François-Xavier Enderlé de Groupama : « l’épine dorsale de notre transformation digitale est l’omni-canalité »

François-Xavier Enderlé, directeur de la Transformation Digitale, Groupama

Au sein de Groupama depuis 2015, François-Xavier Enderlé est en charge de la transformation digitale du groupe mutualiste depuis 2022. Il fait le point sur les évolutions et les projets de l’entreprise, et partage sa vision de l’IA générative pour le secteur. Il interviendra lors de l’événement Innovation Assurance le 8 février 2024 à Paris.

Où en est la transformation digitale dans le groupe Groupama ?
François-Xavier Enderlé :
 l’épine dorsale de notre transformation digitale est l’omni-canalité. Si votre véhicule tombe en panne au bord de la route, vous gardez le choix de commander une dépanneuse via votre smartphone, ou de parler à un opérateur de vive voix. Le client conserve aussi le choix par rapport au conseiller, une visite en agence ou le « selfcare ».


Nous avons été pionnier sur le sujet du digital. D’abord avec le monde agricole, avant de nous diversifier. Je tiens à rappeler que nous avons été l’un des premiers à assurer la pousse de l’herbe dans les champs – c’est remarquable ! Associer le digital au monde agricole, ça n’a pas été toujours évident, mais nous l’avons fait. Et nous sommes désormais leader de l’assurance agricole en France.

« La direction de la transformation digitale doit identifier les grandes évolutions technologiques et sociétales qui transformeront la relation avec nos clients »

Aussi, nous avons depuis de nombreuses années une direction de la transformation digitale, ce qui n’est pas le cas de tous les grands de notre secteur. Il s’agit avant tout d’une direction métier qui transforme le groupe par le digital et pour le digital, au service de nos clients et de nos collaborateurs. Cette direction provoque et porte la transformation, en prenant soin de comprendre les enjeux et les ambitions de nos clients, ceux d’aujourd’hui, mais aussi de demain. Cette direction doit donc identifier les grandes évolutions technologiques et sociétales qui transformeront la relation avec nos clients. Lorsque la pandémie a commencé, nous étions déjà prêts, mais nous avons aussi fait un grand bond en avant et nous nous sommes ajustés en permanence, aussi bien pour les clients que pour les collaborateurs.

Comment l’intelligence artificielle va-t-elle s’insérer dans cette transformation ?
Comme beaucoup d’assureurs, nous nous servons de l’intelligence artificielle (IA) déjà depuis une dizaine d’années pour des usages assez basiques. C’est le cas pour la fraude notamment. Je rappelle que 10 % à 15  % des déclarations de sinistres sont concernées au niveau du marché. L’IA nous a permis de réduire, ou du moins de mieux maîtriser, ce sujet.

« Les technologies d’IA génératives vont déplacer nos forces humaines sur d’autres maillons de la chaîne de valeur »

Notre direction de la transformation digitale est constamment en veille technologique. Elle a suivi l’essor des IA génératives, ce qui nous a permis de prendre la balle au bond depuis le début de l’année 2023 afin de savoir s’il fallait l’intégrer ou non, et si oui, comment le faire tout en restant aligné avec nos valeurs. Nous sommes d’ailleurs le premier groupe d’assurance en France à avoir monté un hackathon autour de ChatGPT d’OpenAI, car nous savons que ces technologies vont déplacer nos forces humaines sur d’autres maillons de la chaîne de valeur. En mai 2023, nous avons fait travailler une cinquantaine de personnes sur des cas d’usage, avec nos valeurs éthiques et responsables en ligne de mire.



Nous avons déployé le premier cas d’usage à l’échelle de l’entreprise mi-octobre. Il s’agit d’un outil qui accompagnera les collaborateurs d’une filiale du groupe pour les aider à trouver la bonne information, rapidement, dans l’ensemble du corpus documentaire et donc faciliter leur réponse aux clients. Avec cet outil, l’objectif est de leur permettre de passer plus de temps auprès du client pour améliorer la qualité de service, mais aussi de favoriser la montée en compétences. Nous avons d’autres projets en phase de déploiement, j’en parlerai davantage lors de mon intervention à Innovation Assurance le 8 février 2024.

