1er commandement : notre rapport au temps, le droit de se déconnecter
Ce décor planté, entrons dans le premier chapitre : celui de notre rapport au temps qui plaide en faveur du droit à la déconnexion. Après un éloge appuyé à la période révolue de l’asynchonicité, où il était encore possible de « ralentir ou de fractionner le présent », force est de constater le poids de l’interactivité dans nos vies.
Une forme d’échappatoire, d’exutoire, qui remonte sans doute aux premières télécommandes de nos téléviseurs ; « l’appareil interactif ayant introduit de la discontinuité dans un média ». On perçoit-là la dimension mac-luhanienne de l’observation à l’origine de nouveaux pouvoirs et de nouvelles dominations.
Plus on fait de choses, moins on les fait bien
L’accélération de cette interactivité constitue une déluge danaïdien dont la vitesse entropique fait songer au second principe de la thermodynamique ! « Nous ne faisons que passer d’une chose à l’autre, le plus vite possible … et les études montrent que notre capacité à accomplir une tâche de façon précise et complète diminue avec le nombre de tâches que nous essayons de traiter simultanément ».
Résultat : nous devenons « fatigués et usés »…. Avec les textos en guise de dialogue, «tout ce que nous écrivons ressemble à des ordres aboyés dans un talkie-walkie en temps de guerre ». L’abrutissement gagne les gens hier sains et le picoring tend à nous « décharger de notre capacité à penser ». La seule issue consiste à devenir et à se maintenir « encore plus humains », car en refusant le droit à la déconnexion : « nous abandonnons le temps à une technologie qui n’en a pas besoin et qui en ignore tout ». Fermez le ban !
2ème commandement : le lieu, le local perd son pouvoir
Le numérique provoquerait « un éloignement du local et favorise le dé-local. C’est surtout vrai dans les médias dont les effets ont toujours été d’introduire une distance… afin de promouvoir les intérêts des gens lointains plutôt que ceux des communautés locales ». Le propos est dur sinon injuste. Mais l’auteur quitte ce terrain glissant pour montrer la façon dont le localisme et le délocalisme conduisent à la banalisation des lieux de production aux seules fins d’une hyperconsommation.
Le local peut aussi s’appuyer sur le numérique
Je résumerais ses propos par la formule suivante : pour être à la masse, il faut que la masse appelle la masse : c’est-à-dire que « pour vendre des produits fabriqués en masse, il faut un marketing de masse » dont la prégnance universelle favorise une forme d’anonymisation des récipiendaires. Cela se vérifierait dans la valeur d’échange… J’avoue ne pas être convaincu. Je le suis encore moins quand l’auteur affirme : « en choisissant un média centralisé pour toucher des gens qui vivent au coin de la rue, un commerce local perd l’avantage du terrain ». C’est oublier la polyvalence, l’ubiquité des différents canaux médiatiques ! La carte peut aussi faire le territoire !
Autre affirmation contestable, « Internet peut renforcer les liens dans la vraie vie quand ces liens existent déjà » : c’est oublier que lesdits liens peuvent se créer autour de communautés mobilisées autour d’intérêts partagés ! Certes, il existe une certaine complexité dans cette interaction, et cela me rappelle le principe de reliance défendu par Edgar Morin.
Le numérique ennemi du local
De là à dire qu’avec le numérique : « ce qui se passe sous nos fenêtres perd de sa valeur » : est un peu excessif. On est d’accord sur un point : notre représentation du monde ne peut pas se limiter aux seules coordonnées d’un GPS ! Le chapitre se termine par le pouvoir du global par rapport au local : le numérique pouvant agir comme une forme d’antisubsidiarité si on n’y prend garde.