Danone utilise les codes du e-commerce « B to C » pour séduire de nouveaux distributeurs

Danone cible les cafés, restaurants et boulangeries

On peut être un géant de l’alimentaire et curieusement ne pas disposer de circuits de vente opérationnels partout où il existe pourtant un marché. C’est le cas de Danone France très présent dans les circuits de vente traditionnels mais qui n’était pas présent il y a 6 mois auprès des petits professionnels indépendants, comme les cafés ou les restaurants.

Un e-shop dédié aux petits professionnels indépendants

Dès lors, l’industriel a lancé une boutique en ligne dédiée, un e-shop, à destination de ce secteur spécifique et sans mobiliser de force de vente associée sur le terrain. Ce site e-commerce « B to B » diffuse sa gamme de produits alimentaires, depuis ses yaourts jusqu’aux boissons végétales. Afin de séduire le client professionnel, Danone France s’est inspiré des codes du e-commerce « B to C » employés usuellement avec le grand public.  Il tire un premier bilan.

Danone manquait de présence dans le canal des professionnels indépendants comme les cafés, les restaurants ou les boulangeries

Le résultat est vu comme positif et l’heure est au déploiement à l’international, Grande Bretagne et Etats-Unis en tête, indique Camille Lavenant, Ecommerce Global Leader chez Danone. La responsable a décrit la réalisation du projet e-shop à l’occasion de l’événement « Les Enjeux Innovation B2B 2022 », organisé par Next Content, le 7 avril. Danone possède des canaux éprouvés avec la grande distribution mais manquait en France de présence dans les canaux de vente plus petits tels que les professionnels indépendants comme les cafés, les restaurants ou les boulangeries ainsi que dans le Quick commerce ou les nouveaux services de livraison et le social commerce.

Or ces canaux deviennent stratégiques car ils représentent de la croissance et de nouveaux clients. Cela a d’ailleurs joué des tours  à Danone puisque ce sont par ces canaux de vente que de nouvelles marques montent en puissance en proposant par exemple des produits alimentaires à base de plantes. Danone France s’est donc employé à combler ce trou dans sa raquette. Ses équipes françaises ont bâti un site e-commerce, baptisé e-shop, opérationnel depuis six mois désormais. Ce site e-commerce s’attache à reprendre autant que possible les codes de séduction et d’achat du commerce « B to C » et des marques qui vendent en direct à leurs clients, en « Direct to Consumer » (DTC) alors que l’on est dans un contexte « B to B ».

Une relation client personnalisée selon le type de professionnel

L’objectif du e-shop était la personnalisation de la relation client. Cette personnalisation prend en compte le fait que l’acheteur est soit un restaurant, soit un coffee shop, soit une boulangerie, etc. mais vise aussi le client final, le consommateur. Le but est de livrer en direct les produits de Danone et d’apporter du service au client professionnel. Cette personnalisation se concrétise grâce à des pages web spécifiques pour chaque acteur selon qu’il s’agit d’une boulangerie, d’un coffee shop, etc. La plateforme e-commerce technique choisie, achetée chez Salesforce, a servi à définir les différentes cibles de professionnels, en termes de tarification et de portefeuille de produits.

« Il ne s’agit pas uniquement de délivrer nos produits, c’est de créer une nouvelle relation. Le client final va découvrir de nouvelles recettes »

« Le but est de présenter nos produits et de les intégrer dans le quotidien de ces clients professionnels et des clients finaux. Quelle recette peut-on leur proposer avec le produit, pour leur donner des idées ? Quelle vending machine [NDLR : machine à café] peuvent-ils utiliser dans la gestion quotidienne de leur activité ? » illustre Camille Lavenant. « Il ne s’agit pas uniquement de délivrer nos produits, c’est de créer une nouvelle relation. Le client final va découvrir de nouvelles recettes. Grace aux vending machine, les cafés restaurants, etc. ont plus de temps, donc il y a moins de queue. Il y a un bénéfice pour tout le monde » poursuit-elle.

Danone France a adopté une approche très « B to C » afin de concevoir cet e-shop. « On ne différencie pas le café restaurant ou le client final dans notre façon de communiquer » explique la responsable. « On parle d’un humain qui a besoin de ressentir une attraction par rapport à nos marques, qu’il  soit en train de travailler ou de consommer nos produits. Nous avons fait le choix d’utiliser une approche très ‘B to C’ » ajoute-t-elle. Le site e-shop est conçu afin d’être attractif et vivant, et non comme un outil administratif de passage de commandes. « C’est humaniser un petit peu l’expérience. On veut enlever tout le côté administratif qu’il y avait avant dans la relation client et Danone. On veut l’humaniser grâce à la plateforme pour dévier toutes les interactions humaines sur du service, de la valeur ajoutée et on n’a pas de système de ‘re-commande’ et de ‘je n’ai plus de stock’, etc. » dit-elle.

