auprès des employés du Techno centre par le syndicat CFDT.

Un télétravail bien vécu pour 90% des employés interrogés

L’étude de la CFDT révèle que le télétravail est plutôt bien vécu pour 90% des salariés interrogés. A peine 10% déclarent l’avoir vécu plutôt mal. Le syndicat livre énormément de verbatim des employés qui expriment avec précision leur ressenti vis-à-vis du télétravail.  

Le télétravail massif 5 jours sur 5 c’est trop

Les inconvénients clés sont le manque de lien social avec ses collègues, le manque d’échanges informels, la déshumanisation avec le sentiment que le télétravail massif 5 jours sur 5 c’est trop. Circonstance aggravante, le confinement avec le reste de sa famille a été un gros problème. « La garde des enfants et le télétravail ne sont pas compatibles » prévient la CFDT.

Le syndicat pointe notamment les problèmes dus aux logements non adaptés, par exemple avec 2 personnes en télétravail dans un studio. L’idéal est de disposer d’un bureau isolé du reste de l’appartement. Autre risque, certains employés ont du mal à se déconnecter et ne font plus de pause. La frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle devient dès lors de plus en plus fragile. Malgré tout, le télétravail a permis de garder le lien social pour Renault durant cette crise du Coronavirus. Le fait que tout le monde soit sur un même pied d’égalité contribue également favorablement au vécu. « C’est une très bonne formule, même si un peu de présence en entreprise permettrait de re-développer l’esprit d’équipe » propose un employé.

Le gain principal concerne les trajets

Le gain principal concerne la suppression des trajets pour se rendre au Techno centre. « Pas de trajet aller et retour, cela permet un gain en sommeil et en proximité de mes proches » se réjouit un sondé. L’état de fatigue et de stress lié au transport est réduit. On parle de 1 à 2 heures de disponibilité supplémentaire dans la journée. Certains annoncent de ce fait prolonger les journées de travail sans problèmes de fatigue ou de concentration. Ce qui multiplie leur efficacité. « L’ambiance calme m’a permis de faire du bien meilleur travail que si j’avais été au Techno centre » affirme un employé.

« L’informatique a bien suivi, il n’y a eu que de très rares problèmes, bravo à eux »

Côté outils informatiques, les équipes de Renault ont délivré le service ad hoc même s’il y a eu des soucis. « Avec un PC portable, une clé token et un casque, les outils informatiques nous permettent beaucoup de choses, le chat, l’audioconférence, l’accès à toutes les bases de données. L’informatique a bien suivi, il n’y a eu que de très rares problèmes, bravo à eux. Mais cela a été compliqué certaines semaines. En cause, la lenteur du réseau via VPN. Il faut prendre son mal en patience et alerter sur le taux effectif de productivité » décrit un salarié.

L’absence de travail en présentiel est cependant préoccupant en ce qui concerne l’engagement des équipes et l’enrichissement des projets grâce aux échanges informels. « Les contacts interpersonnels font gravement défaut. Il y a une perte progressive de transversalité entre les équipes, une perte de tous les échanges » déplore un employé. « J’ai eu trois points de 10 à 15 minutes avec mon manager en 8 semaines. C’est zéro info, 100% boulot » critique un autre. « Il manque le contact humain. La communication non verbale est nécessaire dans les relations pour mieux se comprendre » avertit un sondé. Les interactions et la communication informelle sont même citées comme composant 80% de la communication efficace, le face à face permettant de voir les réactions de son interlocuteur.

