Data et IA : les chantiers de la DSI de Bouygues Telecom

Olivier Heitz, DSI de Bouygues Telecom, 3 décembre

Bouygues Telecom, opérateur télécoms grand public et pour les entreprises, progresse avec pragmatisme dans l’usage de la Data et de l’intelligence artificielle (IA). Des chantiers Data et IA sont en cours.

Cela concerne la mise en oeuvre de l’IA générative, la facilitation de l’accès aux données en instantané et en toute autonomie pour les métiers, l’amélioration du catalogue des données et l’intégration des données manquantes dans les entrepôts de données de l’opérateur télécoms.


Ce sont les objectifs affichés par Olivier Heitz, DSI de Bouygues Telecom. Il a pris la parole à l’occasion de l’événement APIDays Paris, le 3 décembre. La Direction des Systèmes d’Information (DSI) de Bouygues Telecom représente 700 personnes et 1 000 prestataires.



L’IA d’abord pour les employés de Bouygues Telecom

En matière d’IA, Bouygues Telecom se centre d’abord sur ses employés. « Aujourd’hui, on est plutôt dans une démarche de développeur [logiciel] augmenté et de CDC [conseiller de clientèle] augmenté » décrit Olivier Heitz. Dans ce cadre, c’est l’humain qui prend la décision finale et non l’IA. « Donc, on [l’IA] fait des propositions, mais le choix final, c’est quand même un humain qui le fait » déclare-t-il. C’est la prudence qui guide cette approche. « On fait cela parce qu’aujourd’hui, on considère que nous n’avons pas encore les outils pour bien maîtriser les dérives d’une IA, particulièrement sur de gros volumes » explique-t-il.


« Quand vous avez des centaines, des millions d’actions, il y a un moment donné où ça [l’IA] peut dériver« 

Une crainte est la dérive des IA au fil du temps et lors d’un usage à grande échelle. « En général, quand vous mettez [une IA] en place, il n’y a pas de dérive. Cela fonctionne. Par contre, quand vous avez des centaines, des millions d’actions, il y a un moment donné où ça peut dériver » dit-il. Dès lors un des sujets qui préoccupent la DSI, c’est cette dérive. « Est-ce qu’on va le constater ? » s’inquiète le DSI.

Chez Bouygues Telecom, l’IA générative est mise au service des Conseillers de clientèle (CDC) en centre d’appels. La Direction des Systèmes de l’Information de l’opérateur s’emploie à étoffer les services proposés à ces équipes mais se heurte aux limites des technologies. Bouygues Telecom a mis en place une application d’IA afin d’épauler ses CDC en centre d’appels notamment lors de l’appel d’un client qui souhaite des explications sur sa facture.

L’IA renseigne l’agent en centre d’appels sur la facture du client

Environ 30% des clients appellent au sujet de leur facture. Cette application est au service du conseiller et l’informe en temps réel. « Lorsque le client nous appelle et qu’il interagit avec notre chargé de clientèle, l’IA automatiquement comprend les échanges et va chercher dans l’historique du client un certain nombre d’éléments et commence à donner des propositions interactives à nos chargés de clientèle sur l’explication de sa facture, ce qui va aider finalement l’agent » décrit-il.

Pendant que le conseiller discute, il n’est pas obligé de faire les recherches parce qu’un certain nombre d’éléments lui remontent

Le conseiller n’est pas obligé de faire les recherches parce que pendant qu’il discute, il y a un certain nombre d’éléments qui lui remontent et puis il va pouvoir synthétiser et donner une explication. Cette application est un exemple d’ « employé augmenté ». Bouygues Telecom aurait souhaité aller plus loin et faire en sorte que l’IA réponde entièrement au client afin de lui expliquer sa facture. Mais le niveau des technologies est insuffisant aujourd’hui, constate l’opérateur télécoms.

En revanche, sur des questions plus simples, la technologie répond correctement. « Quand les gens voyagent, tout le monde s’est toujours posé la question : ‘tiens, demain, je vais au Maroc. Est-ce que c’est inclus dans mon forfait ?’ Là, les agents conversationnels, de façon totalement autonome, répondent très précisément. Donc là, on laisse faire. Par contre, sur des sujets plus complexes, on a tendance à vriller. Peut-être que la technologie aussi va avancer » résume le DSI.

