Bureau-Vallée répond au cauchemar des listes de fournitures scolaires avec l’IA générative

Les listes de fournitures scolaires sont décryptées par ChatGPT chez Bureau Vallée

L’achat des fournitures scolaires est une période critique pour les enseignes comme Bureau-Vallée. Bureau-Vallée a mis au point une IA générative capable de comprendre les listes de fournitures scolaires. Un tour de force ! Le but est de gommer les irritants et surtout de capter la clientèle stratégique de chaque rentrée scolaire.

Bureau Vallée compte 400 magasins dont 80% de franchisés


L’IA générative est désormais bien présente sur le site e-commerce de Bureau-Vallée,. C’est l’aboutissement d’une stratégie Web initiée en 2013 avec la création d’un site de e-commerce. Il s’agit alors d’un pari pour une enseigne qui compte 400 magasins dont 80 % sont des franchisés.

Pour l’enseigne discount, le business model du Web est simple : drainer des ventes pour les magasins physiques. La stratégie e-commerce a donc démarrée timidement avec le Click & Collect en 2013. « Le succès a été immédiat » se souvient Emeric Caramico, Chief Data Officer de Bureau Vallée. « Il s’agissait pour nous d’un défi technologique complexe à relever. il fallait connecter les 320 magasins pour disposer des prix pratiqués par chacun d’eux ainsi que de leurs stocks. »


La rentrée scolaire est un moment clé pour une enseigne comme Bureau Vallée

La crise du Covid est alors survenue et Bureau-Vallée a dû se lancer dans la livraison à domicile. « Nous étions très mal à l’aise car c’est un métier que nous ne maîtrisions pas et tout un modèle économique que nous allions bousculer. » La solution trouvée est simple et radicale : Internet n’est qu’un pourvoyeur de commandes pour les franchisés et il n’y a pas un chiffre d’affaires Web. Tout le montant des commandes leur est reversé. Alors que l’enseigne réalise un chiffre d’affaires global de 750 millions d’euros, le e-commerce représente aujourd’hui 30 millions d’euros, un chiffre en croissance de 40 % par an.

Emeric Caramico, Chief Data Officer de Bureau Vallée


La liste des fournitures, un irritant fort pour les parents

Pour un vendeur d’accessoires de bureau et de papier, la rentrée scolaire est une période clé pour réaliser son chiffre d’affaires annuel. Tous les parents se ruent dans ses magasins. Ils cherchent désespérément tous les articles demandés par les professeurs.

Depuis 11 ans, l’enseigne cherchait un moyen d’automatiser la prise de commande à partir de ces listes souvent très complexes. Dans un premier temps, l’enseigne a proposé aux parents de déposer leurs listes papier en magasin, puis de repasser 4 heures plus tard pour régler le panier d’achat correspondant, le temps que les vendeurs puissent le préparer.

La solution n’était pas satisfaisante ni pour les parents, ni pour les opérateurs en magasins dans une  période de rush. Dans un deuxième temps, un outil a été mis en place sur le site web de l’enseigne pour que les parents puissent télécharger la liste et passer au magasin quelques jours plus tard pour retirer leurs articles.

Bureau Vallée explique la magie de l’IA pour traiter la commande de fournitures (Cliquez pour agrandir)

Des projets précédents en échec

Là encore, tout repose sur les opérateurs qui doivent interpréter les listes sans pour autant savoir ce que les parents veulent réellement acheter. Il fallait trouver mieux.  « Il y a 8 ans, nous avons souhaité créer un outil capable de récupérer toutes les listes scolaires des groupes scolaires dans la zone du magasin et convertir ces listes en besoins » décrit le responsable.

« Une pseudo-intelligence devait ensuite rapprocher ces besoins aux articles que nous avions en rayons. On ne parlait pas d’IA à l’époque, Devant la complexité de la tâche, le projet a été un échec, mais nous avons gardé cette idée en tête, car c’est le caillou dans la chaussure des parents pendant l’été. »

L’arrivée de l’IA générative a relancé l’idée d’un outil automatisé

L’essor de l’IA ces derniers mois a poussé le Chief Data Officer Emeric Caramico à remettre le projet d’actualité. Néanmoins, la problématique reste complexe même en s’appuyant sur ChatGPT. La France compte plus de 60 000 établissements scolaires, un nombre qu’il faut multiplier par le nombre de classes et d’enseignants. Dès lors, le nombre de listes potentiellement toutes différentes est considérable.

Le projet a été mené en co-construction avec Decade, le prestataire e-commerce avec qui Bureau-Vallée travaille depuis 3 ans. Un noyau dur de quelques franchisés, d’experts de Decade et l’équipe e-commerce de Bureau-Vallée est rapidement formé.

Cette équipe va fonctionner en mode startup afin d’aboutir rapidement à un résultat. L’idée est de ne pas annoncer en interne le projet, mais d’avancer le plus vite possible et de tester au maximum l’intelligence artificielle avant de dévoiler le projet aux franchisés. Si le DG était dans la confidence, le projet reste en « Stealth Mode », c’est-à-dire en « mode furtif » pendant 3 mois.

Deux mois de travail intensif pour la rentrée de 2024

L’objectif est clair. Il s’agit d’être opérationnel pour la rentrée des classes 2024. « Il s’est écoulé 5 mois entre les premières discussions et la mise en ligne de l’outil, avec véritablement 2 mois de travail intensif pour aboutir à un résultat performant » commente Mohamed Laroussi, Directeur Business de Decade. Le processus imaginé par les ingénieurs est simple.

