Unibail-Rodamco-Westfield : le tracking des visites dans les centres commerciaux commercialisé

La solution d'identification des visites a été développée par Digeiz

Le poids lourd de l’immobilier commercial Unibail-Rodamco-Westfield commercialise désormais l’information de tracking des visites dans ses centres commerciaux. L’ambition est de suivre le comportement des visiteurs comme on peut le faire en digital, sur un site Web. Les efforts touchent au but. Son système de tracking « Optin by design » est basé sur des caméras. Il est opérationnel et le groupe commercialise désormais les données collectées.

Unibail-Rodamco-Westfield gère une cinquantaine de centres commerciaux dans le monde. Le groupe est ainsi présent entre les consommateurs qui se rendent dans ses centres commerciaux et les commerçants à qui il loue ses espaces de vente et auxquels il promet une certaine affluence.


La Data est depuis toujours un enjeu pour les commerçants


Faire de la croissance en ouvrant de nouveaux centres commerciaux est devenu particulièrement compliqué pour le groupe depuis l’arrivée du e-commerce, puis le choc de la pandémie du Covid en 2020. Depuis toujours, la data est un enjeu pour les commerçants dont les boutiques sont présentes dans ces centres commerciaux. Quelles sont les personnes qui fréquentent le centre, leurs attentes, leurs buts, leurs horaires, leurs parcours, etc. 

La cellule Data devait devenir une activité profitable, avec son propre compte d’exploitation, ses revenus et ses coûts

Unibail-Rodamco-Westfield s’est tourné  vers l’exploitation de la Data en faisant appel en 2020 à Giancarlo Miluccio, qui était alors le Chief Data Officer de L’Oréal et a quitté le leader des cosmétiques pour ce nouveau pari. Sa mission ? Transformer la cellule Data qui intervenait jusqu’alors en support aux métiers, en une activité profitable, avec son propre compte d’exploitation, ses revenus et ses coûts.

Il s’agissait de devenir un business. « C’est une approche très différente, car vous devez présenter des résultats à votre direction, mais vous pouvez aussi investir » argumente Giancarlo Miluccio, Chief Data Officer et Head of Data Europe chez Unibail-Rodamco-Westfield. « J’ai dû réfléchir à quelle donnée collecter et comment la valoriser pour faire de la croissance » poursuit-il.


1 milliard de visiteurs par an dans ses centres commerciaux

La donnée devient ainsi un actif monétisable. « Les centres commerciaux sont gérés par d’autres équipes, mais avec les données, le groupe possède un deuxième asset incroyable et qui n’était pas du tout valorisé. Chaque année, 1 milliard de personnes se rendent dans nos centres. »

Ses centres commerciaux en Europe attirent 710 millions de personnes, dont 62 millions de visiteurs uniques

Les centres commerciaux en Europe voient passer 710 millions de personnes, dont 62 millions de visiteurs uniques. Connaître cette audience est particulièrement intéressant pour les enseignes qui ont un point de vente dans ces centres. Jusque-là, le gestionnaire se contentait de compter ces visiteurs, une donnée jugée suffisante pour attirer les retailers.

« Nous nous contentions de compter les entrées et les sorties. Or, nous avions une incroyable richesse d’information à notre portée. Il s’agit de visiteurs dans un lieu où ils viennent pour dépenser de l’argent » constate le responsable. On est à la porte du magasin. « ll ne s’agit pas du ‘Last Mile’ [NDLR : dernier kilomètre], mais des derniers mètres avant l’entrée de la boutique. Pouvoir parler à ces gens lorsqu’ils sont devant le seuil de votre boutique et les inciter à entrer présente une énorme valeur » affirme-t-il.

Parler au consommateur au plus près du commerçant

Il montre la supériorité par rapport à la publicité TV. « Les marques dépensent des milliards pour parler aux consommateurs quand ils sont chez eux, assis dans leur fauteuil devant la TV. Nous, nous avons la possibilité de leur parler lorsqu’ils sont devant l’entrée du magasin » souligne-t-il.

L’idée du tracking est simple mais sa mise en application est complexe, notamment lorsqu’il faut respecter la législation

Reste que si, dans le digital, le suivi d’un visiteur sur un site web est relativement simple, dans le monde physique, un tel tracking est beaucoup plus complexe à mettre en place, L’idée est simple mais sa mise en application est complexe, notamment lorsqu’il faut respecter la législation relative à la reconnaissance faciale et à la protection des données personnelles, défendue ardemment par la Cnil.  

De plus, il faut une solution technique qui réalise ce suivi. « Nous avions identifié des cas d’usage très clairs, évalué le chiffre d’affaires que nous pourrions générer, ainsi que les coûts de mise en place. Par contre, il n’existait pas de solution sur le marché pour acquérir cette donnée. » L’équipe de Giancarlo Miluccio s’est attachée à lister toutes les exigences liées à la collecte de cette donnée dans les allées des centres commerciaux.

Collecte de la vraie donnée de suivi en temps réel

L’objectif est de collecter une donnée « First Party » conforme à la réglementation, mais qui couvre toutes les personnes qui entrent dans les centres commerciaux. « Nous voulions collecter une donnée exhaustive, et ne pas entrer dans une logique d’échantillonnage. Nous ne voulions pas seulement voir que quelqu’un se rend à tel endroit dans un centre commercial, je veux pouvoir suivre son parcours et donc l’identifier tout au long de sa présence dans le centre » détaille-t-il.

