Le ministère de la justice américaine lance ses juristes contre Google. Depuis mardi matin, Google est accusé officiellement d’abus de position dominante dans les recherches sur internet et dans la publicité liée à la recherche. « Google est un monopole en vertu des principes antitrust traditionnels et cela doit être arrêté » exprime le ministère de la Justice (DOJ Department of Justice).
11 Etats américains rejoignent le ministère de la Justice
« Nous demandons au tribunal de briser l’emprise de Google sur les recherches internet » ajoute-t-il. L’affrontement juridique qui débute devrait durer des années. Onze États ont rejoint le ministère de la Justice dans son action. Si le ministère de la Justice l’emportait, Google pourrait être amené à se réorganiser voire à se scinder en plusieurs entités indépendantes.
Côté Google, on considère que les consommateurs ont choisi son moteur de recherche de leur propre gré et qu’une intervention de la justice n’amènera que le soutien artificiel de moteurs de recherche alternatif de moindre qualité, augmentant le prix des téléphones mobiles et rendrait plus difficile l’obtention de services de recherche souhaités par les clients. C’est la réaction de Kent Walker Senior Vice President Google Global Affairs and Chief Legal Officer.
Des pratiques jugées anti concurrentielles
Google est soupçonné d’avoir étouffé ses concurrents, à l’instar des pratiques de Microsoft qui l’avait amené à être poursuivi dans le cadre d’une procédure antitrust en 1998. Google est accusé de payer des milliards de dollars pour que son moteur de recherche soit préinstallé sur les téléphones Apple, idem sous Android, où l’on trouve son navigateur web et sa messagerie au détriment des solutions de ses concurrents.
Google déclare payer Apple comme une marque de céréales pourrait payer un supermarché pour placer ses produits à hauteur des yeux
Le ministère de la Justice américain estime dans sa poursuite contre Google qu’entre 8 milliards de dollars et 12 milliards de dollars sont versés par Google sur 1 an pour être le moteur de recherche préinstallé sur Safari, le navigateur web d’Apple, et être le moteur de recherche employé par Siri, l’assistant vocal d’Apple et Spotlight, son moteur de recherche. « Cela représente entre 15% et 20% des revenus nets d’Apple dans le monde » relève le ministère de la Justice.
Le moteur de recherche de Google n’est pas neutre
La loi Sherman est évoquée par le ministère de la Justice. Certains considèrent que c’est une erreur car cette loi s’appuie sur les dommages causés aux consommateurs, or la plupart des services grand public de Google sont gratuits. Le ministère de la Justice pointe que l’action de Google a amené des services de recherche de moindre qualité, en particulier en ce qui concerne la protection des données.
« Le moteur de recherche de Google n’est pas une passerelle neutre vers l’information sur le web, c’est un ensemble d’algorithmes conçus pour rendre Google le plus riche possible » avertit David Dinielli, consultant chez Omidyar Network et ancien responsable antitrust au ministère de la Justice américain, cité dans la presse américaine.
Hasard du calendrier, la question de la régulation des plateformes fait l’objet cette semaine d’une analyse intitulée « Plateformes numériques : réguler avant qu’il ne soit trop tard » de la part du Conseil d’analyse économique, service auprès du Premier ministre, en France. Son verdict ? Mettre les autorités de la concurrence et le public aux commandes. Le démantèlement n’est à envisager qu’en dernier recours, tant ses effets sur la concurrence sont incertains et sa mise en œuvre complexe et coûteuse. Les auteurs de la note recommandent de mieux armer les autorités de concurrence en leur confiant cette régulation. Il est impératif de renforcer l’expertise technique des autorités de concurrence dans les domaines de l’informatique et des sciences des données notamment.
Les auteurs veulent donner davantage de pouvoirs aux usagers et aux consommateurs en permettant la portabilité non seulement des données mais aussi de l’identité pour favoriser la migration vers des plateformes concurrentes et le « multi-homing ». L’idée est d’implémenter une portabilité de « l’identité » plutôt qu’une portabilité des « données » ou encore de confier au consommateur la propriété de toutes les connexions numériques qu’il crée. La portabilité signifierait alors la possibilité pour le consommateur de transporter son « graphe social » d’une plateforme à une autre.
Davantage de transparence doit également être imposée par l’ouverture renforcée des interfaces et l’implication des citoyens et des experts dans l’expérimentation et le contrôle des algorithmes. Les auteurs recommandent une refonte à l’échelle européenne de la régulation du numérique centrée sur le contrôle des technologies de collecte et d’usage des données d’utilisateurs mises en place par les plateformes « structurantes ». La puissance publique doit mettre en place des solutions en amont pour réguler efficacement les plateformes numériques, en se basant sur une connaissance fine des mécanismes propres à leur fonctionnement.