Le projet Gaia-X de création d’un Cloud souverain européen est à la croisée des chemins. Il faut se battre maintenant et ne pas baisser les bras. C’est la demande de Michel Paulin, DG de l’hébergeur OVHCloud. Il a défendu avec conviction le projet Gaia-X lors de l’événement LaREF2021 organisé par le Medef, le 18 novembre. Il a pris la parole alors même que l’hébergeur français Scaleway – filiale d’Iliad, la maison mère de l’opérateur télécoms Free – annonçait son départ de Gaia-X à cause de l’ouverture aux Gafam (Google Apple Facebook Amazon et Microsoft).
« On voit que tout le monde veut éliminer Gaia-X »
Michel Paulin invite à la lutte. « Nous sommes membres fondateurs de Gaia-X et au board de Gaia-X. Gaia-X est en ce moment à la croisée des chemins. Les intentions sont extrêmement bonnes parce que c’est la garantie d’un Cloud ouvert, réversible et interopérable » souligne-t-il. Il reconnaît les vents contraires qui soufflent contre le projet. « On voit que tout le monde veut l’éliminer. Au début, ils voulaient tous être contre Gaia-X, et d’un seul coup, on a eu 150 adhérents qui sont arrivés pour dire qu’ils voulaient tous être Gaia-X et ils veulent le saborder » décrit-il rapidement.
« Il ne faut pas déserter Gaia-X maintenant. Il faut se battre aujourd’hui«
Pour lui abandonner Gaia-X maintenant c’est faire le jeu des adversaires de Gaia-X. « Aujourd’hui tous ceux qui abandonnent le combat avant de l’avoir commencé, font le jeu de ceux qui veulent saborder Gaia-X, comme d’autres veulent saborder le DSA [Digital Service Act européen] et le DMA [Digital Markets Act]. Tout ce qui est aujourd’hui des parapluies pour garder les valeurs européennes » prévient-il.
« Certains fournisseurs de Cloud ne répondent pas à l’aspiration d’une réversibilité »
Le DG d’OVHCloud rappelle que la question de la réversibilité, c’est-à-dire de pouvoir récupérer ses données et ses applicatifs afin de les basculer chez un autre prestataire, apparaît clé et mal respectée par certains fournisseurs de Cloud. « Aujourd’hui les analystes comme Gartner, sont en train de dire que malheureusement certains fournisseurs de Cloud ne répondent pas à l’aspiration d’une ouverture et d’une réversibilité. Un des arguments forts du Cloud est détruit » souligne le dirigeant.
« Les monopoles de fait ne sont jamais bons ni pour les utilisateurs ni pour l’innovation »
Côté technologie, Michel Paulin veut faire en sorte que l’Europe puisse avoir suffisamment de technologies pour avoir la maîtrise de son destin. « Quand on n’a pas la maîtrise du Cloud, on ne maîtrisera plus nos données. Cela prendra du temps parce qu’il y a les investissements. En revanche, il faut une détermination politique et des acteurs économiques pour faire émerger ces choses là et une solidarité collective » demande-t-il.
Les économies européennes sous la menace d’une interruption de services Cloud
Le risque est de voir les économies européennes sous une menace d’interruption permanente. « Parce que si du jour au lendemain quelqu’un décide de couper les licences qui sont américaines ou chinoises, toute l’économie s’arrête » annonce-t-il. Côté données, Michel Paulin souhaite par ailleurs que le RGPD devienne la seule loi réglant leur accès en Europe plutôt que de devoir subir les lois américaines qui viennent s’appliquer dans les Data Center des sociétés américaines.
« Vous pouvez avoir la justice américaine qui va vous prendre vos données, les utiliser et vous ne le saurez même pas«
Il rappelle que le marché du Cloud en Europe sera dans 5 ans plus gros que le marché des télécoms. « Il y a 500 000 emplois en jeu, où veut-on qu’ils soient ? Où veut-on que nos taxes soient ? Où veut-on que notre R&D soit ? Où veut-on que notre valeur ajoutée soit ? C’est cela qu’il faut déterminer, cela prendra du temps, c’est compliqué mais la guerre n’est pas finie » conclut-il. Bref, les plus gros ne doivent pas gagner à la fin et il ne faut pas baisser les bras en France, tel est le message passé par le DG d’OVHCloud.