Les budgets marketing chutent à 6,4% du chiffre d’affaires de l’entreprise en 2021, selon le cabinet Gartner. C’est le plus bas de leur histoire récente. Les budgets marketing étaient à 11% du chiffre d’affaires en 2020. Ces chiffres sont issus de l’enquête menée par Gartner auprès de 400 responsables marketing en Amérique du Nord, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne de mars 2021 à mai 2021.
Pas de rebond des dépenses en marketing
« Malgré les coupes budgétaires en 2020 en raison de la pandémie de la Covid-19, la plupart des directeurs marketing s’attendaient à ce que les budgets rebondissent en 2021 » réagit Gartner. « Cet optimisme budgétaire était mal placé, car les budgets marketing sont tombés à leur plus bas niveau » constate le cabinet d’analystes.
Ces réductions ont été progressives durant 2020, où de nombreux budgets marketing n’ont pas récupéré ce qu’ils avaient perdu à l’origine. L’enquête annuelle de Gartner montre que personne, quelle que soit la taille de l’entreprise ou le secteur d’activité, n’a échappé à des coupes sombres dans les budgets marketing. En fait, aucun secteur n’a atteint un budget marketing à 2 chiffres en 2021 en pourcentage du chiffre d’affaires.
Les secteurs du voyage et de l’hôtellerie mis au régime sec
Les entreprises les plus touchées en 2021 sont celles des secteurs des voyages et de l’hôtellerie, de l’industrie manufacturière et des produits technologiques. A l’inverse, les entreprises de produits de grande consommation (CPG Consumer Packaged Goods) ont déclaré les budgets marketing les plus élevés en 2021, avec 8,3% des revenus de l’entreprise.
Côté taille d’entreprises, les grandes entreprises ont le plus réduit leurs budgets marketing, c’est à dire celles avec un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards de dollars. Elles ont déclaré un budget marketing moyen le plus bas, de 5,7%. En revanche, les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 millions de dollars ont déclaré la plus forte allocation au marketing avec un budget moyen de 8,6 % du chiffre d’affaires.
Dès lors, les directeurs marketing changent leurs priorités sur fond de profondes coupes budgétaires. Le digital prend la tête par rapport aux autres canaux de communication. Les dépenses en « owned », « paid » et earned » média comptent pour 72,2% des dépenses du budget marketing total.
La baisse des budgets attribués aux agences se poursuit
Dans le même temps, la part des budgets attribuée aux agences continue de se réduire. « Bien qu’il ne s’agisse que d’une légère baisse, car la part des agences passe de 23,7 % en 2020 à 23 % en 2021, cette évolution qui se poursuit indique qu’une part du travail importante est réalisée en interne dans les entreprises, car les directeurs marketing sont en train d’imaginer les tâches qui peuvent être prises en charge par leurs équipes internes » constate Gartner.
Les directeurs marketing interrogés déclarent que 29 % des tâches précédemment effectuées par les agences ont été récupérées en interne au cours des 12 derniers mois seulement. L’objectif de cette internalisation évolue également. Les 3 tâches que les directeurs marketing internalisent en priorité sont la stratégie de marque, l’innovation et la technologie, et le développement de la stratégie marketing. A souligner que l’investissement dans la technologie marketing (« martech ») continue de dominer, occupant 26,6 % du budget total.
Le e-commerce consomme 12,3% du budget marketing
En 2020 et 2021, les parcours d’achat des clients ont changé, que ce soit dans la vente aux particuliers en « B to C » ou entre entreprises en « B to B ». Conséquence, les directeurs marketing indiquent que le e-commerce représente 12,3 % de leur budget total quand on examine l’allocation budgétaire par programmes et domaines opérationnels. De même, les opérations marketing et la stratégie de marque représentent 11,9% et 11,3% du budget total.
Quant au budget affecté aux analyses de données, il représente toujours 11% du budget marketing total. Mais sa priorité ne cessa de baisser. Il arrive désormais en 4ème position en 2021. « Les directeurs marketing continuent d’investir dans les données et l’analyse marketing, mais pour beaucoup, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes » alerte Gartner. « Compte tenu des réglementations récentes et à venir et des changements dans la collecte de données [NDLR : RGPD, disparition des cookies tiers, stratégie d’Apple; etc.] nous prévoyons que ce domaine d’investissement continuera d’être stratégiquement important, mais qu’il continuera également à fluctuer jusqu’à ce que les incertitudes disparaissent » conclut Gartner.
L’étude de Gartner, et notamment la comparaison avec les données de l’année précédente, offre un état des lieux précieux et intéressant. Pour autant, il manque une analyse des impacts probables de ces coupes budgétaires considérables, car ils sont patents.
Lors de conjonctures économiques difficiles, tailler à la serpe dans les budgets marketing-communication est un réflexe facile, ancré dans la peur et une vision à court terme. Ces budgets deviennent la variable d’ajustement car, à contrario de la plupart des autres postes, ils n’ont rien de juridiquement ou de fiscalement obligatoire. Le « hic » est que c’est justement lorsque l’activité et les revenus baissent qu’il faut renforcer les budgets et les actions marketing afin d’être en amont de la vague de la reprise. « Attendre », c’est rater le coche, pérenniser une situation fragile, risquer d’avoir à réduire la masse salariale et ainsi de suite. Un cercle vicieux.
Ces réductions budgétaires quasi-inédites ont également des répercussions directes sur des milliers de TPE et indépendants qui fournissent l’essentiel des prestations externalisées, que ce soit par les entreprises (clientes finales) ou les agences (intermédiaires), qui ont déjà pris la crise de la Covid de plein fouet et qui ne ressentent pas (encore ?) les affirmations du gouvernement que « la reprise est là ». Ces talentueuses petites structures seront-elles toujours en activité lorsqu’il faudra mettre les bouchées doubles pour rattraper le retard pris suite aux coupes dans les budgets marketing de 2021 ? Ne faudrait-il pas, qu’ensemble, entreprises et TPE explorent comment adapter besoins et offres, notamment si « 29 % des tâches précédemment effectuées par les agences ont été récupérées en interne au cours des 12 derniers mois seulement. » J’imagine qu’avec un bond de près de 30 % de charge de travail, certaines activités passent à la trappe ou ne sont pas réalisées dans les règles de l’art. Avec quelles conséquences, là aussi ? Des solutions existent, si tant est que ces parties prenantes puissent travailler ensemble en bonne intelligence.
Patricia Lane
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