5ème commandement: l’échelle, le monopole des puissants
Le modèle d’affaire numérique ne laisse plus de place aux petits faiseurs. La période pionnière est désormais révolue: place au monopole numérique constitué par les agrégatifs du commerce électronique. «Au lieu de redonner le pouvoir aux petites entreprises… Internet accroît la puissance d’autorités centrales que sont les indexeurs, les agrégateurs et les monnaies au travers desquelles les transactions doivent être effectuées … Le royaume numérique renforce le contrôle central à un niveau entièrement nouveau».
Ainsi, ceux qui pensaient allier information numérique (les blogs) et business en sont pour leurs frais: cela ne suffit plus dès lors qu’ils auront abandonné le commerce « carrelage » pour le commerce « toile ». «Dans un monde numérique, la survie, en particulier pour une entreprise, nécessite d’être capable de se mettre à l’échelle, et la réussite suppose que l’on puisse atteindre un niveau d’abstraction supérieur aux autres.»
Le commerçant doit se mettre à l’échelle
Or, dès qu’un commerçant traditionnel délaisse son dernier avantage concurrentiel – les relations humaines – au profit du numérique, il se condamne. Le commerçant n’a d’autres choix que de se mettre à l’échelle à partir de deux modèles possibles: le vertical et l’horizontal. Le vertical : c’est le tout sous un même toit. L’horizontal : c’est cultiver le service pour une catégorie de produit. «Dans les deux cas, se mettre à l’échelle signifie trancher dans le vif dans une direction ou dans l’autre: fournir tout à quelques personnes, ou fournir quelque chose à tout le monde ».
Douglas Rushkoff poursuit en soulignant les excès de l’hyper-capitalisme et la manière dont les produits dérivés des transactions financières ont pris le pouvoir sur les transactions elles-mêmes! Le numérique n’est pas étranger à ce phénomène. En cultivant l’abstraction «une économie numérique n’a quasiment plus de lien avec le commerce réel, les lois de l’offre et de la demande, ou la création de valeur… Plus vous êtes proche de la création de valeur, plus vous êtes éloigné de l’argent.»
6ème commandement: l’identité
Quels comportements adopter face à nos expériences numériques à partir du moment où l’identité de la personne représente une valeur, un engagement, face aux artefacts? Le refuge dans l’anonymat (l’est-il vraiment?) peut faire «ressortir nos pires penchants. C’est parce que le numérique comporte ce biais vers la dépersonnalisation que nous devons faire l’effort de ne pas agir anonymement. »
7ème commandement : le social
« Nous devons nous souvenir que le média numérique doit tendre à favoriser le contact avec les autres, et non avec ce qu’ils produisent ou, pire, avec leur argent. Si nous publions ça, nous risquons de nous priver du principal cadeau que le numérique peut nous offrir. Ce média est précaire ou tout au moins sa durée de vie est assez limitée: qui se souvient encore de Compuserve, AOL, et de MySpace? En fin de compte, l’esprit initial de l’Internet (NDLR : lire L’ouvrage de Fred Turner : aux sources de l’utopie numérique) a été détourné par ses propres géniteurs. Les stratégies marketing ont combiné la marque au social «comme si le fait de disposer de ce qui s’apparente simplement à une liste d’adresses Email était susceptible de redonner vie à des marques commerciales…».
Pour beaucoup d’entreprises, la dimension sociale et sociétale n’a été qu’un prétexte pour davantage de profits: alors que la socialisation constitue l’un des fondements de tout projet entrepreneurial. Bénéfice ne vient-il pas de «beneficium » qui veut dire bienfait? «À l’ère internet, toute entreprise est déjà sociale, la transparence n’est plus un choix, c’est un prérequis». David Rushkoff explique alors que la vraie manière d’avoir une démarche sociale, ce n’est pas d’accumuler un maximum d’amis ou d’abonnés, mais de faire en sorte que ces derniers «deviennent amis et abonnés entre eux». Caveat Emptor! Les réseaux sociaux «sont bien plus profitables aux propriétaires des sites qu’à leurs membres ». L’objectif des premiers consiste à «vendre vos amis et les amis de vos amis, aux réels clients que sont les experts en marketing et publicitaires».
Enfin, en clin d’œil à Mac Luhan, Douglas Rushkoff termine ce chapitre par cette assertion : «Ce n’est pas le contenu qui est le message, c’est le contact. C’est le Ping lui- même. C’est le transmetteur synaptique d’un organisme qui essaie de prendre vie».