L’absence de relations sociales détruit la motivation

La déshumanisation de l’homme est crainte. « L’absence de relations sociales est pesante, déprimante et pas motivante. On a un sentiment de solitude et de perdre sa part d’humanité avec l’impression de devenir une machine » s’inquiète un employé. L’humain ce sont des affects qui poussent à se dépasser et à s’engager, souligne un autre. Avec 100% du temps en télétravail et 100% des personnes en télétravail, « cela donne 100% d’isolement » résume un sondé. Dès lors, « il y a un manque criant d’informations qui fait quoi, quand, comment avec quelles directives ? »

« Trop d’écran, trop de position assise »

Par ailleurs, le télétravail devient synonyme de position assise devant un écran. On retient les déclarations mentionnant « trop d’écran, trop de position assise », « trop de réunions et pas de temps pour le vrai travail », « trop de sollicitations. Les collègues pensent que nous sommes systématiquement disponibles. Je me suis senti obligé de rester derrière le PC ». On craint en même temps la solitude et de ne pas répondre présent si un appel arrive. « Il est compliqué de rester constamment en télétravail, sans voir ses collègues, de rester assis toute la journée. On est en permanence dérangé par Teams ou Skype. Il n’y a pas de possibilité de se concentrer sur un sujet, la solitude est pesante » décrit un salarié.


La difficulté devient de respecter l’équilibre entre la vie privée et professionnelle. « Il faudrait une interdiction de connexion au delà de 19 heures et le week-end » suggère un sondé. Afin de maintenir la cohésion des équipes, la proposition est de préserver au moins 2 ou 3 journées en présentiel, et que toute une équipe soit en télétravail le même jour. Il y a également le sentiment qu’il faut accompagner la démarche vers le télétravail en poursuivant l’amélioration des outils et en ancrant la pratique dans la culture des managers de Renault, en facilitant par exemple la participation à des réunions à la fois en physique et à distance sans défavoriser les collaborateurs intervenant à distance.

Une partie des employés est passée à mi-temps durant le confinement

Une difficulté supplémentaire a été que des employés de Renault sont passés à 50% d’activité depuis chez eux, travaillant uniquement à mi-temps. Dans ce cadre, les réunions ont été réorganisées pour avoir lieu le matin. Certains ont le sentiment d’avoir du faire la même quantité de travail qu’avant le confinement avec moitié moins de temps. « On n’a rien changé à nos missions. On n’a absolument pas divisé par 2 le nombre de réunions. Résultat, il reste vraiment très peu de temps pour travailler entre les réunions » s’insurge un salarié. « Le temps de télétravail est quasiment occupé à 100% par des réunions. Il y a trop de réunions, pas de temps de travail » ajoute un autre.

« Trop de réunions téléphoniques. Je passe mon temps en réunion »

Résultat, en passant de 100% à 50% d’activité, il faut travailler plus longtemps le matin et plus vite. « Les conditions ne sont pas nécessairement agréables avec trop de réunions téléphoniques. Je passe mon temps en réunion. Le rythme sur les projets non prioritaires n’a pas été modifié, il n’y a pas de décalage de planning » relève un employé.



Les critiques sont multiples. « Il y a trop de réunions pour ne rien dire, ne rien décider au final, parce qu’on n’a plus le temps », « la réunion d’équipe est réduite à 1 heure au lieu de 1 heure 30, mais les réunions projets sont toujours aussi longues et bavardes », « on passe son temps en réunion. Il n’y a pas de créneau pour le travail. Toutes les réunions de la journée sont concentrées le matin sans suppression. Le démarrage est obligatoire à 7 heures ou 7 heures 30 », « des réunions d’équipe projet tous les matins, c’est trop ».

Les réunions sont raccourcies

A l’inverse, d’autres salariés se montrent satisfaits, à croire qu’ils ne travaillent pas dans la même entreprise. « Les réunions débouchent enfin sur des décisions. Il y a plusieurs réunions d’équipes chaque jour pour 15 à 30 minutes pour faire du lien pour les remontées et redescentes d’information au quotidien » se félicite l’un d’eux. « J’apprécie beaucoup les réunions de 30 minutes qui sont devenues la norme et qui sont tout aussi efficaces. A généraliser dans la vie d’après » déclare un autre.

