Sous la pression de sa dette financière, Alstom doit jouer la carte de la Data et de l’IA pour se démarquer sur le marché très concurrentiel du ferroviaire qui voit même l’arrivée de Google. L’IA soutient l’offre de services d’Alstom tels que la maintenance mais il s’agit d’aller plus loin et Alstom fait face à de multiples dangers. La compagnie a bâti une force de frappe interne et sélectionne ses partenariats pour prendre le virage de l’IA générative et trouver des solutions pérennes sur 20 à 30 ans.
Le secteur ferroviaire est en phase de digitalisation rapide. Les chantiers numériques d’Alstom sont nombreux et très divers avec l’amélioration des opérations, l’optimisation de la maintenance et l’amélioration de l’expérience des passagers. Alstom accélère sa stratégie Data et multiplie les collaborations pour monter en puissance sur l’IA générative.
« L’IA et la Data nous permettent d’accélérer le lancement des produits, de délivrer de nouveaux types de services » résume Henri Badaro, vice President Data & AI Governance chez Alstom. « Nous avons 300 personnes qui travaillent sur ces sujets » ajoute-t-il. Malgré cette force de frappe, il faut nouer des partenariats. « Cela ne suffit pas pour faire face aux challenges de l’IA générative et c’est la raison pour laquelle nous avons noué un partenariat avec Illuin Technology » dit-il.
De multiples cas d’usage potentiels pour l’IA
En effet, l’industriel a identifié énormément de cas d’usage de la Data et de l’IA dans de multiples domaines liés à son secteur d’activité. Si on évoque les opérations, il y a l’automatisation des trains, la gestion de l’énergie ou la gestion automatique des incidents avec le re-routage des trains. Pour la maintenance, avec l’approche Big Data, il dispose de logs qui permettent de détecter les pannes de manière préventive. L’analyse d’image permet de savoir si les rails doivent être remplacés par anticipation, ou encore planifier de manière intelligente les interventions sur les infrastructures et les matériels roulants.
« Nous avons besoin que les humains fassent confiance aux résultats de l’algorithme »
Cette planification peut se baser sur l’apprentissage automatique (Machine Learning). Au niveau de l’expérience passager, un exemple pourrait être la reconnaissance d’une personne à mobilité réduite et faire descendre automatiquement un marchepied, un exemple complexe à mettre en œuvre du point de vue juridique que technique, avec de la reconnaissance d’image et vocale s’il faut dialoguer avec la personne. « Tous ces exemples sont relativement classiques, mais pour rester à la pointe, nous devons mettre en œuvre des technologies avancées, dont l’IA générative » confirme Henri Badaro.
Appel à des sociétés expertes dans l’IA
Pour relever ces challenges et accélérer sa montée en compétence sur l’IA générative, l’industriel a multiplié les partenariats dans ce domaine. Il s’appuie sur Microsoft, Capgemini, l’Université Paris Saclay, Tata Consulting, Accenture et une scale-up française, Illuin Technology.
« Il y avait aussi des cas d’usage plus orientés ‘MoonShot’, avec le Generative Design notamment, et la génération de modèles 3D »
En technologie, la démarche Moonshot est issue du projet Apollo 11 de la Nasa qui a permis au premier homme de marcher sur la Lune en 1969. Le but est de trouver une solution disruptive à un problème complexe plutôt que d’apporter des améliorations progressives par itérations.
Le ferroviaire, une industrie aux cycles produit très longs
Si le potentiel de l’IA générative dans le design industriel est énorme, le retour sur investissement le plus immédiat pour Alstom est venu des équipes de développement des logiciels, car les matériels roulants et les infrastructures ferroviaires reposent aujourd’hui sur énormément de lignes de code.
« Les développements doivent être les plus soutenables possibles du point de vue de la maintenance dans la durée et de leur compétitivité »
La concurrence est féroce de la part d’industriels européens, japonais, chinois, mais aussi de nouveaux acteurs, dont des acteurs du numérique comme Google qui interviennent sur certains volets de la chaîne de valeur.
Prévoir à 30 ans l’usage d’une IA
« Pour être sûrs de rester compétitifs, nous devons toujours être à la pointe, ne pas dépendre d’un seul fournisseur » ajoute le responsable. « On ne peut se permettre de s’engager sur 30 ans et se retrouver face à l’impossibilité d’exploiter une technologie pour des raisons de licences ou la faillite d’un fournisseur. »
Alstom a bien séparé les parties techniques, métier et ferroviaire, ainsi que la couche sous-jacente avec les LLM
Face à la criticité de ses missions, Alstom a souhaité mener un maximum d’expérimentations pour écarter les cas d’usage qui ne pourraient pas être traités en l’état actuel de la technologie, mais aussi monter en compétence sur ces nouvelles technologies.
Les enjeux de sécurité des données
« Un point très important est qu’avec tous les cas de fuite de données qui ont été largement documentés dans la presse, toutes ces expérimentations doivent être menées de manière propre, dans des bacs à sable pour éviter des fuites de données » dépeint Henri Badaro. « En parallèle, il faut une politique d’entreprise de formation de manière à ce que les personnes soient formées, conscientes des risques potentiels et des enjeux » conclut-il.
« L’IA sera vraiment partout et nous allons devoir intégrer des solutions issues de différents partenaires »
Sans surprise, le deuxième défi est celui de l’adoption. L’industriel évolue dans un secteur d’activité plus que centenaire et va devoir développer ses compétences et les usages de l’IA notamment dans ses fonctions support et ingénierie.
Alstom a besoin d’IA acceptées par les organismes de régulation
Enfin, Alstom doit encore définir sa stratégie vis-à-vis des grands modèles de langages LLM du marché ou Open Source. L’industriel va avoir besoin d’IA de confiance acceptées par les organismes de régulation s’il souhaite développer des applications de sécurité basées sur l’IA.
Alstom doit-t-il entraîner ses propres modèles, les acheter ou préférer des modèles Open Source ?
« Pour être sûrs de rester compétitifs, nous devons toujours être à la pointe, ne pas dépendre d’un seul fournisseur. On ne peut se permettre de s’engager sur 30 ans et se retrouver face à l’impossibilité d’exploiter une technologie pour des raisons de licences ou la faillite d’un fournisseur » conclut Henri Badaro, vice President Data & AI Governance chez Alstom. Alstom est présent dans 63 pays. Il a réalisé un chiffre d’affaires de 17,6 milliards d’euros sur son exercice fiscal 2023-2024 qui s’achève en mars 2024.