« En cas de problème, aucune réponse humaine ne vous est donnée chez les géants du Web », pour l’auteur Daniel Ichbiah


Les 7 géants du Web – Google, Facebook, Microsoft, Twitter, Apple, Wikipedia et Yahoo! – ne sont pas des anges. C’est ce que décrit Daniel Ichbiah, journaliste et écrivain, dans son ouvrage « Les nouvelles superpuissances ». Il explique comment ces sociétés s’asseyent sur nos libertés individuelles à Olivier Cimelière, directeur d’Heuristik Communications et animateur du blog du communiquant. 

Question : vous développez une théorie où les géants du Web, Google, Yahoo!, Facebook, Wikipedia, Apple, Twitter et Microsoft, seraient loin d’être les entreprises au service de leurs utilisateurs comme elles le clament. Qu’est-ce qui a déclenché l’écriture de ce pamphlet très documenté ?

Daniel Ichbiah : Tout est parti d’un coup de fil d’un ami en mai 2011. Il m’avait contacté pour que je vienne en aide à l’une de ses proches. Celle-ci se débattait avec un préjudice réputationnel lié à Google. Lorsqu’on tapait son nom sur le moteur de recherche, elle était associée à des horreurs qui n’avaient rien à voir avec elle. Cela posait un véritable problème pour son employabilité.


Elle avait tenté en vain de joindre les services de Google en France. Comme je suis journaliste, j’ai intercédé auprès d’une personne du département Communication pour tenter de trouver une solution. J’ai été sidéré par la teneur de la réponse que je cite d’ailleurs dans mon livre [NDLR : page 236]. On était en train de me dire que Google ne pouvait rien faire pour modifier les informations erronées. En d’autres termes, cela signifiait « ce n’est pas de notre faute. Ce n’est pas de chance ! ».

Intrigué, j’ai alors décidé de consacrer une enquête plus approfondie dans un numéro de « Comment ça marche », une revue mensuelle dont je suis le rédacteur en chef. Ce que nous avons constaté, était effarant. Chez Google, un jeune homme en recherche d’emploi était en délicatesse avec un homonyme aux attributs pas franchement flatteurs.


Là encore, Google s’est refusé à intervenir. A chaque fois, tout se passe comme si ce n’était plus l’affaire de ces sociétés qui déclarent pourtant toutes être amies des internautes. Jérémie Zimmermann, cofondateur et porte-parole de la Quadrature du Net, me confiait récemment que 10% des jeunes se heurtent actuellement à ce genre d’avatar numérique au cours d’un recrutement avec des conséquences souvent fâcheuses au final.

Bien que ces anecdotes ne cessent de se multiplier, aucune de ces sociétés ne s’est résolue à bouger et à tenir compte des conséquences des outils qu’elles mettent en ligne. Elles s’évertuent à ignorer les lois des Etats où elles sont implantées. En cas de plainte ou de requête concernant des informations personnelles impropres, elles se retranchent derrière la Constitution américaine et la liberté d’expression. Dans ces conditions, le droit à l’oubli devient quasiment impossible à garantir. Vous n’êtes plus jamais à l’abri de voir fleurir ou ressurgir un fait gênant, un commentaire négatif ou une attaque personnelle.

L’avènement de ces entreprises constitue un énorme changement de civilisation avec de vraies avancées mais aussi des problématiques nouvelles où l’internaute ne doit pas être le perdant de l’histoire. Malheureusement, j’ai le sentiment qu’on n’en prend guère le chemin.

Question : pensez-vous que ces entreprises jouent un jeu dangereux pour leur réputation qui est fondée sur la confiance que les utilisateurs leur accordent et sur la vision d’un monde meilleur où tout le monde accède à la connaissance ? 

Daniel Ichbiah : Les données du problème se posent différemment. Pour une grande majorité des gens, ces sites ne sont finalement guère palpables, ni vraiment proches. En règle générale, ils leur rendent des services gratuits et ils s’en satisfont de cette manière. Ils n’ont donc rien de particulier à reprocher à l’un de ces sites, ni d’affect envers eux. Ce n’est que lorsqu’une personne est confrontée à un problème que les choses commencent à se corser.

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Daniel Ichbiah, passionné depuis 30 ans des nouvelles technologies

Les nouvelles superpuissancesA l’heure où Facebook souffle sa 10ème bougie, Daniel Ichbiah, écrivain et journaliste, a publié en Novembre 2013, un ouvrage de réflexion sur les 7 géants d’Internet qui ont investi nos quotidiens connectés. Intitulé « Les nouvelles super puissances », il traite de Google, Facebook, Twitter, Apple, Yahoo, Microsoft et Wikipedia.

Cet essai s’interroge sur le niveau d’immixtion et de contrôle que Google et consorts ont acquis sur la vie numérique de leurs utilisateurs sans pour autant toujours daigner se préoccuper des conséquences que les données digitales peuvent avoir sur l’existence de certains individus. Le pavé fait 455 pages et montre que les données personnelles que nous semons volontairement ou à notre insu, sont l’indispensable carburant stratégique de ces machines à algorithmes sans cesse plus gourmandes.

Daniel Ichbiah est passionné de nouvelles technologies depuis les années 80. Il est pétri de culture informatique, jeux vidéo et réseaux en ayant collaboré à de nombreuses revues spécialisées du secteur. Il est en outre l’auteur de biographies sur Steve Jobs et Bill Gates. A ce titre, il a vu naître et évoluer chacune de sept sociétés qu’il décortique dans son ouvrage.

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