« Le point positif est l’efficacité des réunions, la contrainte de temps oblige à être efficace »

Comme explication de ces divergences de ressenti, la CFDT cite une déclaration selon laquelle  la durée de 80% des réunions ont été adaptées au taux d’activité des salariés concernés. Il serait donc resté 20% de réunions menées sans prendre en compte la nouvelle donne. « Globalement, les réunions sont adaptées au taux d’activité mais c’est difficile. Le point positif est l’efficacité des réunions, la contrainte de temps oblige à être efficace. Le management a su s’adapter à ces conditions hors normes. Le point difficile est la succession des réunions téléphoniques, c’est difficile à vivre et très fatiguant » décrit un sondé.

Au bout du compte, les bénéfices du télétravail sont mis en valeur et les employés interrogés taclent au passage leur hiérarchie qui en freine l’usage car elle ne leur fait pas confiance. « Etre au Techno centre n’apportera rien de plus dans mon efficacité. Cela apportera juste le fait de satisfaire des hiérarchiques intermédiaires qui ne nous font pas confiance en télétravail et qui veulent leurs gars autour d’eux » tranche un employé. « Malgré ce que le top management peut penser, on peut faire beaucoup de choses en télétravail » affirme un autre.

Des Open Space bruyants

L’enquête cite que le télétravail a de réels avantages. Il permet la concentration, un travail plus rapide et efficace. Il évite la fatigue liée aux Open Space qui sont bruyants et où les sollicitations et les interruptions sont permanentes. De plus, le gain de temps est net. « Quand je suis en télétravail je me connecte plus tôt et me déconnecte plus tard car je n’ai pas de temps de transport, il n’y a pas de perte de temps lors des pauses café, et mon repas est plus rapide » énumère un salarié.


La plutôt bonne acceptation du télétravail est également mise en avant par un autre sondage réalisé par le syndicat CFE CGC. Plus de 90% des personnes sondées indiquent avoir un bureau ou un espace suffisant pour du télétravail de longue durée. Ce sont environ 30% des répondants qui se sont sentis isolés de leurs collègues de travail mais ils sont plus de 90% à avoir réussi à trouver des moyens de rester en lien avec leurs collègues. Seulement 10% ont eu des difficultés techniques de l’ordre l’accès internet, l’accès VPN, leur PC ou leur casque audio.

Le président du Medef veut que l’on retourne dans les entreprises

Le télétravail doit-il se développer ou les Français doivent-ils maintenant retourner physiquement dans leurs entreprises ? Pour Geoffroy Roux de Bézieux, patron du Medef, l’organisation patronale, interrogé sur Europe1, le 4 juin, il est temps que les salariés retournent en entreprise. Il y met une nuance toutefois, pour la région parisienne et « le problème des transports en commun qui sont limités dans leur capacité. »
Le responsable considère que le télétravail « est une solution » mais que ce n’est pas « l’alpha et l’omega ». Bref, ce n’est pas une solution universelle qui doit tout remplacer. Les salariés doivent être dans les murs de l’entreprise. « Le télétravail a pu amener beaucoup de satisfaction pour certains salariés, mais parfois des ‘burn-out’, des problèmes de management à l’intérieur des entreprises » critique-t-il.  
Il veut revoir les Français dans les entreprises. « Je crois que l’on a besoin de retourner au travail. On a besoin d’abord de se voir, de se parler et puis on a besoin de recréer de la richesse tous ensemble. Recréer de la richesse c’est aussi d’être présents dans les entreprises » termine-t-il.

Une réaction sur “Les employés du Techno centre de Renault pointent les inconvénients du télétravail” :

  1. Maxime Gouvin

    Tres bon article et retour d’expérience.
    Petite info pour de Bézieux, on travaille aussi dans les autres régions de France, et on a aussi des problèmes liés aux embouteillages. Qu’il consulte les études sur les villes Françaises les plus embouteillées. Marseille, Lyon, Montpellier, bordeaux, etc.
    Donc je ne vois pas pq on fera une « exception » parisienne. Il y a plus de monde, mais il y aussi plus d’infrastructures, plus de routes, plus de transport en commun.

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