La synthèse des appels clients mise en service à grande échelle

Bouygues Telecom a toutefois mis en place une application d’IA générative qui fonctionne à grande échelle à destination de ses CDC. « Nos clients nous appellent beaucoup et donc nous avons beaucoup d’interactions avec des agents » présente le DSI. « Nous voulions garder la synthèse des échanges pour avoir un historique lorsque le client nous rappelle. Nous avons travaillé avec Salesforce et aujourd’hui, toutes les conversations sont transcrites en live. On en fait une synthèse et à la fin de l’appel, la synthèse est proposée au CDC, qui la valide et qui l’enregistre » détaille-t-il.

« L’hallucination, on la contrôle quand même, [parce que] le CDC à la fin, valide. S’il ne valide pas la synthèse, on ne la prend pas en compte »

C’est un usage de grosse volumétrie car tous les appels sont traités, sachant que certains appels peuvent durer 40 min. « En quelques lignes, on dit: ‘Voilà pourquoi le client a appelé, il n’était pas content de sa facture, et il avait un dépassement de son forfait de voyage et on a trouvé telle solution’. La synthèse est enregistrée » dit-il. Ce type d’usage de l’IA générative est sujet à des hallucinations. Comment Bouygues Telecom intervient-il afin de lutter contre ce phénomène ? « L’hallucination, on la contrôle quand même, [parce que] c’est que le CDC à la fin, valide. Donc, il relit. Et s’il y a un décalage entre l’échange qu’il a eu pendant deux heures ou 40 minutes, il ne le valide pas et donc on ne le prend pas en compte » intervient-il.

C’est le conseiller de clientèle qui valide la synthèse de l’appel écrite par l’IA, souligne Olivier Heitz


Cette solution n’est cependant pas totalement satisfaisante car l’employé a la charge de valider le compte rendu de l’appel téléphonique. Bouygues Telecom voudrait aller plus loin. « Ce que l’’on voudrait, c’est pouvoir contrôler la synthèse de l’appel automatiquement. Parce qu’effectivement, on rajoute quand même une charge au CDC. Sur cela, on n’a pas encore trouvé la solution. C’est pour ça que pour l’instant, cela reste une validation humaine » regrette-t-il.

Abandon de la mesure de la satisfaction client par analyse du ton de sa voix


Les dérives de l’IA générative et les temps de réponse trop longs sont deux raisons qui obligent à abandonner un cas d’usage, déclare le DSI. Par exemple, Bouygues Telecom a voulu mesurer la satisfaction client au ton de sa voix à la fin de l’appel. Le projet fonctionnait sous forme de POC (Preuve de concept) mais les résultats n’étaient plus satisfaisants à cause des hallucinations et des temps de réponse trop élevés lors du passage à l’échelle.

Trois chantiers Data. Il s’agit de l’amélioration de l’accès autonome aux données, l’amélioration du catalogue de données et l’intégration de données

D’autre part, la DSI de Bouygues Telecom entend mener trois chantiers côté Data. Il s’agit de l’amélioration de l’accès autonome et en instantané aux données de la part des métiers, l’amélioration du catalogue de données et l’intégration des données manquantes. L’opérateur télécoms évolue dans un secteur très concurrentiel et s’appuie sur une gouvernance des données mise en place il y a dix ans. L’objectif de la DSI est de rendre les métiers autonomes sur l’usage de la donnée.

Des points d’amélioration sur le catalogue des données, les outils et l’accès aux données sont encore nécessaires. « Depuis au moins 10 ans, nous avons une vraie gouvernance de la data qui est représentée par un binôme IT-métier qui gère à la fois les sujets fonctionnels et les sujets techniques » présente Olivier Heitz. « Cette gouvernance définit et formalise une stratégie qu’elle fait évoluer tous les trois ans » précise-t-il.

Des équipes métiers compétentes en Data Science

L’opérateur télécoms revendique les compétences de ses équipes. « Aujourd’hui, nous avons à peu près 60 personnes qui sont, côté métier, très aguerries, dont beaucoup de Data science. Et côté IT, nous avons à peu près 130 personnes qui ont été regroupées dans une même entité » décrit-il. Les données sont placées dans deux gros entrepôts de données qui représentent 70 To, totalement ouverts aux utilisateurs.

