Le groupe de luxe Kering revoit son expérience client, sur fond d’adoption du Data Mesh

Kering possède des Maisons prestigieuses telles que Gucci, Yves Saint Laurent ou Bottega Veneta

Le groupe de luxe Kering facilite l’accès de ses équipes à ses données. De nombreuses entreprises font face aux mêmes enjeux. La rénovation de la gouvernance Data et l’adoption du Data Mesh ont été enclenchées il y a 2 ans. Côté nouveaux usages, Kering travaille depuis un peu plus d’un an sur l’amélioration de l’engagement client, la réduction du churn (départ du client) et la détection des VIC (Very Important Clients), les clients très importants.  

Kering est à la peine. Le groupe français aux marques prestigieuses telles que Gucci, Saint Laurent ou Bottega Veneta affiche des résultats en recul de -10% au 1er trimestre 2024 malgré un confortable chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros. En particulier, le chiffre d’affaires de ses magasins est en baisse de 11%, du fait d’une baisse de fréquentation. En 2023, Kering employait 49 000 salariés pour un chiffre d’affaires de 19,6 milliards d’euros.


Une meilleure utilisation de la donnée dans le groupe

Pour le groupe de luxe, l’expérience client en boutique doit faire l’objet de toutes les attentions. Kering s’est mis en ordre de marche afin de mieux utiliser ses données de manière transverse. Un premier cas d’usage concerne les VIC (Very Important Clients). Les VIC sont les segments clients les plus hauts des maisons de luxe. Ces clients sont particulièrement suivis et bénéficient d’un traitement spécifique.

Kering a défini des critères communs à ses Maisons pour identifier les clients très importants, les VIC (Very Important Clients)

Cette analyse des VIC et du churn a été rendue possible de manière transverse pour toutes les Maisons du groupe. Kering s’emploie à  détecter les hauts potentiels qui peuvent devenir VIC au sein de sa base clients existante. Et une fois que ces clients sont devenus VIC, le groupe cherche évidemment à les empêcher de quitter le groupe. Cette analyse a été réalisée en transverse pour toutes les maisons de Kering. L’analyse a été rendue possible parce que les définitions avaient été alignées au sein des différentes maisons, et que la manière de calculer les indicateurs a été standardisée. Cela a permis de comparer les résultats de ces analyses entre maisons sans débat avec chacun des interlocuteurs.  

C’est grâce à cela que Kering a pu voir des comportements prédictifs de churn ou de haut potentiel. Finalement, il y a des « patterns », c’est-à-dire des modèles, très communs entre les maisons du groupe. L’équipe Data a proposé aux maisons de créer des « flags », des alertes, de détection soit de churn soit de haut potentiel, calculés tous les jours, afin d’aider les vendeurs dans les boutiques à bien gérer ces risques de churn et ces opportunités de haut potentiel.

Une application simple pour la gestion client

Il ne s’agit pas de scoring ni d’intelligence artificielle, mais de la simple consolidation de quelques signaux de comportements clients dans leur historique d’achat, dans leur historique de points de contact avec le magasin, sur le site e-commerce ou autres. Ces signaux, ces flags sont poussés dans l’application de clienteling (gestion de la relation client), qui est proposée au niveau groupe, qui est donc la même pour toutes les maisons.

Le vendeur en boutique dispose dans son application de clienteling des alertes sur les clients à risque de churn et ceux éligibles au statut de VIC

Chaque matin, un vendeur qui arrive en boutique, qui ouvre son application de clienteling et qui regarde la situation de son portefeuille client, va avoir potentiellement l’un de ces flags qui peut se déclencher sur plusieurs de ses clients et donc va savoir que tel client est à risque de churn. C’est au vendeur d’enclencher une action. Kering lui laisse toute la latitude dans l’action qu’il souhaite déclencher, mais il a l’information que sur ce client-là, il y a un risque réel de churn. Le vendeur dispose également de l’information sur le fait  qu’un client est à haut potentiel pour devenir un VIC. A lui de voir ensuite l’action qu’il souhaite enclencher. Les vendeurs sont la clé de voute du dispositif puisque Kering mise sur leur expertise afin de gérer leur portefeuille clients.

