Le site e-commerce ManoMano évalue l’impact de ses publicités digitales grâce à l’IA


Comment mesurer l’impact de la publicité digitale sur ses ventes ? ManoMano, site e-commerce dédié au bricolage, au jardin et à la maison, se tourne vers les algorithmes et les « jumeaux synthétiques ». Il simule des clients réels grâce à des algorithmes et mesure l’impact de la publicité digitale sur leurs achats afin de calculer le retour sur investissement. C’est ce que défend Jérémie Jakubowicz, Vice Président en charge de la Data chez ManoMano. Il a pris la parole lors de la semaine du marketing, organisée par Marketing Magazine & E-Marketing.fr, le 6 mai.

Les clients qui ont subi des retards de livraison ont le plus fort taux de réachat

Le responsable justifie l’usage des « jumeaux synthétiques » par la difficulté de réaliser de l’AB testing sur la publicité, et de constituer des groupes de clients homogènes et non biaisés. Un exemple de biais ? Jérémie Jakubowicz cite l’étude de l’impact des retards de livraison sur la fidélité de ses clients. « On se dit que les clients qui ont eu un retard de livraison vont probablement avoir une expérience qui a été affectée et qu’il est à craindre qu’ils reviennent moins » présente le responsable. « En fait les clients qui ont eu des retards de livraison sont ceux qui ré-achètent plus » relève-t-il.

Comment expliquer que les clients ayant subi des retards de livraison ont le taux de ré-achat le plus important ?

ManoMano avait constitué deux groupes de clients, ceux qui n’ont jamais eu de retard de livraison, et ceux qui ont eu 1 fois au moins un retard de livraison. Comment expliquer que les clients ayant subi des retards de livraison ont le taux de ré-achat le plus important ? « Il y a un biais de sélection des clients » répond Jérémie Jakubowicz. « Plus on est un client fidèle de ManoMano, et plus il y a de chances qu’un jour, on ait un retard de livraison » explique-t-il. Afin de s’extraire de cette difficulté et de constituer des segments de clients non biaisés, ManoMano a recours à la création de ce qu’il appelle des « jumeaux synthétiques ».

« On crée un modèle qui nous permette d’imaginer ce que serait le même utilisateur qui achète le même type de produits, qui dépense en moyenne le même montant sur ManoMano mais qui n’aurait pas eu de retard de livraison. On crée ce que l’on appelle un jumeau synthétique » explique le responsable. Ce sont des clones de clients réels, sur lesquels le site e-commerce teste différents scénarios. Cela sert notamment à évaluer l’impact de campagnes publicitaires menées avec Facebook. La démarche de ManoMano intervient alors que de son côté Facebook s’appuie sur les algorithmes afin de trouver le meilleur ciblage des internautes sur le réseau social, et les meilleurs messages publicitaires à pousser.



Beaucoup de gens étaient spécialisés dans le micro ciblage des audiences

Il y a 3 ou 5 ans, il fallait micro-cibler les audiences sur Facebook, c’était une vraie compétence, explique-t-on côté Facebook. Et il y avait beaucoup de gens dont c’était le métier. Ces spécialistes ciblaient les audiences en fonction du sexe des personnes, de leur âge, de leur domicile et de leurs centres d’intérêt. ManoMano aurait alors essayé de cibler les gens qui ont un intérêt pour le bricolage sur les plateformes de Facebook, Instagram ou WhatsApp. « Sur Facebook et Instagram, on arrive à identifier les personnes qui ont un intérêt pour ce genre de choses » explique-t-on chez Facebook. Il fallait alors tester des créations publicitaires différentes, regarder ce qui marche le mieux, une vidéo, une photo, la photo A ou la photo B, etc.

« Les algorithmes petit à petit vont apprendre et créer ces micro ciblages »

« Tout cela, c’était des questions que l’on se posait, et qu’il fallait tester » se rappelle-t-on chez Facebook.  Cette époque de test manuel est révolue. Tous les tests de micro ciblages sont réalisés par des algorithmes. « On part d’audiences très larges, et ce sont les algorithmes petit à petit après une phase d’apprentissage, qui vont apprendre et eux-mêmes créer ces micro ciblages. Aujourd’hui la machine est plus forte que l’homme » résume-t-on chez Facebook.