« Nous avons des niveaux de sécurité très variables mais on a essayé d’ouvrir au maximum à nos utilisateurs »

La sécurité est particulièrement étudiée sur ces données. « Nous manipulons les données sensibles, nous avons des niveaux de sécurité très variables mais on a essayé d’ouvrir au maximum à nos utilisateurs et nous mis en place un certain nombre d’outils » poursuit-il. En fonction de la maturité et des besoins des utilisateurs, les outils sont différents. Il y a ainsi Tableau Software de Salesforce pour la data visualisation à froid. L’outil Kibana pour la Data visualisation de la donnée à chaud, et pour les personnes plus expérimentées, la plateforme Dataiku.

Deux domaines doivent encore progresser. Il s’agit de l’accès instantané aux données. « Les métiers, de plus en plus, veulent quasiment instantanément manipuler des données. C’est un sujet sur lequel il faut qu’on travaille encore » pointe le DSI. Le deuxième sujet concerne la compréhension de ces données. « Même si on a mis en place un dictionnaire qu’on fait vivre, la richesse de nos données fait que souvent, les utilisateurs ont un peu de mal à se retrouver dans le modèle de données. Donc, on a encore des sujets à travailler sur la manière de rendre plus accessibles et plus compréhensibles les différents éléments pour que l’autonomie des métiers soit maximale vis-à-vis de ces données. C’est vraiment ce que l’on cherche » établit-il.

Les métiers de Bouygues Telecom sont très consommateurs de données

Les métiers chez Bouygues Telecom sont particulièrement appétents à l’usage de la donnée. « Aujourd’hui, je n’ai pas besoin de pousser les métiers à l’utilisation de la data. Ils ont une vraie appétence, voire ils sont gloutons ! » réagit le DSI. Dans un secteur des télécoms à la fois très compétitif et qui bouge très vite, les métiers ont besoin d’analyse, de croiser les données, de bien comprendre, de réagir. Cette voracité doit toutefois être encadrée. « Je dois faire attention, la première chose, c’est sur les sujets sécurité, parce que si les métiers veulent manipuler beaucoup de données, croiser des données, il y a des choses, sur la législation, et on ne peut pas tout faire » alerte le DSI.

« Comment je donne aux métiers un accès de données sans passer par l’IT ? »

Le DSI est responsable pénalement. Il doit ainsi indiquer les voies interdites. « De temps en temps, je sors mon sens interdit en disant : ‘je comprends que ce serait intéressant de croiser ces types de données, mais là, on va trop loin, donc je suis obligé de les freiner » dit-il. Sa deuxième préoccupation concerne encore l’accès des métiers aux données en autonomie. « Comment je donne aux métiers un accès de données sans passer par l’IT ? » interroge-t-il.

La réponse est une histoire d’outils et de compréhension des différentes données et de la manière de les croiser. « Parce que de temps en temps, les métiers font des croisements qui, finalement, théoriquement, pourraient fonctionner, mais qui donnent un résultat faux » constate-t-il. « Donc, mon gros travail aujourd’hui avec les équipes, c’est comment je rends le plus autonome possible l’accès aux données » insiste-t-il.

Enrichir les deux entrepôts de données avec les données manquantes


Il reste également à traiter la couverture fonctionnelle. « Je pense que 80% des données sont aujourd’hui dans nos deux entrepôts. Nous avons encore des sujets où les clients disent: On a des données dans un tel système opérationnel, ce serait intéressant qu’ils viennent. Là, c’est comment j’arrive le plus rapidement possible à rajouter de la donnée et à enrichir le modèle de mes entrepôts de données » indique-t-il.

Enfin, le DSI profite d’être présent à l’événement APIDays Paris pour rappeler l’importance de l’ouverture des systèmes d’information grâce aux APIs (interfaces applicatives) afin de pouvoir employer l’intelligence artificielle. « Le premier sujet que les DSI doivent faire avec l’IA, c’est ouvrir leur système d’information et qu’ils aient une vraie culture d’APIs.  Parce que très vite, dès que vous allez vouloir aller un peu plus loin sur l’IA, il va falloir ouvrir son système d’information. Et pour ça, le seul moyen de l’ouvrir correctement avec le bon niveau de sécurité, c’est les API. Donc, je voudrais dire que toutes les DSI, si elles n’ont pas déjà fait, il faut qu’elles se mettent à ce sujet » conclut-il.

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