Carrefour recherche ardemment le modèle économique du métavers, ce nouvel univers virtuel qui marie le jeu vidéo et le e-commerce. Le distributeur s’appuie sur des partenaires clés qu’il a sélectionnés. Il prend le risque de casser ses codes internes propres aux grandes entreprises et se place à l’écoute des retours de ses clients vis-à-vis du métavers.
Il faut garder les fondamentaux de ce qui crée un business
L’histoire est en cours d’écriture et nul n’en connaît l’épilogue. C’est ce qu’explique Elodie Perthuisot, directrice Exécutive E-commerce, Data, et Transformation Digitale du groupe Carrefour. Elle a pris la parole le 31 mai à l’occasion de l’événement « Retail & Metaverse » organisé par Raise Sherpa, un fond d’investissement et d’accompagnement. Face au métavers, Carrefour entend rester sur ses bases de commerçant. « Il faut garder les fondamentaux de ce qui crée un business. Donc, quelle est la valeur pour le client ? Qu’est ce que j’apporte à mon client ? C’est notre ligne directrice » résume Elodie Perthuisot.
« Où est-ce que j’arrive à créer de la valeur additionnelle ? Qu’est ce qu’il y a dedans pour mon client ?«
Le distributeur est à la recherche du business associé au métavers et relève qu’il y a par exemple une réaction positive de la part des plus jeunes plus à l’aise avec les univers virtuels lors de l’opération de recrutement qu’il a menée dans The Sandbox. L’objectif est d’« arriver à créer un vrai business associé à cela, créer un avantage et un intérêt pour nos clients, et arriver aussi à parler et toucher les clients. Je citais les plus jeunes [dans le cas de l’opération de recrutement dans The Sandbox], sur lesquels les expériences leur parlent et leur apportent une vraie expérience nouvelle, où ils vivent les atouts de la marque Carrefour et qui leur correspondent mieux. C’est un peu leur monde, leur hypermarché à eux » pense Elodie Perthuisot.
A quoi va ressembler le supermarché du métavers
Plus globalement, le distributeur s’interroge sur la forme que va prendre sa place dans le métavers. « Ce que l’on cherche, c’est quel est ce supermarché du métaverse ? C’est quoi ce supermarché qui va apporter une nouvelle expérience et qui va vraiment créer de la valeur pour nos clients ? Le métaverse c’est aussi des basiques et c’est satisfaire nos clients » estime-t-elle. Dans ce chemin vers le métavers, Carrefour s’appuie sur des partenaires technologiques plus agiles et plus experts.
« Il faut trouver des partenaires experts et plus agiles que nous, qui nous apprennent »
Il faut dire qu’Elodie Perthuisot elle-même n’a pas hésité à prendre des risques face aux processus des grands groupes comme Carrefour. Elle a pris un court circuit. Elle s’est affranchie de collecter toutes les autorisations que les multiples services de contrôle de Carrefour exigent des opérationnels. « Il faut casser les codes. Quand vous êtes Carrefour et que vous décidez d’acheter un terrain en crypto-monnaie, à un moment donné, il ne faut pas consulter le juridique puis la finance, sinon vous ne l’achetez jamais votre terrain » relate la responsable.
L’achat d’un terrain dans le métavers a secoué en interne chez Carrefour
Elodie Perthuisot a lancé l’acquisition sur The Sandbox avec Coinhouse un vendredi soir. « Le lundi après l’avoir acheté le week-end, cela a un peu secoué, je n’avais pas consulté tout le monde » se souvient-elle. « Cela fait aussi du bien » pense-t-elle, en faisant référence au fait de passer outre aux processus trop rigides des grandes entreprises face à l’innovation.
« Notre enjeu c’est de sortir du monde du luxe qui a été pionnier, et du côté expert«
« Si j’ai un message pour les startups ou les acteurs du métaverse, c’est qu’il faut rendre cela beaucoup plus simple. On le voit bien avec nos clients. Il y a un vrai appétit pour des clients beaucoup plus du marché de masse, mass market, pour sortir du domaine des experts, ou très international mais pour ça, il faut que l’expérience devienne plus simple. On travaille toute la journée sur la simplicité de nos expériences sur notre site et sur l’application mobile » reprend-elle. « Quand on bascule sur le métaverse c’est plus compliqué, encore trop compliqué, pour un public de base, et c’est dommage parce que l’appétit est là » pointe-t-elle.
Les 300 000 employés de Carrefour dans la boucle de l’innovation
Dans cette démarche d’innovation, Carrefour s’appuie aussi sur ses employés. « On le voit bien sur nos employés. Ils sont les premiers à me poser des questions sur le métaverse. Ils sont très fiers que l’on soit pionniers sur le sujet. Ils adorent le sujet, et donc on les aide à créer leurs avatars. Aujourd’hui ce n’est pas super simple de créer son avatar et d’avoir accès à son porte monnaie » reconnaît Elodie Perthuisot.
« Nous avons 2 personnes qui travaillent sur le métaverse, mais elles sont très bonnes »
Les partenariats sont la clé des technologies mais Carrefour veut être à l’écoute de ses clients. « Nous faisons des partenariats pour nous nourrir sur la partie technique, sur la crypto mais notre métier c’est de comprendre vraiment ce qui se passe sur les utilisateurs, sur les clients. C’est cela qui va nous apprendre la suite. Moi la suite je ne la connais pas. Notre méthode c’est de se lancer » dit-elle. « Il y a un vrai appétit autour de la gamification. Avec le métaverse, il faut apprendre à faire un business différent de celui de lancer un supermarché où on peut donner le chiffre d’affaires des cinq prochaines années » dit-elle.
Abondance de métavers ne nuit pas
La multiplicité des métavers ne va-t-elle pas être un frein à leur développement ? « C’est une très bonne nouvelle qu’il y ait plein de métaverses et d’expériences, c’est dans ce sens là qu’il faut que l’on travaille. Nous-mêmes on crée une diversité d’expériences et pour la rendre accessible pour des clients qui n’ont rien à voir [entre eux]. C’est ce qui fera la force du métaverse. Si l’on cherche à faire un truc uniforme, on va se louper » conclut-elle.
Elodie Perthuisot est en charge du digital chez Carrefour, c’est-à-dire du e-commerce, de la data et de la tech. Cette tech comprend des systèmes informatiques qui pour la plupart sont assez anciens. Il s’agit de beaucoup de systèmes de caisse, d’entrepôt, de transport. Quant au e-commerce, cela concerne la livraison de millions de commandes à l’heure à ses clients. C’est son quotidien.