Dès lors, le ciblage est réalisé par les algorithmes de Facebook. ManoMano pour sa part se concentre sur l’impact de ces algorithmes sur son chiffre d’affaires. Il effectue le calcul du chiffre d’affaires théorique qu’il aurait réalisé sans la campagne publicitaire – grâce à son outil des jumeaux synthétiques – et compare avec le chiffre d’affaires réel réalisé. 
« Nous ne sommes plus dans la sélection de l’audience [NDLR : sur le réseau social Facebook]» confirme Jérémie Jakubowicz. « Nous utilisons l’intelligence artificielle pour mesurer l’impact des algorithmes de Facebook » ajoute-t-il.

ManoMano ne peut pas réaliser d’AB testing pour tester les publicités Facebook

« Nous imaginons ce qu’aurait été notre volume d’affaires sans l’algorithme de Facebook. Nous créons une situation virtuelle parce que nous ne sommes pas capables d’AB tester dans cette situation » explique-t-il. Il explique ne pas être capable d’avoir deux groupes disjoints, tirés au hasard, un qui a vu l’algorithme publicitaire de Facebook et l’autre non. « Nous ne sommes pas capables de faire cela au niveau où l’on récupère le trafic» commente-t-il. L’équipe Data crée un jumeau synthétique pour dire ce qu’aurait été ManoMano sans Facebook, avec un autre mix marketing. « En fonction de l’écart, entre le jumeau synthétique et ce que l’on observe dans la réalité, nous sommes capables de mesurer l’impact des algorithmes de Facebook » dit-il.

« Nous diversifions notre audience, sans perdre de volume d’affaires, c’est ce que l’on cherchait à faire »

Est-ce que les campagnes publicitaires sur Facebook apportent les résultats attendus ? « Les résultats sont bons. C’est-à-dire que nous diversifions nos canaux d’acquisition, on diversifie notre audience, sans perdre de volume d’affaires, c’est exactement ce que l’on cherchait à faire » affirme Jérémie Jakubowicz. Côté Facebook, on salue le savoir faire algorithmique des équipes Data de ManoMano.

« La méthode mise en place par ManoMano a une capacité de prévision ultra précise. Ils sont capables de prévoir de manière géographique la semaine prochaine ou dans un mois dans la région Grand Est quelles ventes ils devraient faire, sans média, ou avec le mix media actuel » décrit-on chez Facebook. Chez le réseau social on conforte le mode de raisonnement de ManoMano et le recours à la simulation algorithmique des audiences. « Si demain je change mon mix média, le différentiel entre ce que j’avais prévu de faire [NDLR : comme ventes], 100 et si je fais 103, alors je sais que mes 3 de plus sont dus à mon nouveau mix média. C’est ManoMano qui indique ce qu’il fait sans média et ce qu’il fait avec média, et ensuite ils calculent leur propre retour sur investissement » se félicite-t-on chez Facebook.  

ManoMano a doublé son chiffre d’affaires

ManoMano héberge 3600 marchands qui mettent leur catalogue à disposition sur le site et sur ses apps mobiles. Cela correspond à 10 millions de références produits. ManoMano a réalisé 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2020, c’est 100% de croissance. En mars 2020, lors du premier confinement, le chiffre d’affaires a été multiplié par 4. La plateforme ManoMano a récolté 311 millions d’euros de financement depuis sa création en 2013.  Jérémie Jakubowicz a une formation en statistiques (ENSAE 2002) et a travaillé pour le site ventes privées.

Il est responsable de l’usage de la donnée comme outil d’aide à la décision et des algorithmes. Son équipe construit des algorithmes destinés à aider les marchands présents sur le site et les clients. Les algorithmes recouvrent les cas d’usage des systèmes de recommandation, les moteurs de recherche, les algorithmes d’acquisition de trafic, la catégorisation de produits, etc. « Et il y a l’utilisation de l’IA pour prendre des bonnes décisions » pointe Jérémie Jakubowicz. ManoMano dispose de systèmes afin de prévoir le nombre d’appels qui vont être reçus dans les services clients, le nombre de commandes qui vont être passées afin de gérer les entrepôts et la logistique. ManoMano recrute actuellement des spécialistes de la donnée.


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