Google et Facebook désormais concurrents directs de la TV linéaire, selon le patron de TF1

Gilles Pélisson, TF1

Google et Facebook deviennent les concurrents directs de TF1 et M6 quand il s’agit de capter les budgets publicitaires TV. C’est ainsi que Gilles Pélisson, PDG du groupe TF1, justifie le rachat en cours de M6 par TF1. Il a pris la parole le 7 septembre, à l’occasion de l’événement de rentrée de l’Udecam, l’Union Des Entreprises de Conseil et Achat Média, superbement organisé au Parc floral à Paris.

Le sens de l’histoire c’est le « total vidéo », le streaming

« A partir du moment où le sens de l’histoire, c’est le total vidéo, le streaming, le marché c’est la concurrence entre la télévision linéaire et le marché du digital pour la publicité » résume-t-il. « On ne regarde plus la TV en linéaire comme on le faisait autrefois, on utilise une multitude d’appareils interconnectés. Les grandes plateformes ont changé ces usages » précise-t-il. Mais la fusion entre TF1 et M6 ne risque-t-elle pas d’amener une hausse des tarifs publicitaires pour les annonceurs puisque les deux groupes seront en position de force en captant 70% des budgets publicitaires TV ? Le PDG de TF1 ne répond pas et attire plutôt l’attention sur Google et Facebook et leur poids prédominant dans le digital.

« Le gros marché de la publicité en France, c’est le digital à plus de 8 milliards d’euros »

« Le gros marché de la publicité en France, c’est le digital à plus de 8 milliards d’euros. Google, Facebook voire Amazon, pèsent 80% du marché digital. Au fil des années, les 3 milliards de publicité [TV] traditionnelle du marché sont devenus un tout petit marché. L’affichage et la presse n’ont plus que leurs yeux pour pleurer » répond le PDG, suggérant un nouveau monde où la publicité TV sera diffusée sur tous les médias digitaux et sur la TV linéaire, indifféremment avec des usages qui changent.  

Le poids très important des Gafa est également souligné par Roch-Olivier Maistre, Président du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) qui est lui aussi intervenu lors des rencontres de l’Udecam. Cette prédominance des Gafa lui suggère une justification pour le rapprochement entre TF1 et M6 alors que le CSA est à la veille d’étudier le dossier du rachat de M6 par TF1. « Le triopole Google-Facebook-Amazon a concentré au 1er semestre de 2021 pas moins de 70% des recettes publicitaires du marché numérique. Ce sont des acteurs qui concentrent et valorisent des temps d’audience très élevés. La concurrence est très rude » dit-il.

Le numérique est le seul support à avoir été en croissance en 2020

Un argument qui l’amène à considérer avec un esprit d’ouverture le rapprochement entre TF1 et M6. La crise sanitaire de la Covid-19 a de plus renforcé le pouvoir des Gafa sur le marché publicitaire. « Le marché de la publicité TV s’est contracté sur l’année [2020] de plus de 10%. C’est un choc qui est très fort. A l’inverse, la publicité sur internet a nettement mieux résisté à la crise avec une croissance de l’ordre de +3% en 2020 » cite-t-il. Le numérique est le seul à avoir connu une croissance de ses revenus par rapport à 2019.

« En 2020 pour la 1ère fois, le numérique aura capté en France, plus de la moitié du marché publicitaire« 

Le Président du CSA voit la crise sanitaire comme ayant confirmé des tendances de fond quand il s’agit des choix des annonceurs en matière de dépenses publicitaires. Il voit le poids croissant des grands acteurs du numérique, qui concentrent une grande partie des recettes publicitaires. « En 2020 pour la 1ère fois, le numérique aura capté en France, plus de la moitié du marché publicitaire, ce qui confirme une tendance que l’on observe au niveau mondial » dit-il.

