Auchan Retail veut déployer sa plateforme d’accès aux données en évitant le Data Chaos

Samir Amellal, Chief Data Officer et DSI, Auchan Retail

Le distributeur nordiste Auchan mise sur la Data pour gagner en adaptabilité. L’idée est de déployer l’accès aux données en Self-service auprès des employés en utilisant les outils de Business Intelligence Tableau. L’approche est le Data Mesh et vise à rendre les métiers responsables de leurs KPI et de leurs tableaux de bord. C’est un véritable pari dans une entreprise qui compte plus de 65 000 collaborateurs en France.

Confronté au choc du Covid, à des nouveaux entrants particulièrement offensifs sur son marché puis aux émeutes lors desquelles plusieurs magasins ont été pillés et aujourd’hui au choc d’inflation, le géant de la grande distribution Auchan Retail veut améliorer sa capacité à s’adapter à ces changements.

« Le point primordial réside dans notre capacité à démocratiser l’usage de cette donnée dans l’entreprise. »

« Notre volonté est d’être adaptables. Et la Data est un vecteur d’adaptabilité » résume ainsi Samir Amellal, Chief Data Officer et DSI d’Auchan Retail sur la grande scène du salon Big Data & IA Paris 2023. « Le point primordial réside dans notre capacité à démocratiser l’usage de cette donnée dans l’entreprise. »


Un poids lourd de la distribution tel qu’Auchan gère des masses considérables de données. Les tickets de caisse sont l’exemple le plus évident. Il y a aussi d’énormes gisements d’informations dans les données logistiques, RH et celles des partenaires de l’enseigne. Pour le CDO d’Auchan Retail, l’enjeu n’est plus seulement de la collecter, de la traiter, mais d’en démocratiser l’accès.



Du Self-service BI à grande échelle

Auchan Retail est en train de déployer la solution de Self Service BI de Tableau Software auprès de ses employés. Ce déploiement s’effectue dans un premier temps auprès de collaborateurs considérés comme appétents. Ceux-ci vont produire des rapports pour leur direction et devenir le point d’entrée Business Intelligence (BI) de leur service, de leur direction.

« Les métiers vont produire des rapports pour leur service, ce qui va nous permettre de nous désengorger »

« Les métiers vont produire des rapports pour leur service, ce qui va nous permettre de nous désengorger » présente le CDO. « Cela va aussi donner aux métiers la responsabilité de ce qu’ils vont produire. Le fait de redonner la main aux métiers sur leurs propres KPI va leur permettre de se les approprier. Nous allons les responsabiliser sur le professionnalisme de la production des KPI et des dashboards » annonce-t-il.

La plateforme a été baptisée Mesh et répertorie l’ensemble des ressources Data de l’entreprise. On retrouve sur cette plateforme tous les tableaux de bord, toutes les interfaces embarquant de l’intelligence artificielle, toutes les ressources Data et techniques de l’entreprise. Toutes ces ressources sont facilement accessibles via un moteur de recherche.



Tout utilisateur peut demander à publier des données


En tapant « rotation du stock », l’utilisateur va obtenir toutes les ressources qui correspondent à cette thématique. « Chaque collaborateur peut demander à publier une des ressources qu’il a produit grâce aux outils à sa disposition » précise le responsable. Pour les collaborateurs qui sont plus techniques et qui produisent des ressources plus élaborées qu’un dashboard Tableau, ils pourront les soumettre à publication via le portail.

« C’est une gouvernance assez exigeante et il faut se donner beaucoup de temps pour la mettre en place »

Au cas où la ressource n’est pas conforme, elle sera retoquée si il manque les définitions, si le ‘look and feel’ n’est pas le bon, ou si l’auteur a recours à une source de données qui ne figure pas sur la plateforme officielle. « C’est une gouvernance qui est assez rigoureuse, assez exigeante et il faut se donner beaucoup de temps pour la mettre en place » reconnaît Samir Amellal.

Le CDO insiste sur ce besoin de gouvernance associée à la plateforme. Le collaborateur doit ainsi rédiger une définition pour chacun des KPI. Il devra fournir un « readme » pour chaque tableau de bord et il va devoir reprendre le « look and feel » imposé par Auchan Retail.

De l’importance de la conduite du changement

Le succès d’une telle initiative dans une entreprise qui compte plus de 60 000 collaborateurs repose bien évidemment sur la conduite du changement. « Le self Service BI constitue le point de départ de la diffusion de la pratique Data dans l’entreprise » établit le responsable.

