La nouvelle mobilité partagée en France, un secteur embrouillé, passé au crible

Les vélos en station représentent l'essentiel des trajets

Malgré la crise sanitaire, l’année 2020 montre l’intérêt des Français pour des moyens alternatifs afin de se déplacer. L’usage de vélos, trottinettes, scooters ou voitures partagés atteint un niveau significatif dans plusieurs villes françaises. Ces nouveaux services s’arcboutent sur les technologies de l’information et les apps mobiles. On est toutefois encore loin d’un transport multimodal fluide porté par des apps mobiles efficaces de type «  Mobility as a service ». Le marché a été analysé par la startup fluctuo sur 40 villes françaises. Elle livre sa vision du secteur dans un document de synthèse.

Un marché de 80 millions de trajets réalisés en 2020

Le marché est estimé à 150 millions d’euros collectés auprès des utilisateurs, en dehors des subventions payées par les collectivités locales, et à 80 millions de trajets réalisés en France en 2020. Sur le terrain, les opérateurs sont extrêmement divers et les collectivités locales mènent des politiques spécifiques. C’est ce que montre le baromètre de la mobilité partagée établi par fluctuo. On s’interroge sur la viabilité des offres sur un marché aussi embrouillé. Le nombre de véhicules partagés demeure encore très réduit en France. Fluctuo dénombre 37 300 vélos en stations, 2700 vélos en « free floating », 22 700 trottinettes en « free floating », 4100 scooters en « free floating », 7750 voitures en stations et 1750 voitures en « free floating ».

En France, la mobilité partagée c’est surtout les vélos en libre service à récupérer et à déposer en station

En pratique en France, la mobilité partagée c’est surtout les vélos en libre service à récupérer et à déposer en station. Ils représentent 73% des trajets réalisés en 2020 annonce fluctuo. De leur côté, les services de trottinettes partagées représentent 4 fois moins de trajets (16%). Les scooters en partage ont servi à 5% des trajets et quant aux voitures partagées (qu’elles soient en « free floating » ou en stations), elles ne pèsent que 2% des trajets.

Malgré ce grand écart des usages entre les vélos, les trottinettes et les voitures partagés, les revenus générés grâce aux paiements des utilisateurs (en dehors des subventions versées par les villes) par ces 3 moyens de transport sont quasiment équivalents. Les vélos (en stations) génèrent 26% des revenus, les trottinettes 27% et les voitures 28% des revenus. Les scooters pour leur part représentent 13% des revenus.

Les voitures en « free floating » génèrent les revenus

On remarque que si les vélos en stations représentent l’essentiel des revenus des vélos (les vélos en « free floating » ne pèsent que 7% des revenus), pour les voitures, ce sont les véhicules en « free floating » qui génèrent le plus de revenus (23% contre 5% pour les voitures en station). Le podium des villes où la mobilité est la mieux partagée est occupé par Paris, Lyon et Bordeaux.


Renault lance un service de voiture partagée à Paris quand Bolloré arrête les siens à Lyon et Bordeaux

Point clé, le secteur de la mobilité partagée est en train de se chercher. Les opérateurs de service émettent des signaux contradictoires. Côté voiture partagée, Renault lance le service de « car-sharing » Zity à Paris en mai 2020 mais Bolloré met fin pour sa part en août 2020, aux services de voiture partagée BlueLy à Lyon et BlueCub à Bordeaux après plusieurs années d’exploitation. Côté vélos proposés en « free-floating » (sans devoir les laisser dans une station), c’est également la confusion. Mobike fait disparaître ses vélos de la circulation au printemps 2020.

Pour sa part, Jump retire 3000 vélos présents à Paris en juin mais le service est repris par Lime et relancé en juillet avec 2000 vélos. L’opérateur Bolt se lance à Paris en juin et s’en retire en septembre. Indigo Weel se retire de Tours et d’Angers à l’automne. Fluctuo ne donne pas d’explications à ces retournements de situation, mais on peut rappeler que les problèmes de dégradations et de vols sont récurrents en ce qui concerne les vélos partagés, ce qui entraîne des coûts excessifs d’exploitation pour un opérateur. Idem pour les voitures qui sont souvent mal traitées par leurs utilisateurs temporaires.

Des villes qui optent pour l’appel d’offres afin de réguler le secteur


Par ailleurs, la diversité règne également du côté de la réglementation instaurée par les villes qui sont compétentes en matière d’organisation de la mobilité partagée. Bordeaux accueille tous les opérateurs mais régule la taille de la flotte de chacun, avec un maximum de 100 trottinettes, 600 vélos ou 200 scooters. Résultat, à la décembre 2020, on comptait 9 opérateurs de trottinettes et 3 opérateurs de vélos en « free-floating » à Bordeaux.  

