La Caisse d’Epargne remanie profondément ses agences sous la pression du digital


La Caisse d’Epargne souhaite que l’agence conserve toute sa place dans la relation-client, tout en prenant le meilleur du digital et de l’humain à la différence des banques qui parient sur une dématérialisation à l’extrême. L’agence bancaire devient un espace qui appartient au client.

Bornes tactiles, « bar à tablettes », wifi gratuit, … A Metz, dans un quartier en plein renouveau, la Caisse d’Epargne a ouvert une agence au concept inédit. Sur ce site de 300 m2 à deux niveaux, l’aménagement est pensé pour intégrer les nouvelles technologies sans qu’elles bloquent la relation humaine.

Ce nouveau concept d’agence met les écrans tactiles au service d’une nouvelle relation client. Visite du propriétaire avec Denis Mancosu, directeur distribution multi-canal qui estime que le client 100% digital ne se généralisera pas.


Question : quelle stratégie vous guide avec ce nouveau concept d’agence ?
Denis Mancosu : à Metz-Pompidou, nous voulons offrir le meilleur du digital et de la relation humaine. Et ce n’est pas qu’une formule. L’agence conserve toute sa place dans notre modèle de gestion de la relation-client. Même si bien sûr, son rôle change et changera encore.

Au-delà de Metz, la Caisse d’Epargne mène des expérimentations à Lille Faidherbe, Lyon Montplaisir et Strasbourg Les Halles. Ce sont des agences pilotes qui ont des histoires et des zones d’implantation différentes. Nous vérifions si les nouvelles fonctions que nous proposons correspondent aux usages de nos clients.


Question : pouvez-vous donnez un exemple ?
Denis Mancosu : par exemple, nous avons constaté que la borne d’accueil tactile n’est bien perçue que s’il y a une présence humaine à proximité, elle permet au visiteur d’annoncer son arrivée au conseiller avec qui il a rendez-vous. De manière générale, quand nous intégrons le digital dans une agence, il s’agit d’améliorer le parcours client plutôt que d’apporter une technologie pour la technologie.

Question : comment l’espace joue-t-il sur la relation client-conseiller ?
Denis Mancosu : l’aménagement de l’espace est révélateur de notre volonté de faire de l’agence un espace qui appartient au client. Les conseillers n’ont plus de bureaux affectés. Les entretiens se tiennent dans des salons de réception. C’est un lieu plus neutre que le traditionnel bureau du conseiller où il y a ses dossiers, son aménagement personnel. Cela équilibre la relation.

De même, il n’y a plus d’écran qui sépare l’espace entre le conseiller et le client. Ils travaillent côte à côte sur une tablette ou sur une table surface tactile. Ils co-construisent un projet. Une fois l’entretien terminé, le conseiller transmet au client par email les informations et les notes prises.

Question : comment travaillent les conseillers?
Denis Mancosu : en dehors de leurs rendez-vous, les conseillers sont réunis dans en open space. Ils sont équipés d’un micro-casque pour gérer à distance la relation avec leurs clients, par téléphone ou visioconférence.

Parmi les autres nouveautés expérimentées à Metz, il y a l’affichage dynamique en vitrine. Un écran interactif permet de feuilleter des campagnes et catalogues publicitaires ou des informations sur l’agence. C’est une solultion AirXTouch sans contact, de type Kinect de Microsoft qui est mise en place.

Avec nos 4000 agences, nous avons des kilomètres de vitrine. Cela peut paraitre gadget ou superfétatoire mais comme pour les tests sur les Google Glass et l’Apple Watch, il s’agit d’observer les usages mais aussi d’adapter nos processus.

Question : comment valoriser le rôle des agences ?
Denis Mancosu : quand un client se rend en agence, c’est pour demande plus complexe, un projet de vie à l’heure où les besoins courants sont désormais servis par l’appli mobile, le portail web, ou les automates. Mieux, la visioconférence permet d’apporter l’expertise partout, sans que l’expert en patrimoine ou en immobilier n’ait à se déplacer d’un site à l’autre. Ce qui est un plus pour les agences de moindre taille.

Bien sûr, tous ces changements supposent un important effort d’accompagnement auprès de nos 30 000 conseillers. Le mouvement est lancé depuis des années. La généralisation des échanges par email remonte à 2011. Les conseillers disposent d’une messagerie sécurisée à cet effet. Nous avons mis en place la signature électronique quand il s’agit de formaliser un engagement. Cette généralisation du mail a fait baisser les appels sur nos centres de relation clientèle qui, eux aussi, évoluent vers plus de compétences bancaires.

Question : la Caisse d’Epargne n’a pas de banque en ligne contrairement à ses grands concurrents, pour quelle raison ?
Denis Mancosu : nous ne croyons pas à la généralisation des clients 100 % digitaux. Une toute petite partie de la clientèle seulement adhère à ce mode de fonctionnement. Pour les projets importants, la plupart des personnes vont certes chercher l’information sur internet, murissent leur décision mais ensuite ils vont voir leur conseiller. Même avec notre agence virtuelle « Mon Banquier en Ligne » où toute la gestion se fait à distance, le client a un conseiller attitré. En janvier, avant que la rémunération du Plan épargne logement ne baisse de 0,5 point, nous avons enregistré mille souscriptions directes « full web ».

Question : quelle est la place du mobile dans votre stratégie ?
Denis Mancosu : l’application mobile est un succès avec 4,4 millions de téléchargements sur toutes les plateformes, iOs, Android, Windows Phone, BlackBerry ou Amazon. Avec ses pavés que l’on peut personnaliser, nous en avons simplifié l’ergonomie. On l’enrichit de nouvelles fonctionnalités. On va prochainement y rajouter la Bourse.

Fin 2014, nous avons lancé une autre appli, Howizi, qui cible plutôt les jeunes et permet de tester de nouveaux usages. Par exemple, nos jeunes clients nous ont fait savoir qu’ils consultaient leur solde tous les jours, voire plusieurs fois par jour, et qu’il était contraignant de devoir ressaisir leur code à chaque fois. Désormais, le solde s’affiche en ouvrant l’appli.

En revanche, pour faire une opération, il faut bien sûr toujours entrer le code. A la rentrée, nous allons aussi basculer le portail Caisse d’Epargne – un des sites français les plus fréquentés avec plus de 50 millions de visites par mois – en responsive design permettant une navigation aisée sur les smartphones notamment.

Photo : Denis Mancosu, directeur distribution multi-canal des Caisses d’Epargne (Crédit photo Thomas Gogny). 

Xavier Biseul

Xavier Biseul est journaliste. Il est spécialisé dans la transformation numérique des entreprises et les thématiques associées : l’e-commerce, le Big data, les médias sociaux, le marketing digital, le CRM, l’écosystème des startups. Il dispose également d’une connaissance approfondie du marché de l’emploi IT.

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