Ces « flags » ont été déployés depuis un peu plus d’un an maintenant progressivement pour toutes les maisons de Kering. Ils ont été développés de la même manière et déployés de la même manière pour toutes les maisons. Résultats ? Cela a permis de bien réduire le churn effectivement des VIC et dans une moindre mesure, il y des résultats positifs, des améliorations sur la mise à jour des clients à haut potentiel. Le tout confirme l’intérêt pour le business de ces « flags ».

Une information simple à comprendre

Il y a eu également beaucoup de retours très positifs du terrain de la part des vendeurs qui ont remercié la praticité de ces flags. Ces flags ne sont pas une boîte noire, les vendeurs comprennent pourquoi tel client a été indiqué comme churner ou haut potentiel. Cela leur facilite la vie sans être trop assertif sur ce qu’ils doivent faire. « Il y a donc une meilleure satisfaction employé. Et on l’espère, c’est plus difficile à mesurer, une meilleure satisfaction client aussi, probablement, de pouvoir être contacté au bon moment, potentiellement, dans leur cycle de vie client » estime-ton chez Kering.

Les bénéfices de l’application de traitement du churn et du statut de VIC ont été communiqués au Top management

Cette application est une conséquence positive issue de la mise en place de la gouvernance des données. Ses résultats ont été communiqués au Top Management du groupe de luxe, impatient de voir les bénéfices d’une telle transformation. Ce programme de gestion des flags pour les clients VIC a été rendu possible grâce au programme de transformation de la gouvernance Data de Kering lancé à la mi 2022.


Cette transformation de la Data Governance s’illustrait par la nécessité de disposer de données acceptées par tous. Lors de discussions sur l’analyse des données clients pour une Maison du groupe, très vite, les questions se focalisaient sur l’origine des données, le taux de change employé, la manière de prendre en compte les clients B to B et la compréhension des écarts entre les chiffres groupe et les chiffres de la maison. « Les problèmes de data gouvernance étaient vraiment très importants chez Kering » se souvient-on chez Kering. 

Des dizaines de tableaux de bord chez Kering

Le groupe de luxe possède des dizaines de tableaux de bord autour de la donnée client qui se sont développés en quelques années seulement. Le groupe a également un outil d’accès en No code aux données clients qui permet des analyses assez poussées. Il est passé de quelques dizaines d’utilisateurs à plus de 700 aujourd’hui, avec des utilisateurs initialement uniquement aux sièges et qui maintenant se développent aussi en région et jusque dans les magasins. Les profils des utilisateurs de la donnée sont donc très divers, certains étant très peu experts.

Il pouvait y avoir autant de résultats différents que le nombre de personnes qui avaient travaillé sur ce KPI

Tous ces utilisateurs, de plus en plus, utilisent dans leur quotidien les data clients qui sont mises à leur disposition. Cette montée en puissance s’est accompagnée toutefois d’un désalignement des KPIs calculés. Suivant l’outil utilisé, suivant l’équipe qui sort les chiffres, il pouvait y avoir autant de résultats différents que le nombre de personnes qui avaient travaillé sur ce KPI. L’autre difficulté, c’est que Kering avait une seule équipe Data très technique centralisée. Elle s’est retrouvée noyée de demandes d’évolution sur les data existantes et de nouvelles data à ingérer, avec de plus en plus de personnes qui les sollicitaient. Elle faisait face à des difficultés pour prioriser toutes ces demandes data.

C’est pour cela que Kering a décidé de lancer son programme de transformation Data, il y a deux ans. Dans cette transformation, Kering a repris les grands principes du  Data mesh. Le groupe a créé 11 domaines Data au sein de l’entreprise, cela de la supply chain (la chaine logistique) à la sustainability (le développement durable), en passant par les clients ou les RH.

Une organisation des données selon les domaines métiers

Chaque type de data a maintenant son domaine data, avec une équipe pluridisciplinaire qui intègre à la fois des profils business, donc qui connaissent l’utilisation de cette data, et des profils techniques qui vont pouvoir créer les Produits Data, les data products sur lesquels Kering travaille maintenant et faire les développements techniques nécessaires, ainsi que gérer toute l’orchestration data ensuite.

