Le défi du seau de glace lancé à François Hollande par Albert 1er de Monaco est quasiment passé inaperçu tellement les bad buzz s’abattent sur l’image du Président de la République. Bien qu’il ne verse pas dans le « bashing, » ce défi concourt à la désacralisation de la fonction présidentielle en France.
Des sondages de popularité qui n’en finissent pas de chuter, un secrétaire d’Etat à peine nommé déjà congédié pour indélicatesse avec le fisc, le livre d’une ex-compagne qui règle ses comptes au vitriol, des ex-ministres virés qui balancent à la sulfateuse.
La présidence de François Hollande subit un chaotique feuilleton que même les scénaristes tortueux de la série « House of Cards » n’oseraient imaginer. Dans ce fatras réputationnel, Albert 1er de Monaco en a rajouté une louche en défiant le président de la République pour qu’il participe à l’opération virale sans précédent du « Ice Bucket Challenge » contre la maladie de Charcot.
Le défi qui fait déborder le seau ?
Comme s’il ne lui tombait pas assez d’avanies publiques sur la tête depuis des mois, François Hollande vient de se voir nommé au défi qui fait le buzz : l’« Ice Bucket Challenge ». Le « coupable » : le monarque de la principauté de Monaco en personne ! Ainsi donc, Albert 1er de Monaco entend que l’hôte de l’Elysée se verse un seau de glaçons sur le crâne pour soutenir la cause médiatique contre la maladie de Charcot.
En soi, François Hollande n’est pas le premier chef d’Etat à être aimablement invité à faire le pitre trempé sous des litres d’eau frigorifiée. Vladimir Poutine et Barack Obama ont tour à tour été sollicités ces récentes semaines.
L’un comme l’autre ont décliné officiellement le challenge à relever. Barack Obama a même délégué son porte-parole officiel pour souligner que « le président apprécie que Mme Kennedy ait pensé à lui pour ce défi, mais il participera en signant plutôt un chèque en faveur de l’ALS ». Devant l’incongruité de la posture qu’implique ce buzz viral, le département d’Etat américain a même interdit aux ambassadeurs et au personnel diplomatique du pays de se prêter au jeu au motif que cela bafouait les règles éthiques entre public et privé quelle que soit la cause défendue.
Où est le chef ?
A l’heure d’aujourd’hui, le pari caritatif lancé par le prince monégasque à François Hollande est certes resté lettre morte mais sans réponse élyséenne négative non plus. Comme si finalement interpeler un président de la République était aussi banal et basique que solliciter ses potes et son entourage professionnel pour alimenter la chaîne virale de l’« Ice Bucket Challenge ».
Dans une intéressante interview accordée à Atlantico, l’auteur historique Jacques Charles-Gaffiot estime que le défi lancé par Albert 1er à François Hollande découle pleinement de la désacralisation de la Présidence que ce dernier n’a cessé de cultiver depuis son élection.
Or, pour Jacques Charles-Gaffiot, c’est un coin de plus enfoncé dans l’image chancelante du chef d’Etat français (1) : « La retenue du chef conditionne la reconnaissance de sa légitimité par les peuples. (…) A ce moment-là, autant demander au pape François, aussi ouvert sur le protocole soit-il, de se verser un seau d’eau glacée sur la tête. La fonction commande la retenue, sinon cela signifie que le détenteur de l’autorité n’est pas à sa place ».
Le bashing se diffuse
Pourtant, François Hollande est loin d’être un mollasson débonnaire sur lequel quantité de détracteurs et d’adversaires s’essuient les pieds à bon compte. Mais de cela, il est le premier responsable avec la volonté chimérique d’entretenir le mythe intenable du président normal.
Sitôt élu en 2012, les premières flèches vachardes n’avaient d’ailleurs pas manqué d’être décochées. On peut se souvenir de l’histoire du Falcon affrété spécialement entre Tulle et Paris pour transporter François Hollande et son staff de campagne. Que n’avait-on pas glosé sur ce président normal voyageant en jet privé !
La suite des événements a été à l’aune de cet grand écart communicant inaugural. Ces derniers temps, tout est bon pour ridiculiser, torpiller, moquer le président de la République. Celui-ci commémore-t-il les 70 ans de la Libération de la France sous un déluge météorologique sur l’île de Sein qu’aussitôt les vannes, les critiques et les sobriquets affluent dans les médias et sur les réseaux sociaux.
D’aucuns avaient même parlé là de « présidence Ice Bucket » ! Plus récemment, c’est une photo de François Hollande au sommet de l’OTAN qui déclenche à nouveau les quolibets. On y voit le président regarder dans le sens inverse de tous les autres dirigeants réunis. La communication de l’Elysée s’empressera de diffuser une autre photo pour rectifier le tir. Qu’importe, le mal est fait.
De la normalité à l’anormalité ?
Même s’il a moins marqué la chronique médiatique, le challenge d’Albert de Monaco n’en constitue pas moins une énième marque de désacralisation de la fonction de président de la République. Elle est du même niveau que celle de l’ex-ministre Arnaud Montebourg qui débouchait devant les caméras de télévision sa provocatrice Cuvée du Redressement. Sans parler des livres règlements de comptes de Cécile Duflot et bientôt de Delphine Batho qui à peine exfiltrées du gouvernement, pilonnent la gouvernance instaurée par François Hollande.
L’Elysée a bien timidement en parallèle répliqué à la publication assassine du livre de Valérie Trierweiler en rappelant que (2) « la fonction présidentielle doit être respectée. (…) Pas pour protéger la personne mais pour protéger nos institutions ». C’est bien trop peu et surtout trop tard.
François Hollande est devenu un punching-ball. Injuste ou pas, François Hollande paie le tribut amer de sa théorie de la normalité à tel point que même un prince d’opérette lui demande de se verser un seau d’eau glacée sur la tête ! La communication présidentielle est-elle maintenant en phase terminale ?
Sources
– (1) – « Ice Bucket Challenge : Albert de Monaco peut-il se permettre ce que François Hollande ne peut plus ? » – Atlantico – 4 septembre 2014
– (2) – « François Hollande et les « sans-dents » : « Je suis au service des plus pauvres » – France TV Info – 5 septembre 2014
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Olivier Cimelière
Littéraire dans l’âme, journaliste de formation et communicant de profession, voilà pour le tableau synoptique express d’Olivier Cimelière. Olivier a 20 ans d’expérience et un parcours plutôt original dans des secteurs d’activité très variés. Expert en stratégie de communication d’entreprise et de réputation des dirigeants, il est directeur d’Heuristik Communications et anime le blog du communicant 2.0. Depuis avril 2014, il est directeur associé de l’agence d’image et opinions Wellcom.