Les parents ont téléchargé leurs listes de fournitures scolaires. La lecture de ces listes téléchargées est confiée à ChatGPT, l’IA générative de la startup californienne OpenAI.  L’IA générative génère alors une liste de fournitures compréhensible par le moteur de recherche du site e-commerce. Le site va garnir le panier d’achat sur le site et le client va pouvoir ajouter ou retirer des articles avant de valider la transaction.

En pratique, l’IA va rapidement se heurter à la créativité des professeurs. Ceux-ci multiplient les options, les synonymes et les exclusions dans leurs listes. Ainsi, si le professeur demande des stylos bleu, noir, rouge et vert, mais qu’il interdit les stylos 4 couleurs, l’IA ne doit pas ajouter ce dernier à la liste bien qu’il corresponde à la demande de 4 couleurs.

Un bâton de colle et pas un tube de colle

De même, il ne faut pas ajouter « un tube de colle » si le professeur demande d’acheter de la colle, mais « uniquement en bâton ». Face à la complexité des interprétations possibles, une interface collaborative est mise en place pour que chaque membre de l’équipe puisse tester des listes, les plus complexes de préférence, et optimiser le « Prompt » (l’invite de programmation) ChatGPT avant la mise en ligne.

Via cette interface interne, des centaines de listes ont été testées pour aboutir à un résultat correct. De l’aveu même d’Emeric Caramico, cette interface était toujours utilisée par l’équipe après la mise en production pour améliorer encore et encore les performances de l’IA.

Le défi d’utiliser une IA en évolution permanente

De même, l’équipe va devoir faire face aux évolutions de ChatGPT en production et au comportement non déterministe d’une IA générative. « 3 semaines après la mise en production, nous avons constaté que les résultats étaient différents de ceux obtenus lors des tests » déplore Emeric Caramico. « Il ne s’agissait pas simplement de petites inconsistances sur la traduction d’un besoin précis, mais le format de sortie qui avait pourtant été clairement défini dans le Prompt n’était plus respecté » dit-il. « Les champs laissés vides faisaient tomber notre script. »

Pire, une évolution majeure de GPT 3.5 peu avant la mise en ligne, va pousser l’équipe projet à revoir sa copie. « Du jour au lendemain, nous avons vu arriver une nouvelle version de ChatGPT, avec des temps de calcul nettement plus rapides et des réponses différentes » précise Mohamed Laroussi.  « Cela a bousculé le parcours client que nous avions imaginé, car celui-ci avait été pensé pour masquer les temps de calcul de ChatGPT, notamment avec des étapes intermédiaires. Un mois avant la mise en ligne, nous avons dû refondre ce parcours client pour bénéficier de ces temps de réponse réduits » explique-t-il.

Prérequis du projet : Un moteur de recherche au top

Dans l’architecture imaginée par les ingénieurs, la liste de fournitures est lue par ChatGPT et le « Prompt de l’IA générative » retourne un fichier qui est envoyé par un script au moteur de recherche du site Web e-commerce de Bureau Vallée.

De fait, l’efficacité du dispositif repose sur la qualité d’interprétation de la liste par l’IA générative, le fameux Prompt, mais aussi la capacité du moteur de recherche à trouver l’article qui correspond au besoin identifié par ChatGPT. « Nous n’aurions jamais pu réussir un tel projet avec un mauvais moteur de recherche » affirme Emeric Caramico.

« Nous avons installé le moteur Algolia en un temps record pour les besoins du projet, ce qui a eu un effet de bord puisqu’en retravaillant notre moteur de recherche, nous n’avons jamais offert aux internautes un outil aussi adapté sur notre site. » Un gros travail d’optimisation, notamment sur la sémantique et les synonymes utilisés par les professeurs a dû être mené afin d’obtenir des résultats satisfaisants.

Le client peut retirer ou ajouter des produits à sa liste

Une fois la liste générée à partir des résultats du moteur de recherche, le client dispose de sa liste de course complète à laquelle il peut retirer ou ajouter des produits librement. L’établissement du panier à partir de la liste de fournitures prise en photo demande 2 minutes, contre une moyenne de 45 minutes en magasin pour les achats de rentrée.

Outre l’aspect innovant de l’outil, toujours bénéfique en terme d’image pour une entreprise sur un métier aussi traditionnel, l’IA générative a enregistré un beau succès business pour sa première rentrée scolaire en 2024. Bureau Vallée annonce que 6 000 listes de fournitures ont été téléchargées par les parents dans le module. Le panier moyen s’est établi à 70 € et l’IA a contribué aux 63 % de croissance du chiffre d’affaires de Bureau-Valée en août 2024 sur le online. Ce succès en appelle d’autres et Emeric Caramico a d’autres idées en tête autour de l’IA.

« Le défi d’un tel projet est de faire accepter l’incertitude sur sa réussite ; l’équipe doit l’accepter, de même que ceux qui la finance, pour nos informaticiens, notre réseau »conseille Emeric Caramico, Chief Data Officer de Bureau Vallée. « C’est la première fois que l’on menait un projet sans avoir de certitude sur sa réussite finale. Notre atout était d’avoir une deadline non décalable : la rentrée scolaire. Nous étions véritablement dans un mode startup, de type Fail Fast [NDLR : échouer rapidement].»

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