Le monde professionnel devra vite s’adapter face au phénomène des objets connectés car les gens refuseront d’avoir des environnements obsolètes au travail par rapport à ce qu’ils auront à la maison. C’est l’opinion d’Olivier Ménard, créateur de SmartUino. SmartUino interviendra le mardi 8 avril lors d’une journée consacrée à la création d’objets connectés.
Question : les objets connectés vont-ils révolutionner notre vie quotidienne et professionnelle ?
Olivier Ménard : les gens ont du mal à s’imaginer un phénomène qu’ils ne connaissent pas. La révolution est inévitable, et en tout. Cela va concerner le quotidien tout simplement. On en est pour l’internet des objets à une étape similaire à ce qui s’est passé lors de la création de l’industrie de l’informatique personnelle.
Les enfants qui vont naître n’arriveront pas à envisager un monde sans « internet des objets » comme une bonne partie des ados actuels n’arrivent pas à imaginer un monde sans SMS ni réseaux sociaux. Comme la génération précédente n’arrive pas à imaginer un monde sans emails ni internet et comme la génération d’encore avant n’arrive pas à imaginer un monde sans PC.
Le vecteur initial sera la vie quotidienne mais selon un processus équivalent au BYOD (Bring Your Own Device) avec les smartphones et les tablettes, le monde professionnel devra vite s’adapter car les gens refuseront d’avoir des environnements moins puissants et considérés obsolètes au travail par rapport à ce qu’ils auront à la maison.
Question : dans quel secteur va-ton créer le plus d’objets connectés?
Olivier Ménard : tout secteur, y compris ceux auxquels on ne s’attend pas. Pour le moment le marché est tout juste balbutiant. On est donc encore sur une modèle économique très captif où – sauf rares exceptions – l’appareil ne peut être connecté qu’à une seule plateforme de Cloud, l’ensemble étant propriétaire.
De plus, il est souhaitable que les services fournis puissent toucher le plus de monde possible avec un minimum de personnalisation. C’est pourquoi le marché de croissance aujourd’hui porte sur le coaching santé, c’est le « Quantified Self ».
Question : quelle forme prend ce marché ?
Olivier Ménard : on trouve des capteurs portés en général sur soi comme un bracelet ou des capteurs dans poche, ou des objets spécifiques à la maison tels que la balance connectée. Ces objets sont destinés au suivi quotidien de l’activité physique, le nombre de pas dans la journée, l’état général de santé comme le rapport poids-taille et une mesure de l’environnement immédiat, avec par exemple le taux de CO2 dans les pièces où l’on est.
Ces objets fournissent des conseils et des courbes plus ou moins équivalents dans leur effets à du coaching. Le suivi des maladies chroniques majeures de type diabète sera aussi un fort vecteur d’essor et de massification.
Question : ce marché va-t-il évoluer ?
Olivier Ménard : l’étape suivante, toujours un peu captive, concernera probablement des environnements assez contraints et bien maitrisés comme les moyens de transports, la voiture personnelle, les transports en commun, dont d’ailleurs les prémices sont déjà visibles dans les prototypes futuristes et les véhicules de haut de gamme.
Par la suite, on peut imaginer que la mise en place d’objets connectés et de plateformes plus interopérables avec une plus grande capacité à personnaliser les services, voire avec à disposition un magasin de services, un « service Store », vont bouleverser ce mode captif et faciliter l’essor de l’Internet des objets dans tous les secteurs, y compris la domotique.
Question : comment créez-vous un objet connecté?
Olivier Ménard : le principe même de SmartUino est de faire créer les objets connectés et non de les créer. Nous mettons en place et nous animons une communauté d’utilisateurs pour faire émerger des idées immédiatement prototypables.
La recette de SmartUino est d’avoir un panel de capteurs et d’actuateurs [NDLR : moteurs électriques pour actionner différentes fonctions] plug&play à mettre sur des modules universels de communication que l’on accroche alors à un objet, au mobilier voire à l’immobilier.
Les « objets » sont alors là mais toute la valeur réside dans l’interprétation qui est faite des signaux mesurés et le retour via les actuateurs, c’est-à-dire dans le scénario mis en place par l’utilisateur. Chaque foyer construit ainsi une « sémantique » propre à son mode de vie, à ses habitudes et surtout ses priorités et besoins d’automatisation.
Question : quelles sont les principales étapes du processus de création?
Olivier Ménard : Partage de la vision du projet, design, développement, juridique, expérimentation, retour d’expérience, industrialisation.
Si on parle de la création d’objet connecté, dans le cas de SmartUino c’est surtout de la scénarisation par l’usager. On décrit un service souhaité, on identifie alors l’information nécessaire pour rendre ce service, on en déduit quels capteurs et quels actuateurs utilisés ainsi que leur localisation idéale, et il n’y a plus qu’à faire !
Question : quel conseil donneriez vous à quelqu’un qui veut créer un objet connecté ?
Olivier Ménard : S’entourer de professionnels et pour un utilisateur final de SmartUino, « oser ».
Pour quelqu’un qui veut commercialiser un objet connecté, de bien penser à la nature des capteurs embarqués et surtout à la plateforme d’agrégation des dites données, qu’il s’agisse du logiciel local, du Cloud ou des services web.
Question : Quel est votre vison du marché dans les années qui viennent ?
Olivier Ménard : les individus ont le pouvoir et création de micros activités facilitée par de nouveaux espaces accélérateurs.
Photo, Oliver Ménard lors d’un atelier de création.
Olivier Ménard, électronicien, designer et spécialiste de l’innovation ouverte
Olivier Ménard est spécialiste de l’innovation ouverte. Il travaille au CEA et au IDEAs Laboratory à Grenoble dans le cadre du campus d’innovation de micro et nano technologies Minatec. Il a travaillé auparavant chez Alcatel Espace à Toulouse et Eurocopter à Dallas. Il a effectué ses études au Strate Collège Designers à Paris. Il intervient sur l‘eXtreme Prototyping, l’électronique embarquée, les microprocesseurs, les micro-contrôleurs, les DSP et les systèmes de positionnement.
…les gens refuseront d’avoir des environnements moins puissants et considérés obsolètes au travail par rapport à ce qu’ils auront à la maison » et si l’entreprise ne fournit pas un environnement de travail suffisamment « connecté », les salariés récalcitrants pourront toujours faire un pied de nez à leur patron en jouant au bureau à une toute nouvelle sorte de jeu