L’intelligence artificielle dans la santé : patients et médecins tiraillés entre craintes et espoirs


Quant il s’agit d’intelligence artificielle, le décalage est net entre la perception des patients et la réalité des professionnels de santé. Les patients surestiment la place de l’intelligence artificielle dans les pratiques médicales. Mais les patients et les médecins sont aussi indécis sur les risques et les bénéfices de l’intelligence artificielle.

Comme souvent, les promesses et la communication vont plus vite que la réalité. L’étude Ipsos consacrée aux usages technologiques, en particulier de l’intelligence artificielle, dans l’univers de la santé le démontre une fois encore.


Première conclusion, il existe un évident décalage entre les perceptions des patients et celles des professionnels de santé. Les premiers ont tendance à surestimer la place de l’intelligence artificielle dans les pratiques médicales.


5% des médecins ont eu recours à l’intelligence artificielle dans les décisions médicales

Par exemple, près de la moitié des patients interrogés (45%) estime que l’interprétation automatisée de l’imagerie médicale est souvent utilisée. Ils sont quasiment autant (46%) à estimer que cette technologie est rarement employée. Or, dans la réalité, seulement 4% des professionnels de santé interrogés déclarent avoir effectivement utilisé cette technologie.

Le recours à des algorithmes dans l’aide à la décision est également surestimé par rapport aux usages réels. Près de 1 patient sur 5 (18%) pense que cette technologie est utilisée souvent ou quotidiennement. Dans les faits, seulement 5% des médecins témoignent de leur utilisation.


Patients et médecins sont plus en phase sur d’autres points et partagent ainsi la même ambivalence sur la question des risques et des bénéfices de l’intelligence artificielle. Ils anticipent ainsi un gain en matière de fiabilité des soins, pour 38% des professionnels et 36% des patients.

La sécurité des données préoccupe largement les patients

Ces bénéfices ont une contrepartie majeure, partagée, qui est la déshumanisation de la relation entre patient et médecin (respectivement 44% et 30%). Une inquiétude diffuse est présente puisque seuls 17% des sondés considèrent que l’usage de l’intelligence artificielle dans la santé ne présente aucun risque.

Des divergences réapparaissent sur la perception de certains risques. La déshumanisation des relations en est un, mais pas le seul. La sécurité des données personnelles de santé préoccupe largement les patients (94%).

Cette inquiétude est sous-évaluée par les professionnels, qui ne sont que 73% à estimer que leurs patients y accordent de l’importance. L’écart atteint donc 20 points. Les pharmaciens, « beaucoup plus sensibilisés au sujet », constituent une exception cependant.

« 88% d’entre eux [NDLR : des pharmaciens] estiment que les patients y accordent de l’importance et 53% pensent même que les patients accordent une importance très grande à la sécurité de leurs données personnelles » précise l’étude.

La DMP et les logiciels de santé inquiètent plus que les Gafam

Mauvais point pour les pouvoirs publics et leur volonté de dématérialiser les données médicales, grâce notamment au DMP (8 millions de dossiers ouverts) : les patients font confiance aux praticiens, non aux outils. Cette situation peut s’expliquer par une lacune en termes d’information.

« Les patients (65%) et, dans une moindre mesure, les professionnels de santé (50%) manifestent en tout cas une méfiance vis-à-vis des applications de santé et des objets connectés, dont le nombre tend pourtant à se multiplier » mesure Ipsos.

Autre paradoxe : les patients sont certes soucieux de la sécurité de leurs données de santé, mais peu préoccupés par le rôle des géants du numérique dans ce domaine, les Gafam (Google Apple Facebook Amazon et Microsoft). L’explication principale en serait la faible information (34%) des patients.

Conséquence : « Ce décalage d’information peut expliquer la divergence d’appréciation des professionnels de santé qui sont 62% à estimer que les investissements des Gafam dans le champ de la santé n’apporteront aucun bénéfice, alors que seulement 44% des patients interrogés sont du même avis. »

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