Le groupe Groupama emploie 31 000 personnes au service de 12 millions de sociétaires

Travaillez-vous sur d’autres dispositifs en interne ?
Nous avons mis en place il y a plus de cinq ans un « bootcamp » pour développer la culture d’intrapreneuriat et lancer des projets à l’échelle du groupe. Cela peut donner lieu à des accélérations sur des lignes business, mais aussi créer des « spin-offs ».


Nous l’avons fait l’année dernière avec une technologie autour de la reconnaissance de pièces légales, car nous ne trouvions pas ce que nous voulions sur le marché. Avec les équipes informatiques, nous avons développé notre propre technologie qui a donné naissance à DocTeller, que nous commercialisons aujourd’hui auprès d’autres clients. Cette start-up innovante a été créé par des collaborateurs. Elle démontre notre dynamisme en matière d’innovation.

Pouvez-vous présenter le groupe Groupama ?
Il s’agit d’un groupe mutualiste plus que centenaire fondé sur des valeurs humaines fortes. Son objectif est d’accompagner le plus grand nombre de personnes pour qu’elles construisent leur vie en confiance. Pour cela, il s’appuie sur des communautés d’entraide, humaines, proches et responsables.

Ce groupe est sans actionnaire. Il appartient à ses clients. Il est présent à l’international dans une dizaine de pays et recense 12 millions de sociétaires, 31 000 collaborateurs pour près de 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Quels sont les grands enjeux actuels pour les compagnies d’assurance ?
Nous avons identifié deux grands enjeux stratégiques. Le premier est le service client. Nos clients ont des attentes assez fortes sur ce sujet, peut-être davantage que par le passé.

« Nos sociétaires, quel que soit leur âge, ont un besoin d’immédiateté, de digital et de selfcare« 

Le second enjeu a un impact à la fois interne et externe. Il s’agit des événements climatiques. En 2022, ces événements ont coûté 10 milliards d’euros aux assureurs français. Ces événements se produisent de plus en plus souvent. Ils font que les compagnies d’assurances doivent à la fois être robustes, à la hauteur des enjeux technologiques et assurer le bon niveau ainsi que la bonne fréquence de service aux clients. Nos sociétaires, quel que soit leur âge, ont un besoin d’immédiateté, de digital et de « selfcare ».

Quel regard portez-vous sur le marché concurrentiel en France ?
La France est un pays très actif, avec beaucoup de concurrents. Par exemple, nous avons dans l’Hexagone l’assurance automobile parmi la moins chère d’Europe. C’est un marché qui perd de l’argent mais où tout le monde doit être présent. Cette concurrence intense nous pousse à être toujours plus créatif et innovant.

« L’assurance est une industrie qui mobilise énormément de fonds propres difficiles à constituer sur des périodes courtes »

Dans ce paysage concurrentiel, on peut observer trois grandes familles d’assureurs. Les traditionnels, à notre instar, qu’ils soient sociétés anonymes ou mutualistes. Les bancassureurs,  qui se sont fortement développés depuis un peu plus de dix années et qui se révèlent être de sérieux concurrents. Et enfin, il y a les néoassureurs ou « insurtech ». C’est une sphère particulièrement innovante, hyper agile et construite autour du numérique mais pour lesquels les parts de marché sont encore assez faibles. Ils rencontrent des difficultés à se développer car l’assurance est une industrie qui mobilise énormément de fonds propres difficiles à constituer sur des périodes courtes.

Quoi qu’il en soit, le prix, la qualité et la diversité des services vont faire la différence. A nous de trouver les bons équilibres en fonction des différentes franges du marché.

François-Xavier Enderlé interviendra sur le thème « L’IA générative pour l’assurance : les opportunités, les enseignements des premières initiatives » lors de l’événement Innovation Assurance le 8 février 2024 à Paris.

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