« Beaucoup de collaborateurs considèrent que ce n’est pas leur métier que de produire des dashboards« 

La gestion du changement est clé. « Or, ce n’est pas une mince affaire car on a beaucoup de collaborateurs, certains dans les magasins qui sont consommateurs de nos dashboards et qui souvent considèrent que ce n’est pas leur métier que de produire des dashboards ou de la Data. C’est une étape périlleuse que l’on aborde avec beaucoup de précautions, avec à la fois les bons outils et la bonne gouvernance » déclare-t-il.

Certaines directions d’Auchan Retail sont très matures sur la question de la Data. C’est le cas de la logistique où le distributeur peut s’appuyer sur des collaborateurs capables d’écrire du code en SQL ou en Python et qui ont une vraie pratique de la donnée. C’est aussi le cas avec le marketing, avec la relation client.

La culture Data est moins présente dans les RH

La culture Data est beaucoup moins présente dans d’autres directions comme les RH par exemple pour lesquelles l’équipe Data centrale va continuer à développer des KPI et des tableaux de bord. « Nous avons une approche qui ressemble à un arbre de décision » développe Samir Amellal « Dès qu’il s’agit de produire quelque chose de très complexe comme un tableau de bord très évolué ou un modèle d’intelligence artificielle, nous les produisons à leur place » dit-il.

« Nous allons identifier des personnes qui n’ont pas besoin d’avoir des connaissances techniques très approfondies »

Le projet va s’appuyer sur les personnes capables de produire des rapports internes sur Tableau. « En revanche, avec la solution Tableau, nous allons identifier des personnes qui n’ont pas besoin d’avoir des connaissances techniques très approfondies, mais qui pourront quand même produire des rapports en interne dans leur direction tout en respectant un cadre que nous leur imposons » commente le CDO.

Le responsable le confie, cette évolution vers le Data Mesh est une nouvelle étape de l’évolution du Data Office – la direction data – dans les entreprises. Il se souvient de la première fois où il a été CDO, au début des années 2010 dans le groupe Publicis. « Nous sommes passés d’une période de chaos où toutes les filiales et tous les services faisaient un peu comme ils voulaient. Tout cela était peu homogène et pas très professionnel dans la façon dont on le faisait, avec des départements plus ou moins aguerris. On a alors centralisé fortement le contrôle de la donnée » se souvient-il.  

Le Data Mesh s’explique par l’engorgement des directions data

Après les années où les preuves de concept et preuve de valeur, les PoC (Proof of Concept) et autres Proof of Value, se sont multipliés, le CDO évoque la période du DataOps lors de laquelle les entreprises ont cherché à industrialiser toutes ces initiatives, puis celle du Data Mesh. « Si on parle aujourd’hui de Data Mesh, c’est que nous sommes confrontés à un phénomène d’engorgement » explique-t-il.

« Les métiers doivent devenir propriétaires et responsables des données qui leur appartiennent »

Le Data Mesh est là pour soulager les directions data centralisées. « La Data est adoptée très largement dans les entreprises. Nous sommes face à une masse de demandes telle que les directions Data centralisées ne peuvent plus absorber. Cela génère du ‘change’ [NDLR : de la gestion du changement],  dans les métiers qui doivent adopter de nouvelles pratiques et qui doivent aussi devenir propriétaires et responsables des données qui leur appartiennent » propose-t-il.

Outre cette conduite du changement à mener auprès des équipes métiers, il ne faut pas négliger celle qui doit accompagner ce changement de position de l’équipe Data vis-à-vis de ces derniers. « Lorsque je dis à mes équipes que dorénavant ce sont les métiers qui vont produire leurs propres dashboards, leurs propres KPI, les équipes Data s’interrogent sur leur place si chacun se met à faire de la Data dans l’entreprise » résume le responsable.

Accompagner le changement de rôle des équipes Data


Les équipes Data doivent également s’adapter. « Il faut accompagner les équipes Data centrales et leur faire comprendre qu’elles ont vocation à faire de la gouvernance, accompagner cette adoption de la Data. Elles doivent faire en sorte que cette pratique Data dans l’entreprise soit normalisée afin d’éviter un certain nombre d’écueils qui existait au moment du Data Chaos, c’est-à-dire des rapports très hétérogènes, de multiples KPI différents pour une même information » rappelle-t-il.

« Darwin a dit que l’espèce qui survit n’est ni la plus forte, ni la plus intelligente, mais celle qui s’adapte le mieux. Nous considérons que la Tech et la Data sont des vecteurs d’adaptabilité et des outils qui vont nous permettre de nous adapter » conclut-il.

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