Le frontend du e-shop s’inspire du savoir faire de Danone en « D to C »

Afin de réussir le projet, Danone France s’est appuyé sur son expérience des sites e-commerce « D to C », Direct to Consumer. « Grâce au ‘D to C’, on sait le type d’images et le type de description marketing qui fonctionnent. Ce que l’on a utilisé du ‘D to C’, c’est comment on gère la partie visible, la partie front-end du site, donc les contenus, le moteur de recherche et comment on optimise cela, la gestion du digital shop » liste-t-elle. En revanche, Danone France n’a pas voulu utiliser l’expérience d’un site « D to C » comme « Evian chez vous », pour la logistique, où ce sont de gros volumes de bouteilles d’eau qui sont livrés aux particuliers.

Pour ce projet, en tout 18 personnes de Danone France ont été mobilisées, venant de plusieurs services

Pour ce projet, en tout 18 personnes de Danone France ont été mobilisées, venant de plusieurs services. Les soutiens essentiels sont venus du General Manager France de Danone et du Vice Président e-commerce. « Cela ne s’est pas fait en un jour, c’est un projet qui a permis d’ouvrir les yeux à différents départements qui ne connaissaient pas le e-commerce. Ces personnes sont désormais des supports pour toute initiative e-commerce en France et international » se réjouit la responsable. Le projet a réclamé de la ténacité en interne. Cela a pris plusieurs mois pour convaincre.

« Il faut être très clair sur l’objectif » souligne-t-elle.  Dans le cas du e-shop, l’objectif n’était pas uniquement la vente, ou de permettre aux clients professionnels de recevoir les produits plus facilement, plus rapidement, etc. Il y a toute la notion de service. Il fallait ainsi intégrer toutes les équipes marketing de Danone. « Et il faut trouver les bons sponsors, c’est le plus important. Quand on parle de 17 personnes, c’est 17 personnes pour pousser avec nous le projet. Ce n’était pas une personne du ‘B to B’ qui a lancé le projet. On n’était pas expert du ‘B to B’ chez Danone, on a fait appel à des interlocuteurs externes » insiste-t-elle.

Un projet lancé par l’équipe e-commerce de Danone France

Le projet est parti de l’équipe e-commerce qui a embarqué l’équipe ventes, puis les équipes supply chain et informatique ont été ajoutées. « On ne pouvait pas faire sans l’informatique. C’est là ce que cela a été compliqué de lier la technique avec le business, mais on y est arrivé. Cela a pris plusieurs mois. 70% du succès du site s’est faite sur le choix des bons interlocuteurs chez Danone » relève-t-elle.  Si la partie technologique repose sur Salesforce, la livraison des produits est assurée pour sa part en 48 heures par Chronofresh, nouveau partenaire pour Danone et spécialisé dans les produits frais.

« Nous sommes allés chercher 90% de nouveaux clients. Il s’agit de clients que nous n’avions pas dans notre portefeuille de B to B« 

Un premier bilan du e-shop est positif. « Cela a été très positif. Nous sommes allés chercher 90% de nouveaux clients. Aujourd’hui, c’est de l’incrémental pour Danone car il s’agit de clients que nous n’avions pas dans notre portefeuille de B to B » se félicite la responsable.  Faire décoller le chiffre d’affaires du jour au lendemain n’était pas l’objectif du e-shop même si les ventes sont au rendez-vous, glisse-t-elle. L’important était de ne pas laisser de côté ces petits professionnels indépendants. « Il faut qu’on leur donne de nouveaux produits notamment sur les produits à base de plantes. C’est en pleine expansion dans tous les cafés restaurants, les shoppers recherchent ce genre de catégories. Il faut que l’on puisse leur donner ce qu’ils recherchent » pointe la jeune femme.

Danone France mesure l’intérêt des clients professionnels en analysant le nombre de pages qu’ils regardent et s’ils sont intéressés par les pages sur les services. Danone a pu recruter des coffee shops comme clients, qu’il n’avait pas jusqu’alors. Pour le futur, l’objectif est de recruter 90 000 professionnels clients en 2 ans en France pour le e-shop. Danone France va voir s’il peut ajouter d’autres catégories de produits ainsi que la possibilité d’étendre le projet à d’autres pays, dont d’abord le Royaume Uni et les Etats Unis.

Un déploiement à l’international et via des plateformes de partenaires

Il existe déjà plus de 40 sites e-commerce « D to C » chez Danone, et il s’agira de voir comment harmoniser les sites « B to B » et les sites « D to C », étant donné que les produits sont les mêmes et qu’il il faut que les messages soient les mêmes en « B to B », en « D to C », en quick commerce et en « off line », c’est-à-dire en magasin physique.  

Le nouveau circuit défriché par l’e-shop devrait s’insérer dans les plateformes B to B existantes de Danone à l’étranger ou dans de grosses plateformes telles que celle développée par Unilever avec Compra Agora au Brésil. On peut même imaginer que Danone lance ou participe à des places de marché ciblant les professionnels comme celle conçue par Coca-Cola en associant des marques non concurrentes. Ce type de stratégie est soutenu par le français Mirakl, spécialiste de la fabrication technique de places de marché.



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