La Société Générale a organisé un hackaton fin mai pour « réinventer la DSI. » Bruno Delas, DSI des Directions Centrales chez Société Générale, revient sur les résultats de cette opération et l’évolution des DSI du groupe à l’heure de sa transformation numérique. La banque crée une DSI pour de l’informatique rapide, du « Fast IT », en parallèle des systèmes industriels.
Question : vous venez de vivre le hackathon organisé par Société Générale sur le thème de « 48h pour réinventer la DSI, » quel est votre ressenti ?
Bruno Delas : c’est un événement à vivre. J’en avais la certitude, comme me l’avaient décrit d’autres DSI , mais quand on le vit, c’est tout autre chose. On mesure mieux l’écart entre les profils que l’on rencontre lors d’un hackathon et l’informatique plus classique.
Le plus étonnant c’est la rapidité à laquelle les candidats passent de l’idée au prototype, en moins de 48 heures. Les participants ont pitché leurs idées en une minute lors de la soirée de lancement du vendredi soir, en vue de constituer leurs équipes de quatre personnes, et ils ont fait la démonstration de leurs travaux finaux dimanche après-midi. Cela amène à penser que l’on se restreint souvent nous-mêmes au sein d’une DSI, en se disant que les délais vont être trop longs sur certains projets… C’est une idée à revoir.
Question : les idées apportées étaient-elles très orientées DSI ?
Bruno Delas : les développeurs ont eu beaucoup d’idées sur le partage d’informations et le développement de logiciels collaboratifs, ce qui est naturel au regard de leur apprentissage du code en milieu scolaire.
En revanche, les idées portant sur les problématiques courantes d’une DSI, telles que le Devops, la mise en production, la sécurité ou la performance ont été moins nombreuses. Ceci s’explique probablement du fait d’une moindre sensibilité générationnelle ou d’une moindre expérience professionnelle des candidats qu’ils seront amenés à développer au cours de leur carrière.
Pour autant, le lauréat placé à la 5ème place du hackathon a proposé une solution sur le Devops, avec le suivi d’applications en production, et des problèmes de disponibilité et de performance. Un autre candidat a également travaillé sur l’anonymisation des données, qui est une vraie question pour une banque. Au final, a-t-on vu des choses dont nous n’avions pas conscience ? La réponse est non.
Question : quelle différence caractérise les équipes du hackathon par rapport aux informaticiens d’une DSI ?
Bruno Delas : cette génération a pour habitude de chercher du code, du débug, de la veille permanente sur le web. Cela les nourrit. Chez Société Générale, nos équipes n’ont pas ce réflexe, ni cette nécessité absolue de se tourner vers l’extérieur pour gagner du temps. Mais cela s’explique : nous avons appris à nos équipes à travailler en se « bunkerisant », en ne sortant pas de données pour des raisons de sécurité, ce qui les incite à ne pas en faire entrer. C’est un questionnement que nous devons nous poser : comment concilier la protection des données de nos clients tout en nous ouvrant vers l’extérieur et vers de nouveaux partenaires ? Il faut ouvrir nos équipes de développement sur le web tout en assurant la sécurité.
Question : vous êtes DSI, que devient la place du DSI à l’ère du numérique ?
Bruno Delas : L’informatique industrielle, qui se caractérise par de gros volumes et une sécurisation élevée, n’est pas amenée à se transformer selon les mêmes méthodes que celles des géants du Web.
Question : mais Google et Facebook, n’ont-ils pas aussi cette problématique industrielle tout en conservant de l’agilité et de la rapidité ?
Bruno Delas : les géants du Web ont une trajectoire différente des banques. Ils ont débuté leurs activités en toute agilité et avec de moindres contraintes juridiques. Pour autant, leur montée en puissance avec une forte augmentation des volumes a fait émerger une logique industrielle par la suite qui se manifeste notamment sur les infrastructures et le provisionnement.
C’est seulement récemment qu’ils ont abordé des problématiques comparables à celles du domaine bancaire. Il y a ainsi l’exemple du droit à l’oubli auquel Google est actuellement plus directement confronté. Plus les géants du Web se dirigeront vers les opérations financières, plus ils auront de nouvelles contraintes, similaires aux nôtres.
Question : comment allez-vous intégrer cette nouvelle vision de l’informatique agile et rapide vue durant le hackathon et que l’on trouve dans les startups ?
Bruno Delas : la partie informatique industrielle n’a pas vocation à suivre cette transformation. En revanche, pour accompagner la transformation digitale que nous connaissons actuellement, nous développons en parallèle une DSI pour de l’informatique rapide, du « Fast IT » en quelque sorte.
Ces deux mondes informatiques sont tout à fait complémentaires. Les informations nécessaires à l’une sont stockées dans l’autre partie, ce qui suppose un travail conjoint. .