Des transporteurs routiers sanctionnés pour boycott des startups digitales de la livraison


L’Autorité de la concurrence sanctionne d’une amende totale de 500 000 € plusieurs acteurs du transport routier de marchandises, bourse de fret, groupements de transporteurs, organisations syndicales, pour avoir, entre fin juillet 2016 et fin février 2018, entravé les nouveaux acteurs du numérique proposant des services de réalisation ou d’optimisation de la gestion des transports.

Un appel au boycott des nouvelles plateformes numériques

Les acteurs sanctionnés s’étaient entendus pour boycotter et appeler leurs adhérents au boycott des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation et des logiciels pouvant permettre d’optimiser la réalisation des opérations de transport grâce à la traçabilité.

Les principales plateformes numériques étaient Chronotruck, Fretlink, Everoad et Shippeo

Les principales plateformes numériques opérationnelles à l’époque étaient Chronotruck (créé en 2016), Fretlink (créé fin 2015) et Everoad (créé en 2016). Ces nouvelles plateformes numériques permettent de mettre  directement en relation les clients chargeurs avec des transporteurs, au travers d’une interface en ligne, en utilisant des méthodes de géo-localisation immédiate. Le secteur a aussi vu l’arrivée de nouveaux acteurs, comme Shippeo (créé en 2015), éditant des logiciels de traçabilité servant à suivre et gérer des flottes auprès des chargeurs et transporteurs, sans intervenir dans leurs relations commerciales.  

La bourse de fret B2Pweb, et sa maison mère H2P, les groupements de transporteurs Evolutrans, Astre, Flo, Tred Union et ASTR, ainsi que les syndicats UNOSTRA et, plus tardivement OTRE, ont d’abord décidé d’une stratégie commune visant à bloquer l’entrée et le développement des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation et du logiciel de traçabilité Shippeo. Ces échanges sur le « Lobbying anti-plateformes » ont notamment eu lieu lors de conseils de gouvernance de H2P ou lors d’échanges bilatéraux avec le président de H2P.

Des consignes de boycott transmises à des milliers d’adhérents

Chacun des groupements et syndicats professionnels ont ensuite transmis à leurs adhérents respectifs les consignes décidées. Des publications ont également eu lieu sur les sites internet ou intranet respectifs de ces groupements et syndicats ainsi que sur le site de la bourse de fret B2Pweb accessible à ses 10 000 membres. Ces communications visaient  à alerter les adhérents de ces groupements et syndicats sur les « dangers » allégués résultant de l’utilisation de ces plateformes et logiciels pour la profession et à les appeler à ne pas collaborer avec ces nouveaux acteurs du numérique.

« LA SEULE SOLUTION : NE PAS COLLABORER AVEC CES PLATEFORMES : SANS CAMION ELLES NE PEUVENT RIEN PROPOSER AUX CLIENTS »

A titre d’exemple, ces documents contenaient des affirmations comme : « LA SEULE SOLUTION : NE PAS COLLABORER AVEC CES PLATEFORMES : SANS CAMION ELLES NE PEUVENT RIEN PROPOSER AUX CLIENTS ». Un éditorial sur le site Internet de l’OTRE précisait « L’OTRE s’oppose avec énergie et détermination à ces plateformes » et « appelle tous les professionnels à ne pas collaborer avec elles, à refuser explicitement leurs propositions commerciales. »

Le groupement Tred Union a diffusé une liste des plateformes avec lesquelles ses adhérents avaient interdiction de travailler. L’ensemble des parties ont aussi discuté de la riposte à organiser vis-à-vis du logiciel Shippeo. Les groupements Astre, Flo, Tred Union et Evolutrans ont invité leurs adhérents à résister aux demandes de leurs clients concernant l’utilisation du logiciel Shippeo, et à favoriser l’utilisation du produit Gedmouv commercialisé par B2Pweb.


Des amendes mesurées sauf pour les meneurs du boycott

Bourse Premium Professionnel, solidairement avec la société Holding Premium Professionnel350 000 euros
Evolutrans27 000 euros
Association des Transporteurs Européens50 000 euros
France Lots Organisation25 000 euros 
Tred Union28 000 euros
Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers9 000 euros
Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers1 000 euros 
Organisation des Transporteurs Routiers Européens10 000 euros 
Total500 000 euros 
Le montant détaillé des amendes infligées par l’Autorité de la concurrence


Les actions de boycott et d’appels au boycott dirigés contre les plateformes numériques d’intermédiation et le logiciel de traçabilité Shippeo étaient destinées à entraver leur développement dans le secteur du transport routier de marchandises, et ont ainsi limité la concurrence et l’innovation, souligne l’Autorité de la concurrence.



Les plateformes apportent des gains via l’augmentation de la concurrence, des commissions inférieures et la réduction des ‘retours à vide’

« Ces pratiques sont graves, d’autant plus qu’elles concernent un secteur en profonde évolution, marqué par l’émergence des nouvelles technologies numériques, qui permettent de proposer des services d’optimisation du transport, à la fois pour les chargeurs et les transporteurs » souligne l’Autorité. Du point de vue de l’Autorité, ce boycott a causé un dommage à l’économie en limitant les gains d’efficacité dus aux plateformes numériques d’intermédiation et aux logiciels de traçabilité. Ces gains portent sur l’augmentation de la concurrence entre les transporteurs, des taux de commission inférieurs perçus par ces plateformes et la réduction des « retours à vide » des camions, indique l’Autorité.

L’Autorité de la concurrence observe néanmoins que le dommage à l’économie demeure contenu. Elle considère que les nouveaux acteurs numériques du transport routier de marchandises ont malgré tout connu une croissance marquée pendant la période des pratiques et malgré les actions de boycott et appels au boycott. Au regard de ces éléments les amendes apparaissent contenues à l’exception toutefois de H2P (Holding Premium Professionnel) et BP2web (Bourse Premium Professionnel) pour leur rôle déterminant dans la mise en œuvre des pratiques en cause. L’UNOSTRA et l’OTRE sont sanctionnés pour leur capacité d’influence dans le secteur.




Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *