Chez Club Med, l’IA générative est mobilisée afin d’améliorer son modèle économique et le rendre plus performant tout en restant basé sur la relation humaine, qui est « comment les GO [Gentils Organisateurs] peuvent faire vivre les meilleures vacances aux clients ».
Beaucoup de cas d’usage sur l’efficacité des entreprises
C’est un changement dans l’approche technique de l’entreprise qui revendique de ne pas figurer d’habitude parmi les premières à adopter une nouvelle technologie. Le Club Med préfère usuellement intervenir lorsque l’inflation de solutions est passée et être plutôt un « smart adopter », un « adopteur fûté » dans les nouvelles technologies. Mais beaucoup de cas d’usage sont apparus en ce qui concerne l’IA générative, notamment sur l’efficacité des équipes et le marketing auprès des clients.
Quentin Briard parvient à marier un discours technique sur l’IA et l’approche marketing
Club Med s’intéresse à l’IA générative depuis 1 an. L’entreprise dispose de 2 milliards de données dans sa Data Factory, qui fonctionne en quasi temps réel et est alimentée au quotidien par à peu près 5 millions de points de données. Cette Data Factory permet de réconcilier l’ensemble des données, de l’entreprise que ce soit des données relationnelles, transactionnelles, des données produit via son PIM (Product Information Manager) et son DAM (Digital Asset Management) et des données d’acquisition via Google, Meta et Linkedin ainsi que des données RH et potentiellement des données externes.
Club Med adopte la démarche de produits Data
Via l’outil de diffusion Kafka, ces données sont versées dans Google Cloud Platform. Cela permet d’alimenter des outils de Data visualisation tels que PowerBI de Microsoft et les canaux de communication client comme le CRM. De plus, la plateforme « Vertex AI » de Google permet de travailler des scores sur les clients afin de les mettre en production. Depuis 18 mois, Club Med travaille sur les produits Data comme il le fait sur les produits digitaux.
Dans sa démarche d’usage de l’IA générative, Club Med s’attache à déterminer le KPI de succès d’un POC
Il retient quatre cas d’usage de l’IA générative chez Club Med. « Le premier cas est extrêmement simple » débute-t-il. Club Med a ainsi recours à « Vision AI » de Google afin d’indexer et d’identifier les 50 000 photos du Club Med. Ces photos sont un atout clé afin de commercialiser des séjours. « C’est notre première arme commerciale. On ne pourrait pas convaincre quelqu’un de partir au Club Med sans photo » confirme le responsable. Une réflexion qui rappelle les propos d’un des fondateurs de Veepee (ex Ventes Privées) : « Nous vendons des photos« . Chez Club Med, l’ensemble de ces éléments était indexé à la main pour les répertorier dans le DAM (Digital Asset Manager) de l’entreprise.
Trois semaines d’apprentissage des signes distinctifs du Club Med
Club Med a entraîné le modèle d’IA de Google afin de lui faire reconnaître ce qu’était un trident, ce qu’était un GO (Gentil Organisateur) et comment on reconnaissait le village du Club Med de Punta Cana et tous les signes distinctifs du Club Med que Vision AI ne connaissait pas. « En trois semaines, il a réussi. Et puis après, en une semaine, on a réussi à indexer l’ensemble des 50 000 photos et de les écrire directement dans notre DAM [Digital Asset Management] pour que les outils de personnalisation soient plus puissants, que nos équipes marketing trouvent plus rapidement les bonnes photos » détaille le responsable.
Le deuxième cas d’usage a été la création d’un bot qui serve de FAQ augmenté grâce à l’IA générative
La personnalité d’un village et ses activités sont très distinctives d’un village à l’autre. Il y a ainsi jusqu’à deux cents informations. Cela concerne les types de chambres, les activités et les horaires. Il est difficile pour les vendeurs de les connaître sur le bout des doigts devant un client. « Et donc, nous avons créé un bot sur la base d’une technologie LLM Claude [de la startup Anthropic] et avec une startup Allobrain, qui permet aujourd’hui à nos équipes de vente de pouvoir interroger le bot et d’avoir en deux à quatre secondes des informations multimodales » présente-t-il. « On va continuer d’alimenter l’outil sur l’ensemble des autres informations commerciales et promotionnelles pour que ce soit un vrai copilote dans nos équipes » ajoute-t-il.
Club Med est capable de changer de LLM en quelques heures
Club Med se montre agnostique dans ses choix techniques. « Nous sommes capables de changer de LLM en quelques heures. Nous avons déjà deux LLM qui tournent. Il s’agit de Claude [d’Anthropic] et GPT 3.5 [ d’OpenAI] aussi pour des raisons de coût et de rapidité et nous continuerons à vouloir être agnostique dans les choix de LLM » souligne-t-il. Cette solution interne doit être ouverte aux clients de certains pays considérés comme suffisamment murs pour les conversations tels que le Brésil, la Chine ou les Etats-Unis. Les échanges se déroulent ainsi sur les outils de dialogue WhatsApp et Wechat ou via les bots des sites web.
Un bot basé sur les LLM vient d’être mis en service afin de répondre aux clients brésiliens via WhatsApp
Quatrième cas d’usage qui concerne le back office de l’informatique, Club Med entend rajeunir certaines parties vieillissantes de son infrastructure informatique arrivées en fin de vie tels que des scripts décisionnels écrits en langage SAS. Il y a ainsi 1200 scripts SAS dans lesquels on retrouve dans chacun à peu près 800 lignes, et dont la documentation est assez faible puisqu’ils sont anciens et là depuis 35 ans. « C’est un irritant, car il y a de la satisfaction des utilisateurs mais il n’y a pas de payback [remboursement]. Cela coûte extrêmement cher » pointe Quentin Briard.
Un gain de 12 mois pour traduire les scripts SAS en requêtes SQL
Club Med s’est ainsi engagé dans l’utilisation de LLM supervisé par l’humain pour convertir les scripts SAS en langage SQL et créer la documentation associée. Il s’agit donc d’une traduction semi automatisée. La traduction est réalisée par ChatGPT 4 pour passer l’ensemble des scripts dans BigQuery de Google. Cela a fait gagner 12 mois aux équipes du Club Med dans cette tâche. Dans cette marche vers l’IA générative, il faut noter que Club Med avance toutefois prudemment. L’entreprise a mis en place depuis six mois un comité d’éthique. Ce comité se réunit tous les trois mois. On y retrouve les fonctions RH, juridiques de la société, la direction générale, l’IT et Quentin Briard lui-même.
Un expert externe aide à se poser les bonnes questions quand on lui expose les cas d’usage afin de parler des biais possibles
D’autre part, Club Med veut soigner la confidentialité de ses données, et a signé pour cela, il y a deux mois avec S3NS qui est la co-entreprise entre Google Cloud et Thalès. « Cela nous permet non pas d’héberger en Europe puisque ça c’était déjà le cas précédemment, mais de mettre des contrôles locaux activés par Thalès et non plus par Google Cloud, ce que réclame bien évidemment la Cnil et le RGPD » se félicite-t-il. « C’est à dire que Google ne pourra pas accéder à nos données sensibles. Elles seront cryptées par Thalès » déclare-t-il.
La RSE rejoint les enjeux du FinOps
Le dernier enjeu traité par Club Med est celui de la RSE (ESG). S’il y a de plus en plus de données à traiter, cela signifie qu’il y a donc de plus en plus de consommation carbone. « Cela rejoint la FinOps. Car moins on consomme de données, moins on a d’Opex sur nos Data. Nous avons mis en place très rapidement des dashboards qui regardent en temps réel la consommation de nos requêtes, la consommation de nos cas d’usage. Cela a fait baisser de 35 % la consommation de nos cas d’usage en trois mois » dit-il.
Toutes les semaines, les Data Engineers de Club Med regardent la consommation des usages et de l’ensemble des requêtes afin de voir celles qui consommeraient trop parce qu’il y a des data inutiles par exemple. « Cela arrive dans tous les cas d’usage. Et donc [il faut] supprimer des data pour veiller à ce que notre consommation de data soit responsable » conclut-il.