La Khan Academy arrive en France. Il s’agit d’une plateforme d’apprentissage en ligne déjà largement popularisée aux États-Unis. Thierry Debarnot, cofondateur de digiSchool, réagit dans cette tribune. Pour lui, bien qu’ayant le mérite de mettre l’accent sur l’enjeu clé qu’est l’accès à l’éducation par le numérique pour tous, cette initiative soulève toutefois quelques questions.
La Khan Academy est une organisation non-gouvernementale crée en 2008 par Salman Khan. Ce site vise à « changer l’éducation dans le monde en offrant une éducation de qualité pour tous, et partout. » Les ressources du site sont gratuites et accessibles à tous : élève, étudiant, enseignant, parent, retraité, salarié, etc.
Disponible dans plus de vingt langues, la Khan Academy propose plus de 100 000 exercices dans des disciplines variées allant de la biologie à l’algèbre en passant par l’histoire de l’art et la programmation. Ce sont plus de 10 millions d’élèves par mois qui bénéficient des ressources de la Khan Academy partout dans le monde.
Quelle cohérence avec l’Education Nationale ?
La version française de la Khan Academy a été lancée le 2 septembre 2014, jour de la rentrée scolaire en France. Si la Khan Academy ambitionne de se positionner sur le marché du soutien scolaire, elle doit impérativement assurer une cohérence entre ses cours et les programmes de l’Education Nationale.
Les parents risquent en effet de rencontrer certaines difficultés à suivre le parcours pédagogique de leurs enfants. Comment savoir si le cours de géométrie proposé sur le site est bien au programme de mon enfant? Une entreprise américaine est-elle en mesure de proposer des contenus de qualité sur l’Histoire de France ? La question est également de savoir si l’on apprend et si l’on enseigne de la même façon d’une culture à une autre.
Un modèle économique viable ?
Pour assurer son développement, la plateforme fait appel à des dons. L’ONG reçoit notamment l’aide de Bill Gates. En France, c’est la Fondation Orange qui a financé son développement. Sans publicité, Salman Khan mise uniquement sur la philanthropie de ses donateurs pour assurer le développement de son entreprise.
La diffusion de l’éducation via les outils digitaux demande des investissements importants. Quid de la pérennité du modèle associatif afin de pouvoir diffuser et maintenir des contenus éducatifs de qualité, dans tous les domaines ?
Et la maîtrise de la diffusion du savoir ?
Avec les nouveaux usages digitaux, le partage des contenus par les outils numériques est devenu un enjeu majeur pour les Etats. Parvenir à contrôler la diffusion des contenus pédagogiques sur les supports digitaux est un objectif clé pour le gouvernement, comme en témoigne l’annonce récente de François Hollande de lancer un plan d’envergure pour l’éducation numérique.
En ce sens, le lancement de la version française de la Khan Academy doit nous interroger. Qui régulera les milliers de contenus qui inonderont nos écrans ? Devons-nous réellement nous réjouir qu’un géant américain s’occupe de « bouleverser » notre façon d’apprendre ?
Encadrer le développement du capital humain
Il est certain que l’explosion des supports digitaux a bouleversé notre façon d’apprendre et d’enseigner. Cependant, le développement du capital humain est une composante bien trop importante de la santé socio-économique d’un pays pour qu’il ne soit pas mieux encadré.
La cohérence avec la culture du pays, la conformité aux programmes de l’Education Nationale, la garantie financière de produire des cours de qualité et la maîtrise de la diffusion des savoirs par un Etat actif sont les clés d’une révolution pédagogique réussie.
Thierry Debarnot
Thierry Debarnot est cofondateur de Digischool. Digischool délivre des applications de formation gratuites sur PC, mobile et tablettes. Les supports de cours sont distribués gratuitement et réalisés par des professeurs rémunérés par Digischool. Le financement vient pour une grande partie de la publicité, et notamment d'écoles.
Bonjour,
merci pour votre réaction qui lance le débat o plutôt le relance : la version française de la Khan Academy est à ma connaissance en ligne depuis 2013 et c’est la version 2 qui est lancée ce mois.
Pour les maths au collège et lycée, il existe depuis bien longtemps de nombreux sites lancés des enseignants et citoyens passionnés comme le montrera une recherche avec le moteur de recherche préféré des français.
Dans ce contexte, on peut rester sceptique sur le mot « encadré ».
Appelleriez-vous de vos voeux une certification des sites par l’Education Nationale ?
Bonjour,
Cette certification existe… il s’agit de la marque RIP (reconnu d’intérêt pédagogique).
Plus d’info ici : eduscol.education.fr/cid56171/comment-obtenir-la-marque-rip.html
Bien à vous,