Le digital, support de l’innovation beauté chez L’Oréal

Le capteur d'UVA de La Roche Posay est attendu dans les Apple Stores en France début 2019

Dans les cosmétiques, l’heure est à la création de « coach » de beauté grâce aux données et à l’intelligence artificielle. L’Oréal mise sur le digital pour proposer à ses clientes des solutions d’aide au maquillage, et même la création de leur maquillage idéal et de leurs soins de peau.

Mesurer les UVA affectant la peau


Les objets connectés sont mobilisés. On devrait voir arriver début 2019 en France le dispositif « My skin track » de La Roche-Posay, une des marques de L’Oréal. Ce dispositif a été lancé aux Etats Unis le 15 novembre dernier. Il est destiné à mesurer les facteurs affectant la peau. « Nous vivons dans un environnement de plus en plus pollué » justifie Jacques Playe, CTO (Chief Technology Officer) de L’Oréal Research & Innovation. Le CTO prend en charge la partie digitale de l’innovation de L’Oréal.


L’action conjuguée des UVA et de la pollution est destructrice pour la peau

« Autre constat, qui vient de notre recherche avancée, c’est que l’action conjuguée des UV et de la pollution a un impact sur la dégradation de la peau sur le court terme et surtout sur le long terme qui est bien plus important que l’action simple des UV ou de la pollution » ajoute-t-il. « Je parle des UV A et des UV A longs qui viennent en profondeur dégrader la structure et la texture de la peau, et non de UV B qui sont responsables du bronzage ou de certaines brûlures » précise-t-il.

Jacques Playe, CTO de L’Oréal Research & Innovation


La Roche-Posay propose donc « My skin track », un capteur des UV « A » (Ultraviolets A) agressifs pour la peau. De la taille d’une décoration de la légion d’honneur, on l’épingle sur soi. Il est commercialisé à 60 $ dans les Apple Store aux Etats Unis depuis le 15 novembre. Pourquoi le lancer d’abord aux Etats Unis ? « Parce qu’il y a plus d’Apple Store » répond-on en souriant chez L’Oréal.

Tous les codes de la high tech pour un produit cosmétique

Le dispositif sera commercialisé en France début 2019. Le produit créé par une marque de cosmétiques adopte tous les codes des produits high tech d’Apple avec un emballage et un design soignés. Ce capteur ne nécessite pas d’alimentation par pile et rapatrie ses données sur une application mobile associée. Il avait été présenté au CES Las Vegas en 2018 sous le nom « UV Sense ».

Le croisement des données de pollution, de pollen et d’UVA permet de faire du coaching

« Il vaut mieux se protéger que de réparer. Cet instrument permet de capter votre exposition aux UV en temps réel. C’est à porter sur ses vêtements ou sur sa montre. Il permet en croisant avec des données de pollution et des données de pollen, et demain de plus en plus de paramètres, de faire du coaching et de prévenir ce que l’on subit de l’environnement et comment vous pouvez vous en prémunir » ajoute le CTO.

S’y ajoutent les données d’une startup israélienne BreezoMeter qui capture les données sur la qualité de l’air, qu’il s’agisse de pollution et de pollen autour de nous et avec laquelle L’Oréal a noué un accord. BreezoMeter diffuse ses données via des APIs (interface applicative). Avec ces données, « cela permet un coaching des personnes sur la protection solaire au quotidien, et pas seulement sur la plage. On aboutit à une protection plus régulière, en particulier en Chine et aux Etats Unis » explique-t-on chez L’Oréal.

Approches multi-factorielles nouvelles

Ce type de dispositif marque un tournant. « On a eu tendance dans la beauté et la cosmétique à avoir une approche mono-factorielle. L’accès à beaucoup de données et l’intelligence artificielle vont nous permettre d’avoir des approches multi-factorielles comme celle de percevoir l’action conjuguée et très néfaste des UV et de la pollution pas si facile à avoir il y a 5 ou 10 ans » se félicite le responsable.

Test au Japon afin de capter des données sur les protéines de la peau

Toujours grâce à la technologie, L’Oréal part à la recherche de nouvelles données. La firme lance ainsi un test au Japon afin de mesurer l’impact des conditions atmosphériques sur les protéines du visage soupçonnées d’être liées au vieillissement accéléré de la peau. Il n’existe pas actuellement de chiffres mesurant cet impact.