Des mairies ont opté pour des appels d’offres afin de limiter le nombre d’opérateurs et le nombre de véhicules

A Paris, Lyon et Grenoble, les mairies ont opté pour des appels d’offres afin de limiter le nombre d’opérateurs et le nombre de véhicules en circulation. Résultats, en juin 2020, l’opérateur Tier est retenu à Grenoble avec 500 trottinettes et Pony est retenu avec 500 vélos. En juillet 2020, à Paris, Dott, Lime et Tier sont choisis pour 5000 trottinettes chacun. En juillet 2020, Lyon choisit Dott et Tier pour 2000 trottinettes chacun.

Face à cette diversité, l’utilisateur a besoin de simplification afin de retrouver rapidement le moyen de déplacement qui lui convient le mieux et facile à réserver via son smartphone. En 2020, quelques plateformes MaaS (Mobility as a service) sont disponibles émanant d’agglomérations ou d’opérateurs privés. L’américain Uber regroupe ainsi dans son app mobile, son service de VTC, les vélos et les trottinettes de Lime ou Jump ainsi que les scooters de CityScoot. En octobre, la SNCF lance la nouvelle version de son application « Assistant SNCF » qui intègre les services de vélos et de trottinettes partagés dans 5 villes françaises.

Des trottinettes électriques partagées rentables


Côté modèle économique, la question de la rentabilité est récurrente. Les services de vélos en station représentent 73% du total des trajets mais seulement 26% des revenus venus des utilisateurs. « Cela s’explique par un modèle économique basé essentiellement sur des abonnements qui sont peu onéreux car très souvent subventionnés et offrant des trajets quasi illimité » explique fluctuo. En ce qui concerne les trottinettes partagées, Nicolas Gorse, Directeur Général France et Belgique de l’opérateur Dott, s’affirme rentable. « Nous avons poursuivi nos efforts pour proposer aux villes des solutions de mobilités efficaces et innovantes respectueuses de l’espace public. Ces efforts ont été récompensés, nous sommes aujourd’hui rentables et les villes de Paris et Lyon ont choisi Dott comme partenaire de confiance » déclare-t-il.

L’opérateur TIER souligne que son service de trottinette électrique est rentable et répond aux besoins de distanciation physique

Alexander Souter, directeur général pour l’Europe  de TIER mobility, également fournisseur de trottinettes partagées, s’affirme aussi rentable. « En 2020,  TIER a su montrer sa capacité d’adaptation, la solidité de son modèle économique et financier, atteignant même la rentabilité » déclare-t-il auprès de fluctuo. Il explique cette situation par le fait que la trottinette électrique est un outil de distanciation physique par excellence à l’heure du Coronavirus. « La trottinette électrique en libre service a connu une adoption massive à la sortie du premier confinement et donc une explosion de son utilisation » dit-il. Il a renforcé la présence de TIER en France. « Nous avons remporté des appels d’offres de Grenoble, Paris et Lyon, en passant en quelques semaines de 600 à 8100 véhicules en France. En fin d’année 2020, nous avons bouclé une levée de fonds de 250 millions de dollars, nous permettant de continuer notre expansion en France avec la volonté d’étendre nos services à 15 nouveaux territoires, d’accompagner les entreprises dans leurs plans de mobilité avec Tier For Business » annonce-t-il.

Une année 2020 entre grève et crise sanitaire

Il faut rappeler que l’année 2020 a été très particulière en termes de déplacements à cause des grèves et de la crise sanitaire. Fluctuo indique que la grève de SNCF et de la RATP a dopé l’usage de la mobilité partagée en début d’année. Puis le premier confinement a entraîné un arrêt quasi-total de l’activité. Il y a eu ensuite une croissance entre juin et septembre et une fin d’année en suspens. Le nombre de véhicules partagés mis à disposition du public a augmenté de 5% entre février et décembre 2020.

Après la grève RATP et SNCF, et une utilisation intense de leurs services, les opérateurs ont du remettre leurs flottes en état

En janvier, après 5 semaines d’utilisation intense pendant la grève RATP et SNCF, les opérateurs ont du remettre leurs flottes en état pointe fluctuo. On retrouve ainsi en février le même nombre de véhicules qu’avant la grève. Puis survient le 1er confinement national, du 17 mars au 11 mai, de nombreux services de trottinettes sont mis à l’arrêt et pour ceux qui sont toujours opérationnels, les flottes sont réduites. De mai à octobre, les appels d’offres pour les services de trottinettes partagées à Paris, Lyon et Grenoble entraînent une redistribution des cartes entre les opérateurs. Lors du second confinement national, du 30 octobre au 15 décembre, la plupart des services restent ouverts.

Les données utilisées pour la réalisation de ce baromètre de fluctuo ont été obtenues soit  directement auprès des opérateurs, soit via des flux « open data » soit via une analyse des applications mobiles des services concernés. fluctuo est une start-up, basée à Station F, spécialisée dans la collecte, le traitement et l’analyse de données provenant de services de mobilité partagée de vélos, trottinettes, scooters et voitures. La startup agrège les données de 150 services via une API temps réel et un outil de business intelligence permettant de connaître précisément l’offre et l’usage des services de mobilité partagée dans 60 villes européennes.

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