Le financement se tend pour les startups françaises comme pour les Venture Capitalists, c’est-à-dire les investisseurs dans les jeunes sociétés. C’est l’alerte donnée par France Digitale et le cabinet EY dans leur nouvelle étude « Baromètre sur la performance économique et sociale des startups et fonds de capital-risque français » qui porte sur 15 000 startups françaises. Les deux contraintes principales pour les startups sont la levée de fonds (32% des startups) et de contractualiser avec des clients (30%).
500 startups françaises interrogées
Le baromètre 2024 sur la performance économique et sociale des startups françaises, inclut cette année, pour la première fois, les fonds de capital-risque. Le baromètre a été réalisé en interrogeant 550 startups et 40 VCs français à l’été 2024.
Les levées de fonds au 1er semestre 2024 restent stables en France par rapport au 1er semestre 2023. Cependant, lorsqu’on y regarde de plus près, ces bons chiffres sont portés par quelques méga levées de fonds (Mistral AI, Electra, HysetCo, H Company, Pigment), et les tours de financement inférieurs à 100 millions d’euros décélèrent, aussi bien en montant qu’en nombre d’opérations. De plus, il y a une baisse de 38% des montants levés entre 2022 et 2023.
La France reste cependant bien positionnée en Europe, derrière le Royaume Uni qui accélère mais devant l’Allemagne qui décélère. Au 1er semestre 2024, le montant levé par les startups françaises reste stable avec 4,26 milliards d’euros levés, pour un montant moyen de 10,33 millions d’euros par opération. La France reste 2ème en Europe en montants levés et nombre d’opérations.
Les VCs recherchent des liquidités
Pour France Digitale et EY, le marché semble toutefois bloqué. Les VCs (Venture Capitalists) recherchent des liquidités, à la fois pour rembourser leurs investisseurs et pour déployer de nouveaux fonds. Le « dry powder » , à savoir le montant des actifs sous gestion restant à déployer, se réduit à mesure que les VCs provisionnent des actifs pour refinancer leurs startups déjà en portefeuille.
En amont de la chaîne de financement, même s’ils n’ont jamais eu autant d’actifs sous gestion, les VCs français peinent toujours à lever des fonds auprès d’investisseurs étrangers. Parmi les secteurs financés, la transition environnementale a le vent en poupe chez les VCs, suivie par le Saas, l’IA et la healthtech. 53% des investisseurs en capital-risque financent des startups œuvrant pour la transition environnementale.
D’autres secteurs ont plus de difficultés à trouver des financements : en particulier les startups industrielles et hardware en phase d’amorçage, les startups déjà rentables qui cherchent à fusionner avec d’autres startups, et les startups fondées par des femmes et des fondateurs ou fondatrices issus de minorités, pour lesquels des progrès sont encore indispensables.
Une croissance globale de +27% du chiffre d’affaires
Sur le terrain, les startups veulent de la croissance. Leurs objectifs sont la recherche de la rentabilité à court (1 ans) ou moyen terme (3 ans), la réduction des coûts externes et l’accélération de leur développement. Les startups françaises ont vu leur chiffre d’affaires global augmenter de +27% entre 2022 et 2023, portées par une croissance sur les marchés internationaux — notamment européens. Près de la moitié des startups sont rentables en 2024. Le CA global 2022 a atteint 7,85 milliards d’euros et le CA global 2023 est monté à 9,93 milliards d’euros. C’est une croissance de +27%.
Avec cette croissance de +27% du CA entre 2022 et 2023, les startups sont portées par une plus forte pénétration des marchés internationaux, notamment européens. La recherche de rentabilité reste stratégique : près de 80% des startups visent la rentabilité dans les 3 prochaines années. Seules les startups deeptech et industrielles priorisent le financement sur la rentabilité, à court terme.
« Les startups françaises ont enregistré en 2023 un chiffre d’affaires record avec près de 10 milliards de revenus dont 40 % désormais réalisés à l’international. Il faudra garder le cap et même accélérer cette dimension internationale afin de démontrer la solidité et la résilience de l’écosystème de la French Tech » préconise Franck Sebag, associé EY, fast Growing Companies Leader. « 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires cette année, dont 40% réalisés à l’international. Nos entreprises prouvent qu’elles sont prêtes à jouer dans la cour des grands » se félicite Maya Noël, DG de France Digitale.
Création de 50 000 emplois internes aux startups sur 12 mois
Avec 200 000 emplois créés dans les 12 derniers mois dont 50 000 emplois internes (c’est-à-dire au sein de la startup, 150 000 emplois étant créés chez les prestataires des startups), les startups ont réalisé les prévisions de 2023. Les prochains mois s’annoncent plus délicats estime France Digitale. Le ralentissement des levées de fonds nécessite de rationaliser les coûts, notamment humains.
Les startups devraient créer 40 000 emplois internes d’ici un an, c’est 10 000 emplois internes de moins que cette année. « La dynamique de création d’emploi des startups risque de ralentir dans les prochains mois dans un contexte global de ralentissement des levées de fonds » avertit Maya Noël, directrice générale de France Digitale. « Néanmoins, nous gardons confiance dans la capacité des startups, en particulier celles dans la deeptech, c’est-à-dire l’IA, le quantique et le hardware, ou dans la transition environnementale pour poursuivre des plans de recrutement de plus 50 personnes » dit-elle.
Au final, il faudrait que l’écosystème de financement s’améliore afin de porter les startups. « On constate encore 4 grandes failles de marché dans le financement des startups : le financement en amorçage des startups industrielles et des startups hardware ; le financement de build-up de petites startups déjà rentables ; le financement du growth, toujours, avec peu d’acteurs français réellement présents; et enfin, le financement de femmes et fondateurs issus de minorités, pour lequel des progrès sont toujours indispensables » constate Audrey Soussan, partner chez Ventech.
L’usage de l’IA doit être un facteur de compétitivité
Enfin, les startups utilisent l’IA aussi bien pour leurs outils internes que pour développer leur offre commerciale, et comptent en faire un facteur de compétitivité. Encore faut-il que la mise ne soit pas raflée par les gros acteurs avec lesquels la concurrence est rude, s’inquiètent France Digitale et EY.
« Le soutien politique à l’écosystème a été crucial au cours des dernières années. Nous sommes maintenant à un stade de développement de l’écosystème où des décisions structurantes vont devoir être prises, comme mobiliser les investisseurs institutionnels européens pour financer l’innovation, engager un rapprochement des bourses européennes, ou harmoniser drastiquement les réglementations en Europe » demande Maya Noël.
« Cela nécessitera un portage politique fort, en France et en Europe. Nous attendons beaucoup des prochaines semaines, entre l’orientation prise par le prochain gouvernement français et les nominations des commissaires européens à Bruxelles » conclut-elle.