Côté télévision, on récupère doucement du choc de 2020 et de la pandémie. L’année dernière aura été un paradoxe avec un accroissement du temps passé devant la TV et une chute des revenus publicitaires. « Sur la TV, on a perdu à peu près 500 millions d’euros [de publicité] entre 2019 et 2020. On comptait récupérer la moitié et je pense que l’on fera mieux [en 2021]. Est-ce que l’on atteindra les chiffres de 2019 ? C’est une prévision un peu optimiste mais on essaiera de s’en rapprocher » considère David Larramendy, Directeur général de M6 Publicité et Président du SNPTV (Syndicat National de la Publicité TV).

Alléger le cadre réglementaire sur la publicité TV plutôt que de rendre la vie dure à Facebook et Google

Que faudrait-il faire pour sauver la publicité en TV linéaire ? « Nous avons des règles qui nous réglementent qui sont totalement archaïques. A chaque fois que l’on essaye de les faire bouger, par exemple pour la pub pour le cinéma, cela nous prend 12 mois, 18 mois. Pendant ce temps, les autres [Google et Facebook] croissent et ils ont bien raison » débute le dirigeant. « Nous, nous avons besoin de plus de Data, donc on commence un petit peu avec la publicité segmentée. Cela se développe bien mais on est encore très loin d’avoir une offre qui soit complètement compétitive. Donc on espère que cela va s’alléger d’un point de vue réglementaire » demande-t-il. « Côté réglementation, on n’est absolument pas pour que l’on rende la vie plus dure à des Facebook ou des Google » insiste-t-il.

« Sur le digital, la dynamique de croissance est de +42% pour ce premier semestre 2021″

Sur le terrain, le digital a effectivement le vent en poupe. Mais devant la prédominance de Google et Facebook, Sylvia Tassan Toffola, directeur général de TF1 Pub et Présidente du SRI (Syndicat des Régies internet) demande que les agences et les annonceurs s’engagent dans une démarche plus responsable afin de mieux répartir les budgets publicitaires car la publicité finance la presse. « Sur le digital, la dynamique de croissance est de +42% pour ce premier semestre 2021, c’est +37% par rapport à 2019. En termes de volume c’est + 1 milliard d’euros, donc c’est assez conséquent » présente-t-elle. « Après derrière cela, il y a un marché à deux vitesses. Le Display aujourd’hui en France, ce n’est que 18%. Le Search [NDLR : Google] c’est 40%. Et donc le grand gagnant, c’est le social [NDLR : Facebook]. Le social c’est +77% de croissance par rapport à 2019 » poursuit la dirigeante.

« Il y a un déséquilibre, une dichotomie, entre certains acteurs dans l’univers digital, et une pénibilité, une souffrance de plus en plus forte des médias historiques » analyse-t-elle. Elle plaide pour un meilleur partage des revenus. « En ce qui concerne l’enjeu de la « fair share » [« partage équitable], de l’équilibre, on n’y est pas. Nous n’y sommes pas du tout. Il va falloir que l’on arrive avec les agences, et avec les marques à s’engager sur une forme de rééquilibrage » demande-t-elle. Pour Sylvia Tassan Toffola, il s’agit d’un enjeu de pluralisme et de démocratie. La publicité servant à financer la presse, il faut maintenir des budgets des annonceurs sur ce type de support.

Les contenus sont un levier d’action clé des médias selon le PDG de TF1

La pression monte à cause du poids grandissant des géants du digital. « Je ne suis pas dans le discours de dire que tout est démoniaque dans le digital. Mais c’est cette complémentarité et cet équilibre qui fera que l’on s’en sortira. Parce que pour certains d’entre nous, il y a une question de survie » prévient-elle. Dès lors, quelle sera l’arme ultime pour répondre à la menace des géants du digital ? C’est la création de contenus, répond Gilles Pélisson, PDG de TF1. « Il faut continuer à investir dans les contenus. ‘The content is king’, c’est cela qui va créer l’intérêt » conclut-il.







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