Tous les domaines travaillent désormais sur Google Cloud Platform de manière standardisée, sous la forme de Data Product

Les équipes pour chaque domaine se sont créées avec des réunions et des consolidations d’équipes qui n’avaient jamais travaillé ensemble. Elles travaillent toutes sur la même plateforme GCP (Google Cloud Platform). Kering est encore en cours de migration de toutes ses données sur cette plateforme. Tous les domaines travaillent désormais sur cette plateforme de manière standardisée, sous la forme de Data Product.

Tous les domaines publient, exposent de la donnée, de la de la même manière et la documentent aussi de la même manière, via les mêmes processus, dans un même catalogue Data pour tout le monde, avec également des principes de qualité et de monitoring de cette qualité data qui sont homogènes entre tous les domaines.

Faciliter l’accès aux données permet de développer les cas d’usage

Cela simplifie la tâche des utilisateurs. Si quelqu’un a besoin de croiser des données clients avec des données de vente, avec des données de produits, tout est au même endroit, tout est décrit et conçu de manière standard. Cela permet d’aller beaucoup plus vite dans l’utilisation de cette data.  Cette facilitation de l’accès à la donnée a permis de développer les usages.

Kering cherche à rendre l’accès simple à la data pour tous les profils, et pas uniquement les profils techniques mais jusqu’aux vendeurs en magasin

Kering pour autant a loin d’avoir fini. Le groupe fait face à trois grands défis en matière de Data. Il insiste sur l’accès facile à la Data afin de réussir sa gouvernance des données. Kering cherche au maximum à rendre l’accès simple à la data pour tous les profils, et pas uniquement les profils techniques qui peuvent aller faire une requête dans GCP directement et en toute autonomie, mais jusqu’aux vendeurs en magasin et que chacun puisse avoir accès au bon jeu de données pour pouvoir prendre des décisions vraiment pilotées par la donnée.

Kering continue donc de travailler sur cette facilitation de l’accès. Un outil No code est en train d’être développé pour accéder à toutes ces données qui va remplacer le précédent avec des nouvelles caractéristiques et des nouvelles capacités.

Mise en place d’un cercle vertueux sur la gouvernance des données

« L’un des principes dans lesquels on croit c’est que plus on donne cet accès à une data qui est gouvernée, qui vient d’un seul endroit, qui a une seule ‘source of truth’, qui est calculée de la même manière pour tout le monde, et plus la gouvernance va s’installer de manière assez naturelle » affirme Kering. Deuxième point, l’organisation en charge de la data gouvernance permet d’aller plus loin dans la consolidation des données autour du client. Kering souhaite améliorer la vision 360 de ses clients.

Kering veut consolider les données qui viennent du e-commerce, du média, du service client et de tous les points de contact CRM

Le groupe continue à travailler sur la consolidation, la remontée, le bon matching des données qui peuvent venir du e-commerce, du média, du service client et bien sûr de tous les points de contact CRM pour continuer à avoir une data de plus en plus riche à analyser, à étiqueter comme le groupe a pu le faire sur les VIC flags (alertes sur les clients très importants). Dernier point, Kering entend travailler sur l’alimentation en Data de ses systèmes opérationnels.

Dans un premier temps, la gouvernance data a ciblé l’usage analytique. Le groupe a aligné tous les modèles d’analyse data qu’il pouvait avoir. Kering a défini des règles qui s’appliquent au niveau du groupe, tout en gardant la souplesse de pouvoir sortir de ces règles pour un cas d’usage en particulier. Kering n’est pas encore intervenu sur l’alimentation en data de ses systèmes opérationnels.

Alimenter en données les systèmes opérationnels

Mais les systèmes opérationnels sont plus critiques s’ils n’ont pas à un moment la data accessible pour fonctionner. Kering ne veut pas que la data soit sur le chemin critique d’une vente. Néanmoins, il faut que ces systèmes opérationnels reçoivent la même data que ce qui est disponible pour les usages analytics et en Business Intelligence.

Or, actuellement si on ouvre un tableau de bord sur de la donnée client chez Kering et que l’on va dans l’application de clienteling, on ne voit pas encore tout à fait la même donnée. Cela commence à être de plus en plus fortement remonté par toutes les équipes. « Donc, c’’est notre prochain challenge pour trouver les bonnes solutions techniques et de gouvernance pour aligner encore plus entre les systèmes analytics et opérationnels » conclut-on chez Kering.

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