« Nous voulions être très précis, car repérer un individu précisément, cela change tout : il est devant une boutique et pas une autre »

La précision et l’exhaustivité étaient nécessaires de son point de vue. « Nous voulions être très précis, car repérer un individu précisément, cela change tout : il est devant une boutique et pas une autre. » En outre, comme il est physiquement impossible de demander le consentement à 1 milliard de personnes, la solution devait être « Optin by design ». Or le Chief Data Offcier ne voulait pas se contenter de données de comptage à l’entrée ou dans les allées, une information qui n’a pas véritablement de valeur commerciale, mais il voulait une donnée qualifiée.

L’objectif était de savoir si la personne suivie est un homme, une femme, son âge, et ce qui l’attire dans le centre commercial. De plus, le responsable voulait disposer de cette information en temps réel. Cela permet de porter des cas d’usage stratégiques où l’enseigne présente dans le centre commercial pourra agir alors que le profil qui l’intéresse est encore présent à proximité.

Le groupe fait appel à la société Digeiz

L’étude réalisée pour le projet montre alors qu’il n’existe pas de solution technique sur le marché capable de délivrer toutes ces informations. Giancarlo Miluccio décide alors de la créer en s’appuyant sur son partenariat avec Digeiz. La startup française travaillait sur une approche similaire, avec une technologie d’analyse des flux vidéo destinée aux retailers. Son objectif était de savoir combien de personnes entraient et sortaient dans leurs magasins et comment ces personnes percevaient leur vitrine.

Le géant de l’immobiliser commercial va alors pousser son partenaire dans ses retranchements pour qu’il génère suffisamment de données

Cette donnée était insuffisante pour Unibail-Rodamco-Westfield et pour espérer créer un modèle d‘affaires (Business Model) bénéficiaire. Le géant de l’immobiliser commercial va alors pousser son partenaire digital dans ses retranchements pour qu’il génère suffisamment de données afin de pouvoir les monétiser dans l’environnement publicitaire.

Pour être certain de ne pas collecter de la donnée privée et tomber sous la coupe du règlement européen sur la protection des données RGPD, les visages sur les flux vidéo sont dès lors filtrés au plus tôt. Les visages sont floutés, ainsi que tous les détails qui pourraient lier l’image à un individu unique.

Identification du sexe et de la tranche d’âge

L’algorithme utilise la forme du corps et les vêtements pour suivre chaque individu, mais aussi pour déterminer s’il s’agit d’un homme ou d’une femme, et à quelle tranche d’âge il appartient. Cette donnée est peu à peu enrichie alors que la personne passe d’une caméra à l’autre, ce qui permet notamment de définir sa vitesse de déplacement, ce qui fournit au passage un autre indice sur son âge.

« Je peux pousser une publicité sur les écrans pour cibler un certain type de profil« 

La signature numérique de cet individu permet aux algorithmes de le suivre dans le centre. « S’il entre dans le magasin Nike, par exemple, on peut en conclure qu’il a une appétence pour le sport » illustre Giancarlo Miluccio. « Cela nous permet de créer une donnée hyper qualifiée que je peux monétiser » établit-il. « Je peux pousser une publicité sur les écrans pour cibler un certain type de profil. Il ne s’agit plus d’une Data de comptage, mais bien d’une Data que je peux monétiser auprès d’une marque ou d’un retailer pour qu’il puisse cibler les consommateurs. »

La précision des données générées par les algorithmes a été longuement testée et améliorée, car toute la pertinence du dispositif repose sur la fiabilité des données collectées. Les résultats apparaissent étonnamment fiables après 2 années de mise au point. « Nous sommes extrêmement précis sur le comptage. La précision atteint actuellement 98 %, » déclare Giancarlo Miluccio.

Quasi certitude sur le sexe, un peu moins sur ‘l’âge

« Nous obtenons en moyenne entre 92 % et 93 % [de précision] sur le genre et jusqu’à 95 % [de précision] aujourd’hui » précise-t-il.  « Sur l’âge, nous sommes entre 80 et 82 % [de précision]. Ces données ont été auditées par le CSP [NDLR : Conseil Supérieur de la Publicité] sur une période de presque 2 ans sur la qualification, le comptage, mais aussi la rectification » annonce-t-il.

Un portail Data a été mis en place pour que les retailers puissent accéder à ces données

Le mieux est l’ennemi du bien et en l’état, les résultats sont satisfaisants pour le Chief Data Officer. « Nos mesures ne sont pas parfaites, nous ne sommes pas à 100%, mais nous sommes très satisfaits des résultats déjà obtenus. » Un portail Data a été mis en place pour que les retailers puissent accéder à ces données qu’ils ne sont pas en mesure de collecter eux-mêmes via leurs propres dispositifs.

Le déploiement est quasiment achevé dans les centres Unibail-Rodamco-Westfield. Le système collecte des données depuis plusieurs mois et des connecteurs ont été mis en place afin de monétiser les données. Giancarlo Miluccio peut maintenant affirmer qu’après plusieurs années d’efforts, le système commence à générer des revenus pour le groupe. « De facto, l’équipe Data est rentable. Elle a des coûts, mais elle peut aligner des revenus générés par ses cas d’usage » se félicite le CDO du groupe.

Google et Publicis partenaires clés du projet

Ce projet a pris du temps et a également fait appel à Google et Publicis comme partenaires clés pour aboutir à la génération de revenus.  « Il s’agissait d’un projet immense qui a représenté plusieurs années de travail et nous ne l’avons pas mené seul » confirme Giancarlo Miluccio.

« Nous nous sommes chargés du volet collecte de la donnée, de la mise en place des cas d’usage, mais nous nous sommes appuyés sur Google pour que cette donnée soit mise à disposition du marché via des plateformes DOOH [NDLR : Digital Out of Home, ce sont les écrans digitaux dans les centres commerciaux et les aéroports en particulier] programmatiques et digital. Nous avons aussi signé avec Publicis afin de créer des packages afin de commercialiser ces audiences auprès des annonceurs » conclut-il.

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