Faut-il des données pour être le nouveau maître du jeu dans la cosmétique ? Certes il faut de la donnée, mais la clé pour s’imposer auprès du consommateur est le service qu’on lui délivre, estime Jacques Playe. « Le chef d’orchestre va être celui qui apporte le service. On fait tout cela pour apporter un service. La donnée n’est qu’un support derrière. Les capteurs ne sont qu’un support pour faire quelque chose. Il faut de la donnée mais cela ne suffit pas. Elle ne peut pas être une fin en soi » dit-il. « Le chef d’orchestre sera celui qui aura l’intelligence d’apporter le bon service aux bonnes personnes » estime-t-il.

L’Oréal achète de la donnée

Au passage, il relève que dans la relation au consommateur « on va faire plein de scénarios pour savoir qui sera le chef d’orchestre, et finalement cela va se passer d’une manière que l’on n’avait pas du tout prévu. Donc on verra bien ».

La recherche sur le microbiome nécessite beaucoup de données

Quoiqu’il en soit « « la Data est quelque chose de clé » reconnaît-il, même si elle correspond au « comment faire » alors qu’il vise le « quoi faire ». « Nous sommes amenés aujourd’hui à acheter de la donnée » admet-il. « Par exemple, si on prend d’autres exemples de recherches comme le microbiome, qui est la seconde peau que l’on a sur la peau, pour la comprendre c’est une question de données. Il faut tellement de data pour le comprendre que l’on est amené à aller chercher de la data. On est toujours dans l’équilibre entre le « make » ou le « buy ». Dans le cadre des données, il y a un marché de data qui s’est ouvert et qui se développe sous nos yeux » souligne-t-il.

Dans le même temps, L’Oréal déploie progressivement des initiatives mariant données, intelligence artificielle et cosmétiques, en mode « test and learn ». Par exemple, L’Oréal va installer son système « Le teint particulier » de sa marque Lancôme, dans un deuxième magasin en France après la première installation des Galeries Lafayette, boulevard Haussmann à Paris qui date déjà de plusieurs mois. Ce dispositif associe un algorithme qui détecte le bon teint pour le maquillage d’une cliente et un dispositif matériel qui fabrique ce fond de teint.

Adaptation manuelle de l’algorithme

L’algorithme peut être corrigé par la conseillère beauté en point de vente pour tenir compte de certaines spécificités. Par exemple, culturellement les maquillages aux Etats Unis et en Chine ne sont pas les mêmes. Ce système existe déjà à une cinquantaine d’exemplaires dans le monde mais il est encore peu diffusé, notamment car il est coûteux dit-on chez L’Oréal. Aux Etats Unis, le système est mis en place dans les magasins Nordstrom qui sont l’équivalent des Galeries Lafayette. Le produit est issu de brevets développés par un inventeur californien Sayuki acquis par L’Oréal en 2014.

Création d’un soin sur mesure par un dermatologue

Autre initiative en cours, celle développée avec Skinceuticals afin de définir un traitement dermatologique sur mesure. Le dispositif est proposé uniquement aux Etats Unis. Le dermatologue fabrique le traitement selon une formule qu’il établit. Cela permet de manier des éléments « actifs », ce qui ne serait pas possible avec des produits fabriqués en usine.

Dernier enjeu, transformer le miroir de réalité augmentée adapté au maquillage de la société Modiface acquise en mars 2018. Il pourrait devenir un coach de maquillage. Une difficulté est d’adapter de telles fonctions sur l’écran très réduit d’un smartphone.

« Le teint particulier » de Lancôme : un second magasin équipé en France 

L’Oréal et Skinceuticals : un service sur mesure

Le dispositif intègre un mélangeur opérant au rythme de 1200 rotations par minute

En avril 2018, L’Oréal présentait un service personnalisé de soin pour la peau baptisé Custom D.O.S.E.  Développé avec la marque Skinceuticals, D.O.S.E est un service conçu pour évaluer les besoins spécifiques de chaque peau, de son vieillissement et de sa décoloration et combiner les ingrédients et principes actifs adaptés en un « sérum » correctif sur-mesure. D.O.S.E combine formulation et manufacture du produit dans une machine pouvant tenir sur un comptoir. Le dispositif contient un mélangeur opérant au rythme de 1200 rotations par minute, rendant possibles des mélanges précis, selon la technique du goutte-à-goutte, précise L’Oréal. Via 2000 algorithmes, la machine combine des ingrédients jusque-là impossible à mixer en-dehors d’une usine ou un laboratoire. 250 types de peau différents ont été pris en compte. L’expérience débute par une consultation avec un professionnel du soin de la peau. Le produit fabriqué est indexé pour chaque consommateur, avec des informations sur la date d’expiration du produit et un code barre spécifique facilitant les prochaines commandes. Une formule se crée en 5 minutes.

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